Comment est né Grissini Project ? Que veut dire le nom ?
J’ai commencé directement sur YouTube, en 2010, ce qui est assez vieux à l’échelle de YouTube. À la base, il n’y avait pas de nom, et l’idée est qu’il y avait beaucoup de musiciens qui jouaient de la musique inspirée par la pop culture : dessin animé, jeux vidéo, films, etc.
En fait, j’ai remarqué que c’était souvent des amateurs qui faisaient ça. À cette époque j’étais au conservatoire, et je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Dans ce type de musiques, par exemple la musique de jeux vidéo, à cette époque-là, les musiques originales n’étaient pas enregistrées par de vrais musiciens mais par des ordinateurs par exemple.
Donc je me suis dit que l’on pouvait peut-être embellir cette musique. C’est donc comme ça que l’idée m’est venue, par ma passion pour la pop culture et la musique qui allait devenir mon métier. J’étais aussi passionné par la nature et j’ai un peu mélangé les trois et c’est comme ça qu’on s’est retrouvés à filmer des musiques de jeux vidéo et à faire des arrangements.
Je me suis dit qu’on devait se trouver un nom, et c’est l’une des premières violonistes de l’ensemble qui cherchait un nom un peu artistique, parce que je n’avais pas d’idée. Elle m’a dit que je ressemblais à un grissini -les gâteaux apéritifs italiens-, et que donc je devrais appeler le groupe Grissini Project. C’est parti d‘une blague et c’est resté *rires*.
Comment le groupe s’est construit pour en arriver à ce qu’il est aujourd’hui ?
Le groupe est un ensemble à géométrie variable. C’est pour ça qu’à la base il s’appelait « Grissini Trio », puis je l’ai changé pour « Grissini Project ».
Mais l’idée est que je suis la colonne vertébrale du projet, et j’avise en fonction des rencontres. Pendant 5 ans j’ai été au conservatoire de Lyon et j’ai donc rencontré beaucoup de musiciens, par des rencontres artistiques mais aussi amicales. C’est comme ça que j’ai fait évoluer le projet en fonction des rencontres.
J’ai commencé en faisant de l’orgue et du piano, puis j’ai rencontré des violonistes, des violoncellistes, et il m’est venu l’idée de faire un « Piano Trio » (violon, violoncelle et piano), et pourquoi pas rajouter une chanteuse.
Ça a donc évolué en fonction de mes rencontres. On a aussi fait de l’orchestre de chambre, c’est-à-dire avec 18 musiciens. C’est donc vraiment à géométrie variable : on se produit en duo, en trio, et même en orchestre.
Pourquoi vous êtes-vous installés en Suède ?
J’ai fait mes études universitaires à Lyon 2 et en fait c’est très difficile d’être étudiant en France. Je viens d’une famille modeste et j’avais du mal à m’en sortir. Je travaillais dans un centre de tri pour financer mes études. Le milieu de la musique est en plus un milieu d’éducation très compétitif, très difficile, et il n’y a que deux conservatoires supérieurs où les concours y sont assez violents.
Après quelques années, il y a eu une porte qui s’est ouverte à moi : j’ai rencontré un professeur suédois qui m’a invité à entrer dans sa classe en Suède et j’ai découvert les bourses qui m’ont permis de m’en sortir et de me concentrer sur mes études.
C’est pour ça que je suis parti en Suède et au Danemark. Après, j’ai décidé de rester en Suède où j’ai fait le château Heisenberg et le Royal College of Music.
J’avais des musiciens en France donc je me suis dit que j’allais peut-être garder les activités du Grissini en France mais pour entreprendre, dans mon cas spécifique, c’était plus simple en Suède. C’est venu très naturellement. Mais on a beaucoup d’activité aussi en France. Et ce n’est pas si loin *rires*.
Comment avez-vous financé le projet ?
J’ai toujours aimé l’idée d’être assez indépendant. Au début, c’était complètement bénévole. Le premier investissement que j’ai fait c’était en 2014 pour la location d’un microphone et c’était 40 euros. Pour moi c’était un gros investissement. En 2015 j’ai commencé à monétiser les vidéos de la chaîne YouTube.
Cette même année, on a eu une première vidéo qui a « buzzé » et on a pu monétiser. Puis, petit à petit, on a eu toutes ces opportunités de financement arrivées grâce à l’évolution d’internet : monétisation des vidéos, financement participatif, plateformes de streaming en ligne qui nous apportent de l’argent quand les gens écoutent, etc.
C’est ce qui nous permet d’être indépendants. En Suède on pourrait essayer d’avoir des aides mais ce qui m’a facilité la vie c’est l’administration. C’est très simple ici de créer son entreprise et de gravir les échelons et c’est ça qui aide à être producteur ici. C’est ce qui m’a permis de concilier mes études avec Grissini, qui reste mon activité principale.
Pourquoi avoir choisi Ghibli pour votre tournée ?
Ghibli représente une grosse partie de mon enfance et de mon adolescence, c’est assez important pour moi. Déjà, c’est magnifique, et j’ai l’impression que cela revient à la mode en ce moment car c’est très avant-gardiste ; Hayao Miyazaki (ndlr : l’un des réalisateurs les plus influents du studio), dès les années 1980, traitait de sujets très axés sur l’environnement et sur des femmes fortes, ce qui est très d’actualité aujourd’hui.
Et la musique composée par Joe Hisaichi est vraiment splendide, du coup je me suis dit que cette musique-là ferait une vraie thématique. Beaucoup de musiques de la pop culture sont un peu dépendantes de l’image –sans l’image ça a moins de sens-, alors que les musiques des films de Miyazaki se suffisent à elles-mêmes.
C’est un bon programme à présenter dans les salles, à un public de connaisseurs des films du studio comme à un public plus habitué à la musique classique et qui ne connaissent pas ce superbe répertoire.
Donc ça me tenait à cœur de faire un répertoire autour des studios Ghibli.
Avez-vous pensé à faire des collaborations ? Est-ce quelque chose qui vous intéresserait ?
Il y a plein d’artistes que j’apprécie et que j’admire beaucoup mais c’est souvent difficile d’intégrer quelqu’un comme ça au projet. J’essaye d’être réaliste. J’avais plus pensé à autre chose. On fait souvent des clips un peu fictionnés, comme le clip de « The Witcher » notamment qui est l’un des plus gros que l’on a produits. On l’a scénarisé : il y a un scénario, il y a des acteurs avec des costumes. Et pour moi, cela ouvre des portes car il y a beaucoup de youtubeurs et streamers qui pourraient être intéressés par faire des caméos ou des apparitions.
Voir aussi : https://www.youtube.com/watch?v=BGHbdq_DgMc
C’est quelque chose que j’ai en tête mais je ne sais pas si cela est faisable de collaborer effectivement avec des artistes ou des gens qui ont envie de faire des jeux de rôle. Mais pour les musiciens c’est un peu plus particulier, car nous sommes des musiciens classiques qui faisons de la pop culture ; je ne peux pas vraiment inviter ces gens que j’admire car ils ont déjà, eux, leur propre identité unique.
Quels sont vos projets pour l’avenir ? Des tournées de prévues ?
On a une tournée au Mexique qui arrive cet hiver. C’est un peu la blague car c’était prévu en mars 2020 *rires* mais ça a été bien sûr annulé et ça a enfin été replanifié donc on part cet hiver. Puis pas mal de concerts individuels en France. J’ai beaucoup de choses sur lesquelles je suis en train de plancher qui arriveront sûrement bientôt, mais c’est encore dans l’étape du brouillon : des vidéos, des projets d’orchestre, pas mal de choses, mais il faut évidemment voir la faisabilité artistique ainsi que financière. Ce n’est jamais facile mais plein de choses arrivent en tout cas, ça c’est sûr.
Quelle est la région du monde que vous touchez le plus ?
Alors ça c’est drôle parce qu’on a vraiment des gens qui viennent de partout. Si on regarde les « top » pays qui nous suivent, on a une énorme communauté mexicaine. C’est notre deuxième plus grosse communauté juste après les américains, puis les allemands, et puis après beaucoup de gens dans les Philippines notamment, en Indonésie. J’ai remarqué par exemple sur la vidéo « Howl’s Moving Castle », qui est notre plus grand succès jusqu’aujourd’hui, que la plus grosse communauté est indonésienne, je ne sais pas pourquoi *rires*. Quand je regarde la carte du monde, c’est vrai que l’on touche du monde un peu partout et pas forcément dans des endroits auxquels on s’attend, donc c’est pour ça que j’ai assez hâte de cette tournée au Mexique.
Quelle est votre musique préférée à jouer sur scène ?
J’adore le thème du Château dans le Ciel (ndlr : film réalisé par Hayao Miyazaki pour les studios Ghibli), il y a quelque chose dans cette pièce qui me plaît beaucoup. C’est un peu une madeleine de Proust pour moi, donc je ne suis peut-être pas objectif mais c’est une pièce que j’aime beaucoup et que j’aime beaucoup jouer sur scène. En fait, la pièce est très complète, il y a un refrain très explosif, des parties plus douces, j’aime bien l’atmosphère que l’on arrive à mettre quand on joue cette pièce avec le public qui est en général assez attentif. C’est une pièce qui m’est chère.
Avez-vous prévu de revenir bientôt en France ?
Le dernier concert que l’on a fait à Lyon était le 16 septembre où l’on avait joué un programme Disney. C’est la première fois qu’on le faisait donc nous avions assez hâte. On va beaucoup jouer à Paris et ensuite on aura d’autres concerts qui arriveront en France. La France est une de nos plus grandes communautés donc il y a quand même beaucoup de gens qui nous suivent et nous demandent.