Pour revenir à la genèse de votre carrière, pourquoi avez-vous eu envie de vous tourner vers le monde des médias ?
Jacques Legros : Parce qu’il s’agit d’un monde exceptionnel, dans lequel il y a peu de liens avec la hiérarchie. Nous pouvons être, comme je le raconte dans mon livre, chez des mineurs en Lorraine le matin et puis au Palais de l’Elysée l’après-midi, donc il est vrai qu’il est rare de pouvoir faire d’aussi grands écarts. Je dirais aussi que c’est un métier de curiosité et de rencontre avec pleins de gens dans tous les milieux.
Si je me souviens bien de votre parcours, vous avez eu une hésitation à un moment de votre vie suite à votre rencontre avec le Général Pierre Marie Gallois. Pourriez-vous expliciter en quoi cette rencontre a été importante pour vous et pourquoi avez-vous eu cette hésitation ?
Jacques Legros : Parce que j’avais fait mon service militaire comme scientifique du contingent. Je travaillais effectivement beaucoup, à la Sorbonne, avec le Général Gallois. J’ai passé quatre ans comme ingénieur civil parce que je ne trouvais pas de travail dans la presse tout simplement. Puis, quand les choses se sont présentées, je n’ai pas hésité une seule seconde et je me suis retrouvé à Avignon pour devenir animateur et journaliste sur les ondes de Radio France Vaucluse.
Au vu de votre expérience, quelles différences faites-vous entre le métier de journaliste et le métier de présentateur ? Lequel préférez-vous ?
Jacques Legros : C’est une facette du même métier. Reporter, présentateur, chroniqueur, spécialiste d’une matière ou d’un domaine… cela fait partie du même métier, celui de journaliste. Sauf que ce métier se présente sous diverses facettes. De plus, tous sont intéressants !
Si vous voulez, le présentateur est là pour mettre en valeur le travail de ses confrères. C’est cela qui est important !
Comment se fait cette “mise en valeur du travail de vos confrères” pour reprendre vos mots ?
Jacques Legros : Elle se fait en essayant de le présenter au mieux, de faire en sorte de le valoriser, de montrer à quel point cela a pu être un travail qui n’a pas forcément été simple. Qu’il faut aussi beaucoup de travail, de talent et d’expérience pour réussir à faire des reportages, des directs, d’être en Ukraine sous les bombes par exemple.
Pour nous en tant que présentateur de Journal Télévisé, il faut que nous fassions notre métier en ayant conscience de l’investissement que cela représente de leur part et d’essayer de donner l’envie de regarder ces reportages en montrant leur côté exceptionnel.
Auriez-vous un souvenir à nous raconter ou un reporter à recommander à nos jeunes lecteurs ?
Jacques Legros : Les personnes que je vais vous recommander sont forcément mes copains. Je pense à Michel Scott et à tous les grands reporters de TF1 que j’ai connus. Je pense également à ceux que j’ai connu à RTL et France Inter aussi d’ailleurs. Ce sont des gens qui ont vraiment la foi chevillée au corps et qui sont capables de prendre des gros risques pour faire partager ce qu’il se passe et souvent les horreurs qu’il se passe. Sans eux, nous serions ignorants !
Vous êtes également connu comme étant « le joker » des présentateurs du JT de 13H de TF1. Pourriez-vous expliciter ce en quoi consiste ce statut ?
Jacques Legros : C’est exactement la même chose que le titulaire sauf que nous venons que de temps en temps et donc nous ne sommes pas là tous les jours. Cela suppose donc de devoir se remettre dans le bain à chaque fois, de suivre l’actualité car nous ne pouvons pas la découvrir en arrivant. C’est également un choix de rythme et d’emploi du temps différent, c’est tout.
Cela fait 25 ans que vous êtes présentateur du JT de TF1. Comment expliquez-vous votre longévité à ce poste ?
Jacques Legros : Tout d’abord je crois que cela est propre à TF1. Ensuite, bien sûr, je pense que cela s’explique par l’adhésion du public. Public qui reste fidèle parce que je pense qu’il détecte une certaine sincérité. Après, c’est une relation plus intime qui se crée avec les téléspectateurs et c’est la clef de la longévité.
Comment expliquez-vous la longévité de TF1 au sein du paysage audiovisuel français ?
Jacques Legros : Je l’explique par la fidélité ! La fidélité de TF1 à ses présentateurs et la fidélité à sa ligne éditoriale. Nous incarnons cette chaîne, nous sommes un certain nombre à incarner cette chaîne. Comme pour les téléspectateurs, la fidélité crée des liens d’amitié si je puis dire et quand on change tout le temps, évidemment, moins de liens se créent. Cela est sûr.
Justement, comment définiriez-vous la ligne éditoriale de TF1 ?
Jacques Legros : J’emploierais le terme de proximité pour la définir. Comme disait Hubert Beuve-Méry : « Le journalisme, c’est le contact et la distance ». C’est-à-dire être proche des gens et dans le même temps, savoir faire preuve de la distanciation du journaliste qui ne peut pas s’impliquer émotionnellement dans les faits.
Nous vous interviewons dans le cadre de la 40ème édition de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde. Pourriez-vous nous parler de votre livre Derrière l’écran : 40 ans au cœur des médias ?
Jacques Legros : Je dirais qu’il s’agit d’un regard sur une l’évolution. C’est un regard sur 40 années depuis le moment où nous avions aucun moyen, à maintenant où nous en avons plein. Qu’est ce que cela a changé dans notre façon de faire de l’info et pour le métier de journaliste ? Qu’est ce qui a changé du point de vue des médias avec l’apparition des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu ? Qu’est ce que tout cela a changé et quels sont les bouleversements ? Quel est le rapport avec les téléspectateurs ? C’est un peu ce regard là finalement que j’essaye de porter en écrivant ce livre tout en apportant des anecdotes personnelles évidemment.
Pourquoi avez-vous choisi de l’écrire cette année ? Pourquoi ce timing ?
Jacques Legros : Je ne sais pas ! Je dirais qu’il y a un âge où l’on a envie de faire le bilan. Puis, 40 ans, cela sonne rond ! J’aurais pu le faire avant, j’aurais pu le faire après certes.
En quoi votre livre peut s’adresser à la jeunesse ?
Jacques Legros : Parce que je l’évoque assez souvent et je lui parle au travers de mon livre justement ! Je la mets en garde contre certains raccourcis, contre certaines facilités. De plus, je pense qu’il y a quelque chose d’avisé dans le fait de ne pas confondre vitesse et précipitation et sur la responsabilité que nous avons nous, les journalistes.
Ce n’est pas qu’une mise en garde mais c’est aussi une façon de dire : « Osez puis vous verrez ! ». Si vous êtes passionnés, cela se fera.
Est-ce que nous devons en comprendre, au travers de votre propos, que vous êtes plutôt inquiet du rapport qu’entretient la jeunesse avec les médias ?
Jacques Legros : Je ne suis pas spécialement inquiet parce que la jeunesse est la jeunesse. Néanmoins, je la mets en garde en lui disant de faire attention, de prendre du recul, de prendre le temps de réfléchir, de s’informer autrement que par les réseaux sociaux simplement… C’est une mise en garde pour dire attention et ne prenez pas tout pour du pain bénit !
Auriez-vous un message à faire passer à la jeunesse ?
Jacques Legros : Quand on ose, on peut ! C’est tout.
Pourriez-vous être plus explicite dans votre propos ?
Jacques Legros : Je pense que cela veut tout dire. Il faut oser. Si on n’ose pas, effectivement, le train passe et si l’on ne monte pas dedans, il ne passera pas deux fois !
En tant que journaliste, quel est votre avis sur les initiatives comme CSactu de produire « un journal par les jeunes, pour les jeunes » ?
Jacques Legros : C’est une excellente initiative ! C’est comme cela que l’on devient journaliste. Ce n’est pas seulement par l’école. C’est aussi en montrant que l’on a envie de faire ce métier, qu’on y va avec la fraîcheur de la jeunesse. Cela prouve que l’on a vraiment envie et je trouve cela très bien. Bravo !