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Le cinéma français ne meurt jamais

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Bonsoir, (un grand sourire fend mon visage)
Je pourrais avoir un autographe ?

Le film est terminé. Tourbillon de plein de choses. Mais surtout ce soufflement infernal : c’est déjà fini.
C’était trop bien , “une tuerie ce film”.

Aujourd’hui c’était L’innocent, premier film de l’acteur Louis Garrel en tant que réalisateur et acteur.
Le speech ? Un fils qui assiste au mariage de sa mère avec un certain prisonnier nommé Michel.
S’ensuit un braquage, une pose de tulipe dans un cimetière, une vente de canapé dans un Conforama, une cours-poursuite à pied et en voiture et tout cela dans un délai d’1h et 39 min – c’est presque une vie au cinéma!

Comment le réalisateur a-t-il réussi ce coup de maître ? Quel coup de maître me diriez-vous ? C’est seulement une comédie française classique. Elle repose sur les mêmes ressorts à la mode depuis 2019 notamment avec les Misérables, Hors-normes, pour ne citer qu’eux. Ils jouent avec avec les sentiments des spectateurs dans un cadre difficile socialement.

Alors comment expliquer cette prise de risque que je défends ? Le réalisateur, sans briser le 4e Mur, sans s’appuyer sur les clichés du genre arrive à créer une rupture entre le scénario de film où tout devient possible et la réalité de la vie. Une rupture qui déstabilise, qui peut nous faire décrocher du film. On passe d’un genre à l’autre sans transition visible, pourtant présente car le scénario est crédible.

Cette crédibilité est au cœur du film et pourquoi pas l’écrire, du cinéma français.

Nous tenons peut-être là l’ingrédient d’un film à la française : le soupçon de vérité, le noyau véridique autour duquel le scénariste y dépose la chair. Ici, c’est un acteur de cinéma qui part d’un fait de son enfance : le mariage de sa mère en prison. Étant mineur, il ne peut y assister.

Peut-on, veut-on, extrapoler en analysant la scène du film où il est présent au mariage comme une correction possible du passé ? Je ne sais pas. En revanche ce que je sais, c’est que cette vérité fonctionne. C’est un travestissement de la réalité, presque un mensonge mais elle plaît et les spectateurs font un pacte avec le réalisateur car ils lui font confiance puisque ses sentiments profonds et les messages qu’il veut faire passer à travers ce scénario sont honnêtes.

Les scènes deviennent authentiques : on chante avec eux lors du karaoké, on a peur de se prendre la balle perdue, l’omniprésence du monde carcéral rattache nos pieds à la réalité de la société.

Ce pacte est dans ce film.

Celui-ci est le quotidien d’une famille que l’on pense loufoque, absurde. Comment s’identifier à un braqueur de fourgon de caviar ? On aime notre mère, mais ira-t-on jusqu’à la protéger comme le fait son fils tout au long du film ? Encore une fois, est-ce une invitation de la part du réalisateur à réfléchir sur notre propre vie ? sur nos engagements familiaux ? Je ne peux pas répondre non plus à cette question. Cependant je vous offre aujourd’hui un autre élément de compréhension sur ce film et sur le cinéma français en général. Vous ne me croyez pas ? Vous regardez un film français de la même manière qu’une production américaine ? Personne ne peut vous tromper, vous savez que tout n’est que cinéma. Pourtant…

Si on croit que, dans le Corniaud, Antoine Maréchal est assez naïf pour accepter d’aller à Naples dans une Cadillac en or c’est que le réalisateur et les acteurs y croient. Si on croit que Saroyan est un gangster qui veut récupérer un diamant, lui-même caché dans le guidon de la bagnole c’est parce que le processus du pacte est en marche. Sur 67 millions de Français la situation a bien dû arriver non ?

Tout cela marche car, que cela soit Gérard Oury ou Louis Garrel et ses voleurs de poisson d’Orient, la situation tiré d’un fait divers ou d’un bout d’enfance pousse à l’absurde mais ne bascule pas pour autant. Cette ligne rouge qui une fois franchie pousse le spectateur à dire à la fin d’un film : sympa mais irréaliste. Ici on joue avec elle, sans faire le pas de trop.

Des personnages ordinaires pour des aventures extraordinaires

Aujourd’hui c’est un morceau d’enfance qu’un réalisateur réinvente : et si le beau père était un voyou, uniquement, pour offrir une Boutique de fleur à sa bien aimée ? Et si le fils était amoureux de la fille depuis le début ? Et si le chien avait en fait toute sa place dans l’histoire ?

Demain cela sera une autre histoire.

Une autre histoire qui plaira peut-être à d’autres spectateurs, avec la vision d’un autre réalisateur. L’important c’est d’y croire. De pouvoir rentrer dans un restaurant après la séance en se disant que la scène aurait pu se jouer ici. Que le policier que l’on vient de croiser avec sa voiture à la sirène hurlante est en direction du cimetière. Car les parisiens du bar, les provinciaux du périph’ et le monde, tous dévorent les faits divers. Ils survolent les titres en laissant leur imagination imaginer le reste de l’histoire, toujours abracadabrantesque. Ce sont comme des contes et ceux-ci ne peuvent pas mourir.

Voilà ce qu’est le cinéma français, un conte moderne.



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