Un conflit inattendu. La SNCF et Jordan Bardella sont dos à dos. Le président du Rassemblement National a sorti un livre intitulé « Ce que je cherche ». Jusqu’à là tout va bien. Après Hollande, De Villiers, Bachelot, Borne, Vallaud, Ruffin… un nouvel homme politique nous propose un ouvrage qui va cartonner malgré un fond médiocre à mille lieux livre de la littérature française. Le compagnon de route de Marine Le Pen va donc sortir ce qu’il nomme une autobiographie, le 9 novembre. À tout juste 29 ans, cela peut interloquer, que va-t-il nous raconter ? Il faudra encore attendre pour le savoir. Jordan Bardella part donc en mission promo et celle-ci n’est pas chose aisée.
Entre neutralité et censure
Endroit prisé pour faire sa promotion, les gares ne seront pas les alliés de Jordan Bardella. Mediatransports, l’entreprise qui gère les panneaux publicitaires dans les gares SNCF et le métro parisien, refuse catégoriquement de promouvoir cet ouvrage. La raison : le visuel de l’affiche. Dans celui-ci, on y voit un portrait de Jordan Bardella barré du titre « Ce que je cherche ». Pour Mediatransports, elle ne serait pas conforme « aux principes de neutralité » propres à la régie publicitaire. Cette dernière justifie aussi ce refus par les différents postes de l’homme politique, c’est-à-dire député européen et président d’un parti politique. Le titre aussi poserait problème puisque selon cette instance, il serait la preuve qu’il ne s’agit pas seulement d’une autobiographie.
« Il y a eu une pression terrible des syndicats. L’initiative n’est pas venue de Médiatransports, puisqu’ils avaient accepté, dans un premier temps, la publicité. C’est une intervention complètement illégale des syndicats d’ultragauche dans la gestion commerciale de Médiatransports », s’insurge Philippe Schreck, député Rassemblement National dans la 8ᵉ circonscription du Var.
« Le FN a été fondé par des anciens SS »
Du côté des syndicats, la musique est tout autre. « La SNCF est la seule entreprise française à avoir eu la Légion d’honneur pour fait de résistance après-guerre. Avec nos 9 000 morts, il n’y a pas une entreprise où les salariés ont donné plus leur sang que la SNCF. Il se trouve que le FN a été fondé par d’anciens SS. Jordan Bardella en est le successeur, même s’il ne l’assume pas, cela pose un gros problème à la CGT Cheminot. Nous avons donné notre avis, en revanche, c’est la SNCF et Médiastransports qui ont pris la décision« , déclare Frédéric Tronche, membre de la commission exécutive de la CGT-cheminots de la Haute-Vienne.
Cette interdiction fait donc des heureux. La CGT-Cheminots ainsi que d’autres syndicats se ravissent de cette décision. Ils étaient totalement opposés à cette initiative et saluent le choix qui a été fait.
« Profonde indignation«
Suite à cet événement, le leader du RN n’a pas tardé à contre-attaquer. Il a d’abord exprimé sa « profonde indignation » et a embrayé très rapidement sur de possibles représailles. « Je demande à la SNCF de revenir sur cet acte de censure inadmissible, qui met à mal son devoir de neutralité. Le cas échéant, des recours par voie légale seront engagés« .
L’Empire contre attaque
Sans trop de surprise, le livre de Jordan Bardella sera publié chez Fayard, maison d’édition appartenant à Vincent Bolloré. Depuis le rachat d’Hachette dont elle fait partie, cette dernière subit une droitisation assez radicale selon plusieurs observateurs. À sa tête, depuis cet été, on retrouve, Lise Boëll, l’éditrice qui a fait d’Éric Zemmour un éditorialiste à succès, omniprésente sur le plateau de CNews. La maison Fayard, bien qu’elle aussi embêtée par cette interdiction, a prévu une promotion assez conséquente à côté de ses affiches dans les gares. Un premier tirage à 155 000 exemplaires relayés sur les différents médias par le milliardaire français.
Pourquoi lui et pas les autres
Les gares françaises ont déjà accueilli des livres de nombreux politiques. On peut notamment citer Sarkozy, Royal ou de Villiers. Pour Jordan Bardella, ces contre-exemples permettent de démonter les explications données par Mediatransports. L’entreprise s’est directement justifiée, interrogée sur le livre de Nicolas Sarkozy « Le Temps des combats » (éditions Fayard) sur les antennes de France Inter, elle a donné sa justification. »Il y a une grosse nuance. Il s’agissait là d’un livre de mémoire écrit par un ancien président n’ayant plus de mandat ». Même explication pour celui de Ségolène Royal. Reste à savoir si cette explication saura convaincre le président du RN, cela est loin d’être gagné.
Le groupe Bolloré va en tout cas tout faire pour que la promotion de ce livre soit réussie. Le milliardaire français continue de promouvoir l’extrême droite sans se cacher. Pour rappel, le livre à succès d’Éric Zemmour, « Le suicide français« , est en cours d’adaptation en une série de quatre épisodes pour une diffusion sur la chaîne documentaire du groupe Canal, Planète +, toujours détenu par ce même homme.
Alors, censure ou problème de neutralité. La bataille entre Jordan Bardella et la SNCF n’est pas finie. En tout cas, cette histoire nous rappelle une tout autre chose que vous ne devez pas oublier : la concentration des moyens de communication est un danger pour notre démocratie…