- Jérôme, pouvez-vous retracer votre parcours de sportif de haut niveau ?
« J’ai commencé à l’âge de 15 ans le haut niveau lorsque je suis rentré en pôle espoir à côté de Bordeaux. Je suis issu d’une famille où le handball prend énormément de place, car mes parents joués déjà à un niveau national. Mes frères et moi avons directement été jetés dans le bain du handball, ainsi que ses valeurs. Nous avons commencé à jouer très jeune.
Moi à 5 ans, j’ai été détecté et fait une journée à Talence, où j’ai été choisi, donc je suis rentré en sport études là-bas. J’ai eu un bac S ensuite lorsque j’avais 19 ans.
En 1996/1997, j’ai intégré le pôle espoir France. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à jouer avec les Girondins de Bordeaux. Cela m’a permis d’énormément progresser, car je m’entraînais avec l’équipe première. J’ai été confronté à ce qui se faisait de mieux pour m’améliorer. J’ai ensuite signé mon premier contrat pro à Toulouse (2 ans). Puis j’ai pris la direction de Montpellier (3 saisons). En 2002, j’ai signé à Barcelone où je suis resté 6 ans. Pour repartir 2 années à Ciudad Real. Puis je suis revenu à Toulouse de 2012 à 2015. Pour terminer, j’ai fini ma carrière 2 saisons à Aix-en-Provence, en tant que joueur, mais aussi débuté en tant qu’entraîneur. Le tout à mes 40 ans. »
- Vous signez votre premier contrat pro en 1993 dans le club des Girondins de Bordeaux. Quel était votre premier objectif au début de votre carrière ?
« Mon premier objectif était de devenir le meilleur joueur possible, avec mes qualités et mes défauts. Tout au long de ma carrière, j’ai essayé de devenir le joueur le plus complet possible, mais aussi le meilleur coéquipier. Il y avait beaucoup d’étapes à surmonter, mais j’ai réussi.
J’ai toujours voulu aller dans une équipe où je pouvais avoir du temps de jeu. Mais j’ai toujours fait des choix sportifs, jamais des choix des contrats financiers, par exemple.
Lorsque j’étais petit, le handball n’était pas professionnel. J’avais des ambitions fortes, celles de jouer dans un club pro’ et avec le maillot de l’équipe de France. J’ai côtoyé des joueurs qui avaient les mêmes ambitions que moi, c’est-à-dire, donner le meilleur de soi-même, en devenant le meilleur joueur de la planète. »
- Vous avez ensuite changé de club, puis vous êtes partis en Espagne, Allemagne et pour la fin de votre carrière vous êtes revenu en France. Dans quel club vous avez vécu la plus belle des expériences ?
« Ce qui est sûr, c’est que jouer à Barcelone a toujours été un rêve de gamin pour moi. Au moment où je suis rentré au pôle espoir, Barcelone commençait à dominer l’Europe. Pour moi, c’était le graal de pouvoir jouer dans ce club. Malheureusement, je suis parti à contre-cœur, par choix du directeur sportif. Ce n’était pas du tout voulu…
Ça a été la meilleure période de ma carrière, c’est là où je me suis senti le mieux aussi. Mais j’ai aussi vécu de belles expériences dans d’autres clubs. Barcelone tient dans mon cœur une place particulière, comme l’équipe de France. »
- En club, vous avez un palmarès exceptionnel. Peu importe où vous êtes passé, vous avez tout gagné. Bravo à vous ! De quel titre êtes-vous le plus fier ?
« La Ligue des Champions tient une place particulière. Le fait de la gagner avec Barcelone, cela a été fantastique. Mon objectif était de la gagner avec ce club, donc du moment où j’ai réalisé ce rêve-là, je ne pouvais pas rêver mieux. C’était pas du tout prévu au départ de ma carrière. Je n’avais pas la prétention de jouer dans ce club, c’était juste un rêve, qui est devenu réalité. »
- Avec l’Équipe de France, vous avez disputé 390 matchs officiels. Vous avez également marqué 1 463 buts. Ce chiffre est complètement fou ! Ce qui fait de vous le plus grand scorer de l’histoire de la sélection française. Portez-vous dans votre cœur ce record ?
« C’est effectivement un record qui me rend fier, mais ce n’était pas recherché. Notamment, quand j’ai commencé avec l’EDF, j’étais encore un gamin et je n’avais pas cet objectif-là. Je me suis retrouvé avec des joueurs qui étaient mes idoles quand j’étais gamin. J’ai construit les choses au fur et à mesure.
Pendant plusieurs années, j’ai joué à un poste qui n’était pas le mien. Lorsqu’on est arrière droit, droitier, on n’est pas là pour scorer non plus. Mon rôle était d’amener un équilibre collectif à l’équipe. J’ai profité de la qualité des joueurs qui étaient autour de moi. Cela m’a permis de marquer beaucoup de buts. Je voulais continuellement être meilleur et pourquoi pas, un jour, gagner un titre avec cette équipe : Les Barjots.
Quand on regarde maintenant le parcours, c’est presque trop ce qu’on a pu gagner, c’est juste fou. On avait une multitude de très grands joueurs, avec des personnalités différentes, mais tout le monde a su mettre son ego de côté et être la meilleure version de soi-même pour glaner le plus de titres possibles. »
- Vous avez joué à une époque où l’Équipe de France avait sûrement la plus forte de toute l’histoire de handball international. Vous étiez une génération d’orée qui a tout gagné : championne d’Europe, championne du Monde, championne Olympique. Quel est le moment le plus émotionnel que vous ayez vécu avec les amis français à vos côtés ?
« Personnellement, ça a été le championnat du Monde en Croatie, en 2009, car c’était ma première compétition en tant que capitaine, mais aussi qu’on jouait contre la Croatie qui était notre plus grand rival du moment.
J’ai aussi, malheureusement, mon papa qui était en fin de vie. Je savais qu’il lui restait peu de temps. La dimension émotionnelle était très importante. Gagner en tant que joueur, en tant que capitaine, c’est encore plus de fierté, car je voulais tout le temps être bienveillant avec mes coéquipiers. Mais si on rajoute à cela des problèmes personnels, forcément, tout se décuple. »
- Vous mettez un terme à votre carrière en 2017. Stopper du jour au lendemain le très haut niveau ne vous a pas perturbé dans votre quotidien ?
« Cela n’a pas affecté mon quotidien, car j’ai eu la chance de jouer jusqu’au moment où je le voulais. Bien sûr, cela n’a pas été un choix facile, car on laisse derrière nous toute notre jeunesse, les sacrifices, les belles années en tant que joueur.
Mais d’un autre côté, j’ai directement enchaîné en tant que coach, donc j’ai tout de suite été très pris dans ce challenge à Aix. Je n’ai pas eu de changement du jour au lendemain. Là où j’ai eu un choc brutal, c’est lorsqu’on m’a écarté du groupe et du projet à Aix. »
- Mais vous n’avez pas perdu de temps, car quelques mois après, vous êtes devenu entraîneur. Ce changement radical, de passer de joueur sur le terrain à coach sur un banc de touche vous a-t-il perturbé pour gérer une équipe comme celle du Pays d’Aix ?
« Cela s’est fait assez progressivement. 4 mois, après être arrivé, le coach a été mis à la porte et ils ont voulu que j’endosse le rôle d’entraîneur, donc j’avais cette double étiquette de joueur/entraîneur.
J’ai fait ça pendant 1 an et demi. J’ai donc pris un peu de recul par rapport à ma position de joueur. Les choses se sont faites petit à petit, j’ai accumulé de l’expérience en tant que coach en ayant plus des qualités managériales. Il n’y a pas eu de cassure. Mais il fallait que je prenne du recul et de la distance avec certains joueurs où j’avais beaucoup d’affection. »
- Lorsque vous étiez joueur, vous devez respecter les ordres de votre coach. Ensuite, c’est vous qui aviez endossé ce rôle. Celui de manager une équipe. Vous avez quitté votre poste de joueur du Pays d’Aix pour en devenir l’entraîneur. Gérer les egos et les joueurs avec qui vous jouiez quelques mois avant, n’a pas été trop perturbant ?
« Je mets toujours le collectif en priorité. Je ne me focalisais pas sur les individualités. J’étais à l’écoute de chacun de mes joueurs. Je devais travailler avec certains pour leurs ambitions personnelles, comme aller dans un meilleur club ou viser l’équipe nationale.
Mon but était de transmettre un maximum de choses, de ce que je savais et ce que je connaissais. Je leur ai tout de suite dit à mes joueurs, je n’étais pas là pour jouer un rôle supérieur à eux. Il fallait que je joue rôle qui leur permettait de progresser, mais aussi l’équipe entière, ainsi que le club. Je devais être bien sûr, plus autoritaire, avec mes qualités humaines. Je sais qu’avec la majorité ça s’est bien passé, avec d’autres un peu moins, car j’étais sûrement trop gentil. Mes relations se basaient sur la confiance. »
- Vous avez eu une autre expérience. Vous avez été consultant lors des JO 2021 à Tokyo, en commentant le handball masculin. Que retenez-vous de cette expérience très enrichissante ?
« J’avais déjà vécu une première expérience à Rio (2016) car le club d’Aix m’avait laissé suivre l’équipe de France pour commenter le mois précédant la compétition. Tokyo, c’était plutôt une répétition de ce que j’avais vécu avant. J’étais plus à l’aise, j’avais aussi travaillé tout au long de la saison avec Eurosport sur les matchs de coupe d’Europe. Je n’étais plus en activité, donc j’avais plus de temps.
Tokyo a été un magnifique souvenir, en plus l’équipe masculine comme féminine ont été sacrées. D’autres sports collectifs ont été aussi champions Olympiques. C’était beau pour la France ! »
- Pensez-vous qu’après une carrière comme la vôtre, en étant une icône du handball français, il est important de s’investir dans des œuvres caritatives ou même dans des écoles pour les jeunes qui rêvent de réaliser votre carrière ?
« C’est toujours bien de s’investir auprès des jeunes, des écoles, etc. Mais aussi dans des œuvres caritatives où des personnes sont handicapées mentaux ou physiques, jeunes, adultes ou retraités. Je suis assez à l’aise avec les enfants, et lorsqu’on a un minimum de reconnaissance, c’est gratifiant pour moi d’aider un maximum d’associations en le faisant à ma manière. »
- Avez-vous un projet professionnel dans le futur ?
« J’occupe toujours le poste de consultant à RMC jusqu’en juin. J’espère me retrouver à la tête d’une équipe à partir de cet été. J’aimerais entraîner une nation, bien évidemment l’équipe de France, mais aujourd’hui elle fonctionne bien avec Guillaume Gilles, donc je me focalise sur des nations qui ont besoin d’un coach et où je peux amener quelque chose.
Sinon, je m’investis pas mal dans le padel, qui est un sport qui prend énormément d’ampleur. Je l’ai découvert lorsque j’étais en Espagne. C’est un sport qui émerge en France depuis quelques années, et j’aime travailler sur ce projet. On s’amuse plus vite au padel qu’au tennis, je trouve. Ce sport, c’est plus convivial et ludique. C’est plus sympa ! »
- Si vous aviez un conseil à tous les jeunes et étudiants qui veulent atteindre le haut niveau sportif et notamment en handball. Que diriez-vous ?
« Il faut que le jeune pratique une discipline où il prend du plaisir, et qu’il soit suffisamment performant pour progresser et que ça leur donne envie de progresser. Il faut que le jeune veuille devenir le meilleur joueur/athlète de sa discipline. »