Fidélité et intransigeance
Construit autour d’un squelette reprenant les grands chapitres de sa vie, le film alterne suivi sur le terrain, entretien seul face à lui-même comme une séance de psychanalyse, des archives parfois inédites ainsi que multiples témoignages de ceux qui l’ont côtoyé au long de sa carrière. Tels Ari Vatanen, Jacky Ickx, Corinna Schumacher (l’épouse de Michael). Tous dressent le portrait d’un homme d’une loyauté inouïe, d’une fidélité à toute épreuve et d’une intransigeance rarissime, à commencer envers lui-même. Homme d’action, Jean Todt souhaite tout contrôler et n’aime pas perdre. Selon son fils, Nicolas, son père aimait bien dire “Gagner, c’est en moi”.
Bourreau de travail, Todt dévoile ses procédés : identifier, convaincre et s’entourer des meilleurs individus. Il explique ceci : “J’adore les gens qui ont du talent, j’aime pouvoir apprendre à travers eux”. Tout cet ensemble mène alors l’ancien team principal de Ferrari à son but ultime de 2000 à 2005 en faisant renouer son équipe avec la légende : Schumacher remporte de façon dominatrice cinq titres mondiaux consécutifs avec la Scuderia. Une première dans l’histoire de la Formule 1.
Entre ombre et lumière
Le palmarès colossal de Jean Todt ne s’est pas construit sans susciter des polémiques. Parfois, le Français a dû faire face à des soupçons de tricherie, comme lors du Grand Prix de Malaisie 1999. Lorsqu’on lui demande s’il a déjà triché, le principal intéressé répond : “Jamais. Impossible. Si l’on triche, on a des complices donc vous êtes ensuite fragilisé, car vous savez que l’on peut vous faire chanter. Il ne faut jamais se mettre dans une situation où vous êtes redevables à quelqu’un”.
Autre polémique : le scénario du Grand Prix d’Autriche 2002, où Rubens Barrichello (pilote Ferrari à l’époque) s’efface après le dernier virage de la course pour laisser son coéquipier et chef de file Schumacher remporter le GP. Par ailleurs, cette course sera surnommée “le doublé de la honte”. Cette manœuvre a déclenché un tollé général et a même entraîné la suspension des consignes d’équipes en F1 jusqu’en 2010.
Aujourd’hui encore, Todt et Barrichello continuent d’avoir un avis divergent sur ce qu’il s’est passé en Styrie ce jour-là. L’ancien team principal explique qu’il avait déjà perdu des championnats lors des dernières courses les années précédentes pour laisser la place au hasard.
Alors que l’on pensait l’homme lever le pied après son mandat de président de la FIA, il n’en est rien. Ainsi, Todt continue de parcourir le monde en tant qu’envoyé spécial de l’ONU pour faire progresser la sécurité routière. “Seuls les médiocres ont atteint leur maximum”. Voilà sa réponse lorsqu’on lui demande pourquoi il n’arrête pas sa carrière dans le monde de l’automobile. Jean Todt sera donc toujours le personnage insaisissable que l’on a le sentiment de connaître et comprendre un peu mieux après un documentaire qui fera date.