Etat du marché du livre audio en France
Selon les données du Syndicat national de l’édition de 2022, 10 millions (19%) de Français auraient écouté au moins une fois un livre audio. Cet essor remarquable sur ces quinze dernières années s’explique pour diverses raisons. Tout d’abord, les livres audios ne sont plus seulement consacrés à la littérature jeunesse mais s’ouvrent désormais à la littérature adulte – contemporaine, classique etc. De plus, les supports de lecture se sont diversifiés et restent présents dans notre quotidien – smartphones, plateformes de podcasts etc. Enfin, une lecture audio permet de réaliser une autre tâche en même temps.
Deepzen et Evenlabs, la course au leadership
Ce phénomène récent s’est accentué ces dernières années avec une spécialisation de certaines entreprises. Ceci est le cas pour la société DeepZen qui a développé une intelligence artificielle permettant de lire des livres à des tarifs attractifs. Son fonctionnement ? Elle dispose d’une base de données regroupant les voix de multiples narrateurs à qui il a été demandé de s’exprimer dans diverses émotions – tristesse, surprise, joie, colère, horreur etc.
Par ailleurs, des plateformes de livres audio et des entreprises opérant dans les synthèses vocales concluent des partenariats. Ce n’est que récemment, en juin 2023, que la plateforme Storytel et le géant américain Evenlabs se sont lancés dans cette aventure. Leur objectif serait, à terme, d’offrir aux lecteurs la possibilité de choisir parmi de nombreuses voix celles qui leur correspondraient le mieux et auxquelles ils pourraient s’identifier, tout en proposant « des expériences d’écoute uniques et personnalisées pour chaque oreille ». Également, et cela serait novateur et inédit, de proposer un service d’interprétariat automatique pour lire dans des langues variées.
Lire une oeuvre : entre émotion et compréhension
Les professionnels du métier s’inquiètent donc de voir leur emploi menacé et remplacé par des outils informatiques. Plusieurs entreprises ont déjà franchi le cap en ayant recours à l’IA et ce notamment pour une baisse des coûts de production. En revanche, ils mentionnent qu’une IA ne saurait imiter la singularité d’une voix et créer une forme d’attachement chez les auditeurs qui retrouveraient leur narrateur habituel. En effet, lire une oeuvre demande de s’en imprégner, requiert de l’émotion et une bonne connaissance de l’intrigue ; cela constituerait une limite à l’utilisation de l’intelligence artificielle car selon un membre de l’association les Voix, Patrick Kuban, “Lire un bouquin, c’est comprendre un auteur, […] réussir à faire passer les messages qui sont non verbalisés. […] Mais l’IA, elle, ne sait pas faire ça.”
Problèmes éthiques et de droit d’auteur
Si certaines entreprises rémunèrent les narrateurs lors de l’enregistrement de leur voix et à chacune de leur utilisation, toutes ne le font pas et se servent donc gracieusement dans les banques de données. Quelques-unes sont capables de mélanger les voix des narrateurs pour n’en créer qu’une. Sortant de l’original et ne ressemblant à aucune autre voix connue, elle sert de motif pour une non-rémunération des voix originales.
Vers un encadrement européen ?
Le 18 octobre 2023, à l’occasion de la Foire du livre de Francfort, des auteurs, éditeurs et les membres de la Fédération des éditeurs européens ont appelé l’Union européenne à prendre des mesures pour encadrer cette pratique et ainsi veiller au respect du droit d’auteur.
L’intelligence artificielle pourrait permettre de diversifier l’offre des maisons d’édition. En effet, selon Kamis Taylan, directeur général de DeepZen, il est de leur devoir de “démocratiser l’industrie de l’édition, parce que, en l’état, seuls les noms les plus connus sont convertis en livres audio”. Avec les progrès de l’IA dans ce domaine, serait-il envisageable, sur le long terme, que les hommes et les technologies coopèrent ensemble pour offrir de nouvelles opportunités au livre audio ?