Des chiffres qui illustrent la puissance de la campagne médiatique menée en amont
71,1%, c’est le pourcentage de votes en faveur du projet, sachant que le taux de participation s’élève à 64% en moyenne. Néanmoins, ces résultats ne sont pas le fruit d’une campagne médiatique égalitaire, opposant le pour et le contre afin de permettre à la population Kazakh de faire son propre choix grâce à sa propre conscience.
En effet, d’une part, on observe une surreprésentation de l’opinion favorable au projet, puisque deux mois avant l’ultime journée, on décompte la publication de plus d’une centaine d’articles engageant une opinion favorable au projet. Ces articles ont par ailleurs été publiés par des médias d’État, ce qui suscite davantage les questionnements concernant la légitimité des résultats. Parmi ces articles, on retrouve des titres accrocheurs, qui éveillent des sentiments d’espoir et d’émulation tels que “Ne pas avoir peur de l’atome pacifique”, ou “L’énergie nucléaire: notre développement, notre avenir”. Par ailleurs, de nombreuses vidéos annonçant un avenir plein d’incertitudes et de difficultés ont pu être visionnées par le peuple kazakh. Ces vidéos mettent notamment en scène des salles de classe éclairées à la bougie et sans chauffage, ne permettant pas aux élèves d’étudier dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, si les médias d’État ont déjà eu un impact important sur le dénouement du scrutin, la répression menée envers les opposants au projet a tout autant joué un rôle décisif dans cette campagne. En effet, des manifestations ont été réprimées par les autorités locales, tout comme certains blogueurs qui ont eu le courage d’exprimer leurs opinions sur Internet.
Un projet qui fait renaître de vieux traumatismes
L’opposition face à ce projet est née de plusieurs facteurs, dont un en particulier qui est un facteur historique, lié à un traumatisme vécu par le peuple Kazakh pendant la Guerre Froide. En effet, à cette époque, des gisements d’uranium ont été exploités par l’Union Soviétique afin de mener à bien de nombreux essais nucléaires aériens et souterrains sur le site du Semipalatinsk entre 1949 et 1991. Ainsi, ce projet ravive de nombreux traumatismes, rappelant aux Kazakhs qu’à cette époque, plus de 450 essais nucléaires ont été effectués sur le site du Semipalatinsk, touchant environ 1,5 million de personnes.
Cela explique en partie le nombre de voies opposées au projet, s’élevant à 28,9% des suffrages, montrant que les Kazakhs souhaitent ne plus jamais ressentir le même sentiment d’insécurité qu’ils ont eu à cette époque. Néanmoins, même si les deux projets ne sont pas de même nature et ont des visées bien différentes, ils impliquent l’intervention du même atome, capable de détruire une société.
La mise en péril du lac Balkach
Malgré une forte minorité de voies opposées au projet, on retrouve un deuxième argument majeur qui vient remettre en question ce dernier. Cet argument tourne en effet autour de la géolocalisation du futur site rattaché à la construction de la centrale, qui est le village d’Ulken, situé au bord du lac Balkhach, dans le sud-est du pays. Le choix de construire la centrale près d’un lac n’a pas été fait par hasard, puisque cette dernière nécessite un grand apport en eau afin de permettre son refroidissement. On pourrait ainsi juger ce choix comme étant judicieux, mais sans compter les conséquences environnementales liées à celui-ci. En effet, cela pourrait d’une part entraîner la mort du lac Balkhach, faisant disparaître tout un écosystème avec elle, mais pire, aggraver la pénurie en eau qui est déjà un problème au sein du pays. Bulat Yessekin, un expert en eau kazakh a par ailleurs exprimé ses craintes en disant que ce sera “tout l’écosystème du bassin versant qui sera touché, soit plus de 50 000 cours d’eau, réservoirs et points d’eau.”. En outre, les risques liés aux accidents et aux déchets radioactifs posent question, d’autant plus que la centrale se situera dans une région sismique, pouvant causer des conséquences irréversibles si une catastrophe survient.
Ainsi, selon les opposants au projet, le prix à payer sera très coûteux sur le plan environnemental, dans un monde où ce sujet est mis au centre des préoccupations, alarmant davantage la population sur l’avenir de notre planète. Néanmoins, si les arguments des opposants au projet restent fondés et sont tout à fait justifiés, ces derniers ne proposent pas de solution alternative permettant de lutter contre les problèmes d’approvisionnement en énergie au Kazakhstan, et c’est pour celà qu’ils peuvent être remis en question.
Un projet d’urgence pouvant permettre au Kazakhstan d’obtenir une certaine forme d’indépendance énergétique
Les autorités Kazakhs insistent bien évidemment sur le caractère urgent du projet, permettant d’éviter des pénuries en électricité qui pourraient survenir d’ici à 2035. En dehors de l’urgence, ce projet est également stratégique, permettant au Kazakhstan de ne plus dépendre des autres concernant son apport en énergie et ainsi obtenir son indépendance dans ce domaine. De plus, la concrétisation de ce projet pourrait mettre fin à un paradoxe, qui est le fait que le premier pays exportateur d’uranium au monde ne dispose d’aucune centrale nucléaire.
Le Kazakhstan pourrait de cette manière faire preuve d’évolution sur le plan technologique, prouvant au monde qu’il est capable de s’affirmer. Néanmoins, si ce projet est contesté, le ministre de l’énergie Almasadam Sätqaliev explique qu’il n’existe pas de solution alternative car le pays ne dispose pas de ressources en gaz et que les centrales à charbon ne coïncident plus avec les objectifs internationaux liés au changement climatique. On voit donc ici une réelle volonté du gouvernement Kazakh à vouloir montrer son désir d’indépendance énergétique, mais surtout celle de respecter ses engagements, à l’inverse de nombreux autres pays qui vont à l’encontre des accords internationaux.
Un projet aux enjeux économiques
Le ministre de l’énergie Kazakh explique que “jusqu’à 8000 emplois [seront créés] pendant la phase de développement et 2000 postes permanents pendant la suite.”, ce qui offre des bénéfices économiques pour le pays. Même si le taux de chômage du pays se situe en dessous de la moyenne mondiale (4,7% < 5,1%), le Kazakhstan nécessite tout de même la création d’emplois, d’autant plus lorsque c’est un projet aux perspectives d’avenir, pour lequel les emplois devraient être durables. Néanmoins, on se pose tout de même la question de la distribution des emplois puisque le projet va être réalisé par des pays étrangers. Les principaux pays en lice sont la Russie et la Chine, mais la Corée du Sud et la France sont également inscrits comme candidats. Cela montre que le Kazakhstan nécessite toujours une dépendance technologique, et on se demande ainsi si les emplois les plus qualifiés ne seront pas décernés seulement à certains ingénieurs du pays porteur du projet, n’offrant aux Kazakhs que des simples postes d’ouvriers.
4 comments
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