Cinquième de Proligue à l’issue de la saison, le Sélestat Alsace Handball (SAHB) ne s’attendait pas à être promu en Starligue. Finalement, vainqueur des playoffs de deuxième division, le club s’adjuge le titre de champion de France et accède au niveau supérieur. Et pour réussir son entrée au plus haut niveau français, le SAHB a décidé de miser sur la jeunesse, et plus particulièrement sur Tom Vinatier. Avec un père skieur de haut niveau, il n’était pourtant pas destiné au handball. D’abord initié au ski, le jeune homme n’accrochera pas avec cette discipline et changera rapidement de voix. Tom découvre le handball à l’âge de 11 ans, un sport qu’il ne quittera plus. Passé par Poisy, Annecy et Annecy-le-Vieux (CSAV), il s’envole cette année pour l’Alsace, à la conquête de son rêve de « gamin ».
Peux-tu nous parler de tes inspirations ? Y a-t-il des joueurs qui t’ont donné envie de pratiquer le handball ?
« Oui, bien sûr, comme tout le monde, j’ai des joueurs qui m’ont inspiré. Le premier, c’est Daniel Narcisse, un ancien joueur de l’équipe de France, qui est désormais à la retraite. Ce qui me plaît, chez lui, c’est son physique impressionnant. Le second, c’est Kentin Mahé qui joue actuellement en Hongrie et en équipe de France. Ces deux joueurs évoluent au même poste que moi et ont un style de jeu vers lequel j’aimerais tendre. Ils m’ont fait rêver quand j’étais jeune et continuent de le faire encore aujourd’hui. »
Si tu devais nous décrire ton style de jeu en trois mots, tu dirais quoi ?
« Alors, si je devais décrire mon style de jeu en 3 mots, je dirais : instinctif, réfléchis et avec une grande capacité d’adaptation dans le jeu.»
Tu as débuté très jeune au haut niveau . À 18 ans tu évoluais déjà en National 1, dans la catégorie senior. Comment on fait pour jouer à un tel niveau aussi jeune ? Comment on se prépare ?
« Déjà, la première chose c’est que je suis passionné et habité par le handball. Ça aide beaucoup. Ensuite, lorsque je suis arrivé à Annecy-le-Vieux, en National 1, j’ai vraiment senti que j’avais franchi un « cap ». Ça n’a pas été facile tout de suite. J’arrivais de National 3, avec Annecy, et je ne connaissais pas encore le haut niveau. En plus, je n’avais que 18 ans, j’étais très jeune. J’ai donc dû m’adapter à ce nouvel environnement. Le groupe m’a très bien accueilli et je me suis très vite senti à l’aise au sein de cette équipe. Le coach, mais aussi mes coéquipiers, m’ont rapidement accordé leur confiance sur le terrain, ce qui m’a permis de progresser, de développer mon jeu et de performer très vite à ce niveau-là.
Lorsque j’ai vu que mes performances suivaient et que j’étais loin d’être ridicule à ce niveau-là, j’ai senti que je pouvais faire du handball, mon métier. Je touchais du doigt mon rêve. Et c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience qu’il fallait que je travaille et que je mette toutes les chances de mon côté pour y arriver. Je me suis entraîné encore plus dur pour développer mon jeu. J’ai démarré la musculation pour me renforcer physiquement parce que j’étais très fin à cette époque. J’ai également rencontré des préparateurs mentaux. Je me suis vraiment forgé pour devenir professionnel dans ce sport. »
Tu viens de signer ton premier contrat professionnel avec Sélestat, félicitations ! Pourquoi leur avoir dit oui ? Qu’est-ce qui t’as intéressé : le projet, le niveau, le staff, les joueurs ?
« Cette année, j’ai explosé. J’ai réalisé une saison exceptionnelle, avec de grosses performances et beaucoup de régularité. Pas mal d’équipes de Proligue (D2 National) et de National 1 m’ont approché suite à cela. C’est finalement l’offre de Sélestat qui m’a le plus intéressée ou plutôt, pour être honnête, le nouvel entraîneur de cette équipe : Laurent Busselier (ex-coach adjoint au Chambéry Savoie Mont-Blanc Handball).
Depuis mon arrivée au CSAV, il me suivait de près. Et c’est lui qui a fait pencher la balance en ma faveur au sein de la direction de Sélestat, qui ne me connaissait pas. À la mi-saison, lorsque j’étais blessé, il m’a téléphoné pour me dire que le club voulait me recruter. Je ne pouvais pas dire non. Je voulais, depuis déjà un moment, travailler avec Laurent Busselier. Et puis, j’avais envie de progresser et de me développer dans une structure professionnelle. C’était clairement, sur le papier, le meilleur choix possible pour la suite de ma carrière. »
J’imagine que pour arriver à un tel niveau, il doit falloir faire de nombreux sacrifices ?
« Bien sûr. Déjà, j’avais un rythme assez soutenu avec deux entraînements de handball et 3 à 4 séances de musculation par semaine. Ça m’a permis, comme je l’ai dit précédemment, de me renforcer musculairement, moi qui étais très fin. J’ai pris au total entre 10 et 15 kilos, pour avoir enfin un physique adapté au niveau vers lequel je voulais aller. Puis, j’ai poussé le sacrifice encore plus loin. Je me suis soumis à un régime alimentaire. J’ai réduit ma consommation de certains aliments. J’ai arrêté complètement l’alcool et j’ai également modifié mon rythme de vie. Je me couche tôt et me lève tôt pour conserver un certain rythme et ne pas tomber dans la fatigue. J’ai complètement changé ma manière de vivre depuis maintenant deux ans pour tendre vers une hygiène de vie saine. »
Appréhendes-tu ce changement radical de mode de vie ? Ça ne va pas être trop dur pour toi de quitter les montagnes d’Annecy pour l’Alsace ?
« En soi, ça ne me fait pas si peur que ça. J’ai déjà eu l’occasion de changer de club et donc de m’intégrer à un nouveau groupe. Ce qui pourrait m’inquiéter, entre guillemets, c’est le changement de ville. J’ai toujours vécu à Annecy et là, je vais découvrir une nouvelle région, où je ne connais personne et où je n’ai aucun repère. Après, je sais que j’ai une grande capacité d’adaptation. Ça va beaucoup m’aider. Mais en fin de compte, je suis plutôt excité à l’idée de déménager et de découvrir ce nouveau « monde ». Je vais sortir de ma zone de confort et j’ai hâte de commencer cette nouvelle aventure. »
Hormis Laurent Busselier, as-tu déjà pris contact avec certains joueurs ou d’autres membres du staff de Sélestat ?
« Oui, j’ai déjà pu communiquer avec certains joueurs de Sélestat. J’ai beaucoup discuté avec les jeunes du groupe sur les réseaux sociaux, qui sont très accueillants. Et puis, il y a aussi un joueur que je connais là-bas puisqu’on s’est déjà affronté par le passé. Je n’arrive donc pas totalement dans l’inconnu. D’autant plus qu’il m’a proposé de venir boire un petit coup chez lui, avec l’équipe. »
Qui dit monde professionnel dit grosse médiatisation . Est-ce que le fait d’être sans arrêt exposé aux médias et aux journalistes est quelque chose que tu redoutes ?
« Non, je ne redoute pas les médias. J’’ai déjà eu un peu l’occasion de m’y confronter depuis 3 ans avec Annecy-le-Vieux. Après je sais, qu’en Starligue, la médiatisation sera à une plus grande échelle que ce que j’ai pu connaître. Il y aura la télévision et une chaine de sport qui diffusera tous les matchs en direct. Je serai aussi sûrement amené à faire des conférences de presse et encore plus d’interviews avec les médias. Mais je m’y suis préparé et ce n’est pas quelque chose qui me pose problème. »
Quels sont tes objectifs pour ta première saison en professionnel ?
« Alors moi, mes objectifs ont un petit peu changé parce que je m’étais préparé à aller en Proligue (D2). Mais là, je vais faire un grand pas et arriver directement en Starligue. J’ai bien conscience qu’il y a un niveau d’écart avec la Proligue. Alors, je vais d’abord aller là-bas pour m’intégrer, amener mon savoir, mon style de jeu, mes capacités et surtout pour aider le collectif à faire une belle saison. Et puis bien évidemment, l’objectif principal sera de performer tout au long de l’année. »
Quelles sont tes ambitions dans le handball à long terme ?
« Dans un premier temps, j’aimerais, comme je l’ai déjà dit, performer pour avoir la possibilité de poursuivre ma carrière en Starligue. Après, bien entendu, accrocher une place en Équipe de France fait partie de mes ambitions. Pour le moment, ce n’est pas d’actualité, mais je garde cette idée dans un coin de ma tête et je m’entraîne pour cela. Et puis, à plus long terme, j’aimerais évoluer à l’étranger. Le championnat allemand me tente beaucoup. Voilà, je ne me mets pas de barrières, ni de limites et on verra ce que l’avenir me réserve. »
Tu as également passé les concours pour devenir pompier, raconte nous. Tu en es où ?
« Oui, c’est exact ! J’ai eu plusieurs épreuves cette année. Dans un premier temps, j’ai passé les épreuves théoriques début novembre. Ensuite, j’ai enchaîné avec les épreuves physiques avec de la natation, un parcours du combattant façon sapeur-pompier et un test de course à pied (VMA). Dernièrement, j’ai eu mon oral de sapeur-pompier. Et maintenant, j’attends les résultats que je devrais avoir d’ici peu de temps. »
Pourquoi ce choix d’être pompier ? Est-ce que c’est pour préparer ton après carrière ou est-ce que c’est un métier que tu as toujours rêvé d’exercer ?
« Bien sûr, quand je me suis lancé dans cette aventure, c’était un peu pour préparer mon après carrière. Mais c’était aussi un petit rêve que j’avais depuis tout petit. Quand on est jeune, on veut souvent faire ce type de métier. J’ai eu envie de passer les concours. Je savais que je n’avais rien à perdre et on verra ce qu’il adviendra du résultat. J’ai aussi pensé à faire militaire, mais c’est un peu plus contraignant, surtout pour une après carrière de sportif. »
Ce n’était pas trop dur de mêler à la fois le handball et les concours pour devenir pompier ?
« Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en plus du handball et des concours de pompiers, je suis également surveillant dans un collège à Annecy. J’ai un contrat à mi-temps avec l’établissement jusqu’au 30 juin. Ce statut m’a permis d’avoir des horaires aménagés. Tous les soirs, je pouvais aller aux entraînements ou alors le collège m’autorisait à partir plus tôt, pour que je puisse aller à la salle de sport. Cette flexibilité m’a beaucoup aidé pour les concours de pompiers aussi. Les épreuves se déroulaient souvent en semaine, à Lyon ou à Grenoble. Il fallait bien s’organiser pour les déplacements et sans l’aide précieuse de l’établissement, que je remercie infiniment, je n’aurais jamais pu faire tout cela. »
Pour clôturer cette interview, est-ce que tu aurais un message à faire passer ou un conseil à donner à nos étudiants, qui comme toi, rêvent d’atteindre le plus haut niveau dans leur discipline ?
« Je vais forcément parler de mon expérience. Je n’ai jamais intégré de centre de formation. J’ai simplement été en section sportive dans mon lycée. J’ai connu tous les niveaux du monde amateur jusqu’à ma signature en professionnel cette année. Ça n’a pas toujours été facile, mais je me suis accroché. Alors si j’avais un mot à dire aux étudiants, ce serait de ne jamais rien lâcher et de croire en ses rêves. C’est un peu « bâteau », mais c’est ce qui m’a permis d’accrocher le haut niveau. »
Véritable machine, Tom Vinatier c’est 89 buts en 14 matchs cette saison (6,36 buts/match). Cette performance le place ainsi dans le top 3 des joueurs les plus efficaces du groupe Élite de la National 1. Son transfert vers le Sélestat Alsace Handball n’est donc pas anodin. Tom est un exemple de précocité et de travail pour tous les jeunes qui souhaitent performer dans leur discipline. L’ensemble de la rédaction lui souhaite beaucoup de réussite pour cette nouvelle aventure !