Ecole émérite depuis 1872, l’institut d’étude politique de Paris forme, instruit et prépare chaque année ceux qui, plus tard, prendront les rênes de notre pays.
Sciences Po c’est l’école modèle des affaires publiques et internationales, avec une réputation solidement ancrée dans le monde entier, servant de référence. Mais c’est aussi l’école de nos dirigeants, notamment des présidents français, tous depuis que François Mitterrand a franchi la porte de cette institution emblématique.
Cependant, une très récente étude, sortie dans un livre de Martial Foucault et d’Anne Muxel, tous deux Politologues et professeurs à Sciences-po, et, parue le 6 Octobre dernier, nous fait part de l’ambiance politique qui semble y régner aujourd’hui.
Elle s’attache à nous donner un aperçu des différentes opinions qui convergent par cette institution, avec une série de thématiques, de questions posées depuis une vingtaine d’années aux étudiants.
Elle nous fait part des impressions des étudiants sur les dernières élections présidentielles d’avril 2022, avec un graphisme apparu sur le compte Twitter de Martial Foucault :
Elle étudie également les personnalités favorites des élèves qu’ils admirent et dont ils s’inspirent pour leurs idées ou leurs combat :
Peut-être pourrions-nous commenter ces recherches en soulignant les aspects récurrents. On remarque sur le premier résultat de sondage, qu’il y a trois personnalités très largement en tête, qui sont :
- Jean-Luc Mélenchon, actuel président du groupe politique de La France Insoumise, qui se positionne dans l’extrême gauche traditionnelle.
- On retrouve ensuite Emmanuel Macron, actuel président de la république, qui créa en 2016 le groupe politique La République En Marche, classé centriste dans l’échiquier politique.
- Et enfin, Yannick Jadot, membre d’Europe Ecologie Les Verts, qui se positionne également à gauche.
Parmi les personnalités admirées par les élèves de l’institution, on retrouve Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon tous deux présents dans le premier sondage, accompagnés en tête du sondage, d’Alexandria Ocasio-Cortez, membre des socialistes démocrates d’Amérique ainsi que Christiane Taubira, ministre sous François Hollande et vice-présidente du parti radical de gauche.
Mais alors, quel est le point commun entre toutes les personnalités citées ? Elles sont de gauche, aussi bien dans les préférences de l’élection présidentielle, que dans les personnalités admirées. Il est donc possible de poser un constat sur la diversité politique de l’institution, constat qui amène à se poser diverses questions : Serait-elle trop de gauche ? Manquerait-il d’autres personnalités politiques modèles pour les élèves, pour les inspirer ? Est-il nécessaire d’avoir une pluralité d’opinions dans l’école qui forme les décideurs politiques de demain, afin que les différentes idées qui composent notre pays soient mieux représentées ?
La laïcité, valeur fondamentale de la République, semble se positionner sur un système égalitaire pour les étudiants de Sciences Po, en révélant un « 50/50 » qui pourrait ouvrir de puissants débats sur la compréhension conceptuelle du laïque par la jeunesse moderne politiste. Ainsi, selon le même sondage effectué par Martial Foucault, on constate un partage d’opinions très équilibré sur la question du voile, que l’on pourrait sans doute considérer comme le sujet le plus controversé des politiques actuelles sur la laïcité, l’immigration et l’intégration culturelle. Interrogés sur le port du voile à l’école par les jeunes filles musulmanes, ou plus particulièrement, par l’interdiction que leur est imposée quand elles souhaitent porter le voile dans les écoles publiques, les étudiants affichent les opinions suivantes :
Ce graphique pourrait soulever le débat de l’idéologisation de la laïcité, déjà associée lors des dernières décennies au sujet du voile de manière automatique. Vue par des politiciens de la gauche traditionnelle tels que Jean-Luc Mélenchon comme « un masque utilisé pour la persécution des musulmans en France » et par des politiciens que l’on pourrait qualifier de droite conservatrice tels que Eric Zemmour, comme un « devoir de discrétion », la laïcité est un phénomène encadré dans la culture française qui ne cesse de provoquer des « clashs culturels » agitant les esprits de tous les échiquiers politiques. Les jeunes ont-ils une vision ainsi déformée par le politique sur la laïcité ?
La jeunesse politiste est particulièrement engagée dans des domaines visant l’écologie, les inégalités sociales et le féminisme, selon un autre sondage réalisé par Martial Foucault :
La présence des thèmes abordés particulièrement par la gauche dans les trois premières sphères d’intérêt des étudiants de Sciences Po ne doit, cependant, pas être perçue comme un indice de militantisme politique ou d’endoctrinement parmi ceux-ci. Effectivement, les problématiques liées aux changements climatiques et aux inégalités sociales que subissent souvent les femmes, bien qu’abordées premièrement par les partis de gauche, sont devenus des sujets d’intérêt généraux dans la société actuelle, dépassant ainsi la sphère du politique pour les jeunes générations actuelles. De même, des valeurs que l’on pourrait qualifier de droite, comme la défense du pays, occupent une place importante dans le classement des engagements étudiantes à Sciences Po, fait qui aurait une tendance à équilibrer les conclusions « stérétoypées ». Les thématiques que l’on pourrait appeler « universelles », comme la liberté d’opinion, la lutte contre la faim dans le monde, la lutte contre le racisme ou la paix et le désarmement sont également très justement répandues parmi les occupations et les doléances des jeunes politistes.
Cependant, certains engagements comme la cause des réfugiés ou la défense des droits LGBTQ+ pourraient indiquer une légère influence de la gauche dans les mentalités étudiantes.
Le thermostat des valeurs, proposé ci-dessus, indique que les étudiants de Sciences Po auraient comme valeurs personnelles premières, les questions liées aux féminisme (mouvement MeToo), à la laïcité, au syndicalisme et à la dénucléarisation, que l’on pourrait facilement mais indirectement associé à l’environnementalisme. Ces sujets, dont l’opinion « plutôt positive » des jeunes Sciences Po est supérieure à 50%, confirment la tendance présentée dans le graphique des engagements, en concluant que les étudiants politistes ont pour axe de militantisme le féminisme et l’environnement, des sujets prônés plutôt par l’hémisphère gauche de la politique. Au sujet de la laïcité, pour laquelle les étudiants de la prestigieuse université ont une image plutôt positive en proportion de 84,4%, on peut conclure qu’il s’agit donc d’une interprétation plutôt politique du port du voile dans les écoles et institutions publiques, donnant à ce symbole une connotation plus culturelle que religieuse, thèse défendue par les partis de la gauche également.
Dans la vision et les mentalités politique et sociales de Sciences Po, une légère prédominance des idées de la gauche est observable au sein de la prestigieuse université. Plus ou moins marquée par un militantisme actif, cette inclination et manque de neutralité académique ne doit pas être massivement ignorée par les opinions publiques, car elle pourrait, à long terme, mettre en cause la pluralité politique des élites de demain, que cette école à la tradition de former depuis des décennies.