CSActu et Jade Folley souhaitent remercier Lionel Froissart d’avoir donné de son temps pour répondre à quelques questions et nous faire découvrir sa passion pour le sport automobile, mais également son expérience en tant que journaliste dans une discipline évoluant constamment.
Comment avez-vous découvert votre passion pour le sport automobile ?
« Je ne sais pas moi-même. Je n’avais pas de culture particulière pour le sport automobile. Mes parents, grands-parents n’avaient pas de moyens, de belles voitures et ne s’intéressaient pas à ça »
Après avoir vu quelques images d’essais d’une course, diffusée à la télévision chez ses grands-parents, Lionel Froissart, demande à son grand père de l’y emmener. Le lendemain, il se rend donc avec son grand-père, au circuit de Rouen-les-Essarts. Il ne le savait pas encore du haut de ses 10 ans, mais il assistait à son premier Grand Prix de France le 7 juillet 1968 mais malheureusement également à la mort tragique d’un pilote, drame fréquent à cette époque.
« Au début du 3e tour, un pilote, Jo Schlesser, est sorti de la piste et a eu un accident. Sa voiture a pris feu. Il en est mort… J’étais vraiment proche, à 200/250 mètres. Je sentais la chaleur du feu, les odeurs, j’ai eu très peur. Mais en même temps, ça m’a fasciné de voir que la course continuait. »
Il assistera même à la première victoire en rouge, d’un grand champion Belge : « Ce jour-là, c’est Jackie Ickx, qui a gagné son premier Grand Prix de Formule 1 sur une Ferrari. »
Sa passion pour le sport automobile est partie de là, s’intéressant de plus en plus à ce sport. Il part seul au Mans en 1972 et 1973, puis à son 2e Grand Prix en tant que spectateur en 1975. 1976 marque le début de sa carrière journalistique dans le sport automobile, dans le journal Auto-Hebdo.
Un moment marquant concernant un événement dans une course ?
Lionnel Froissart raconte alors, ce jour de 1er mai 1994. Un jour triste pour le Brésil, mais également pour tous les fans de sport automobile.
« J’étais très proche d’Ayrton Senna. Je le connaissais depuis 1978. Depuis sa première course de kart en France, au Mans, en Championnat du Monde. J’ai suivi tous ses débuts en kart, ses débuts en Formule Ford en Angleterre en 1983. Puis j’ai commencé à suivre les Grands Prix en 1984, j’ai fait toute la saison. Lui aussi, c’était sa première saison. Quand, à Imola en 1994, il a eu son accident, je travaillais pour Libération depuis fin 1985, mais je faisais aussi des commentaires pour une télé qui s’appelait Canal Horizon. »
« J’ai commenté l’accident en direct et j’ai su tout de suite que c’était fini, j’ai senti que c’était fini… C’est resté bien évidemment le moment le plus marquant de ma carrière. »
« Le premier accident [Jo Schlesser], je ne connaissais pas le pilote, ça m’a fait peur parce que c’était très proche. J’ai appris qui il était après coup. Mais, là Senna c’était autre chose, c’était un copain… »
Sur le plan sportif, dur de choisir. Il y a beaucoup de choses qui lui viennent en tête, comme par exemple, le duel entre Prost et Senna.
« Toute cette époque était géniale ! »
Quelles études ou qu’avez vous fait pour en faire votre métier en tant que journaliste ?
« Moi je suis un mauvais exemple, parce que je n’ai pas fait d’étude particulière pour faire ce métier. Aujourd’hui c’est pratiquement impossible d’avoir mon parcours. »
Lionnel Froissart, commence à Auto-Hebdo, sans expérience du journalisme. Il débutera sa carrière dans ce journal à la fois à la réalisation de montage, à la réalisation de tirage photo, mais aussi en tant que coursier et enfin photographe.
« À l’origine je savais que je voulais faire journaliste parce que j’ai toujours aimé écrire. Je n’ai fait aucune étude pour ça, j’ai vraiment appris sur le tas »
Après avoir réalisé que tous les pilotes de Formule 1 commençaient leur carrière dans le karting, il proposa à son journal une rubrique karting. Débute alors la création hebdomadaire d’une nouvelle rubrique, lui permettant d’évoquer aux fans de sport automobile, les possibles nouvelles stars de demain. En passant d’Ayrton Senna, à Emmanuele Pirro, Ivan Capelli, Stefano Modena et beaucoup d’autres.
« À l’époque ce qui m’importait c’était de vivre ma passion et de bouger sans arrêt. Maintenant il faut évidemment faire des écoles de journalisme, des stages. C’est de plus en plus dur. »
En-tout-cas, ce qu’il aime toujours et depuis longtemps, c’est bien l’écriture. Il aime raconter des histoires et apprécie également la télévision. Mais considère plus cette plateforme comme un amusement.
« Il faut travailler, s’informer et essayer de tout savoir. Quand vous raconter des choses à des gens ou à un journal, ce que vous racontez ça va être 10 % de ce que vous savez. Parce qu’on n’a jamais la place de tout raconter. Il faut donc choisir un angle et développer cette idée. Aujourd’hui, avec internet, ça n’a plus de sens de raconter un Grand Prix dans le détail car tout le monde le voit. »
« Dans tous les cas, quand on aime ce sport ou une spécialité, ou qu’on veuille même être journaliste sportif en général, on est obligé de tout connaitre et mieux que tout le monde. Vous ne pouvez pas être approximatif. »
Vous avez écrit plusieurs livres sur le sport automobile des « Chroniques de bord de piste pendant 10 ans » à « Alain Prost », « Ayrton Senna », « Ferrari », « Lewis Hamilton » mais également sur la boxe. En tout, 3 sur 10 presque un trentaine de livres entre 1990 et 2021. Lequel ou lesquels ont été les plus passionnants à écrire ?
Le premier livre évoqué est un livre sur Ayrton Senna, Trajectoire d’un enfant gâté, sorti en 1990 et qu’il considère comme son 1er « vrai » livre. Le second est également un livre sur le Brésilien, Croisements d’une vie, sortie 10 ans après la mort de Senna et qui, pour lui, est un livre symbolique du fait des rencontres de différents personnages du sport automobile autour du Brésilien. Étonnamment, le troisième et dernier livre évoqué, est son premier roman. Partant d’histoires vraies romancées sur la Boxe, Les boxeurs finissent mal… (sorti en 2007).
Il annonce également l’écriture d’un nouveau livre, parlant de sa découverte du sport automobile, de la fin des années 1960 au début des années 1970.
Vous avez d’ailleurs écrit un livre en 1993, publié entre deux biographies sportives d’Alain Prost puis Ayrton Senna, « Prost-Senna : le défi ». Comment, à cette époque, avez-vous vécu ce défi, d’abord en tant que journaliste et ensuite en tant que spectateur ?
« Sur le plan sportif, c’était génial. D’abord d’avoir la chance d’être tout près des principaux acteurs. C’est comme si vous étiez dans un film avec Brad Pitt et Robert De Niro et que vous les regardiez faire. Comment ils se comportent, l’attitude qu’ils ont, ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent en dehors des caméras, ce qu’ils vous disent. »
Lionel Froissart n’était pas seulement ami avec le Brésilien, mais aussi ami avec le Français, Alain Prost.
« Je n’avais absolument aucun problème avec. Alain m’appelait Ayrton, Ayrton me disait que je faisais partie de la French Mafia. Mais ils avaient confiance en moi et je ne les ai, je pense, jamais trahis. »
« J’avais parfois plus de difficultés avec l’entourage d’Alain Prost qu’avec celui d’Ayrton. Vraiment avec lui, je n’ai jamais eu de problème. »
« C’était un privilège de vivre ça. C’était du très très haut niveau. Les deux meilleurs pilotes, peut-être parmi les meilleurs pilotes de tous les temps. Parce que j’ai beaucoup d’admiration et d’amour pour Senna, Alain Prost, c’est quand même un 4 fois Champion du Monde qui a battu tous ses adversaires et tous ses coéquipiers. Il a eu du mal avec Senna mais tous les autres, il les a massacrés et il a eu pourtant de grands adversaires. Tous les deux sont des pilotes d’un calibre exceptionnel. »
À partir de là, il confia alors, l’explication du duel Prost-Senna.
« Senna était quelqu’un de très intelligent. Il connaissait, très bien son sport, comme Vettel aujourd’hui connaissait très bien l’histoire de son sport. Senna, quand il est arrivé, pourquoi il s’est focalisé sur Prost ? Parce qu’il savait que c’était le meilleur pilote. Pour être le meilleur, il fallait qu’il batte le meilleur pilote qui était Prost. Les autres évidemment ce sont des adversaires mais pas au même niveau. Piquet, Mansell… n’ont rien avoir avec Alain Prost. »
« Alain parfois se demandait « pourquoi il s’acharne comme ça sur moi ? pourquoi je suis son obsession ? » Tout simplement parce que Senna disait, « Prost c’est le meilleur, donc il faut battre le meilleur. »
« Ça a donné ce duel magnifique entre les deux meilleurs pilotes de leur décennie. »
10 ans après la mort de Senna, vous avez écrit un livre nommé « Ayrton Senna, Croisements d’une vie ». Au dos du livre est écrit que vous étiez proche du champion brésilien. Pensez-vous que s’il avait été encore de ce monde, il aurait continué la F1 et pendant combien de temps après 1994 ? Aujourd’hui, pensez-vous qu’il aurait continué sa vie à proximité du paddock ou bien qu’il se serait engagé en politique, lui qui était vu comme un espoir d’un avenir brésilien meilleur ?
Lionel Froissart évoque tout d’abord la possible la fin de carrière du brésilien. Une fin qu’on ne saura évidemment jamais…
« Il avait un contrat de 2 ans chez Williams, il aurait fait ses 2 ans et je pense qu’il aurait fini sa carrière chez Ferrari. Parce que tout le monde le voulait chez Ferrari, lui aussi voulait aller chez Ferrari. Il venait d’avoir 34 ans, donc on peut imaginer qu’il aurait couru encore 4 ou 5 ans. Il aurait peut-être fait 2 ans chez Williams, puis 3 ans chez Ferrari. »
En ce qu’il concerne le post F1, il exprime ses suppositions.
« Après je pense qu’il aurait surtout fait du business, au Brésil et en rapport avec le sport automobile. C’est le plus probable. Il avait déjà quelques business quand il était encore en activité. Il avait des concessions Audi, dont s’occupait son frère et pas mal de choses déjà. »
En ce qui concerne la politique. « Pourquoi pas, ça serait peut-être venu sur le tas, mais bon franchement, quand je le connaissais, on parlait et ce n’était pas du tout quelque chose qui le fascinait ou l’intéressait. Je pense que ce qui l’aurait convaincu de faire quelque chose c’est de voir son pays aller mal sur le plan social. Même s’il venait d’un milieu favorisé. »
Il précise également que beaucoup de personnes croient que Senna était issu d’une famille très riche. En réalité le Brésilien venait de la moyenne classe brésilienne. Effectivement, il possédait de bons moyens, mais n’était pas abondamment riche.
« Je pense qu’il était sensible au fait que, dans son pays, il y avait de vrais problèmes sociaux et c’est sans doute ça qui l’aurait poussé à essayer de faire quelque chose, même si ce n’est jamais facile. Je pense que c’est la raison qui aurait pu l’inciter à faire de la politique. Mais pas de la politique pour faire de la politique ou avoir du pouvoir. C’était sans doute pour essayer de faire quelque chose pour son pays. »
Pensez-vous que la rivalité de 2021 entre Hamilton et Verstappen était la rivalité la plus prépondérante depuis Senna/Prost ?
« C’est sûr que l’année dernière sur la piste c’était très chaud. C’était extraordinaire ! C’est deux fantastiques pilotes [Verstappen/Hamilton]. »
Sur le point de vue comparatif, la question est plus délicate.
« C’est difficile de comparer. D’abord parce que ce qu’on retient du duel [Senna/Prost], c’est qu’ils étaient ensemble chez McLaren, parce qu’ils étaient à voitures égales. Il y a eu des luttes avant quand Ayrton était chez Lotus, Alain chez Mclaren, après quand Ayrton était encore chez McLaren et Alain chez Williams. Mais ce qu’on a retenu, c’est leur bagarre dans la même équipe. »
« Après Lewis contre Verstappen c’est deux pilotes qui se battent pour un titre de Champion du Monde. Oui, l’année dernière c’était colossal, c’était d’une intensité incroyable. Alors, il y a eu des championnats qui se sont joués sur la fin ou à la dernière course, mais sans que ça n’atteigne une telle intensité. Mais on ne peut pas les comparer parce que la personnalité des deux n’a rien à voir. Déjà parce qu’ils n’étaient pas dans la même équipe et leurs personnalités ne sont pas les mêmes. »
« Le duel Senna/Prost est unique pour la personnalité des pilotes et les deux étaient dans la même équipe. »
Que pensez-vous de la nouvelle génération de pilotes ?
Le journaliste affirme apprécier cette nouvelle génération, sans pour autant se dire que « c’était mieux avant ». Il a, par exemple, hâte de voir Piastri et De Vries piloter la saison prochaine. Il affirme également avoir quelques petites préférences dans le paddock, tout en précisant que sur les 20 pilotes, la grande majorité est tout de même sympathique.
« C’est 20 mecs qui ont le même but, qui ont à peu près la même idée d’eux même. Tous se pensent meilleurs que les autres et se disent que, s’ils ont la même voiture, ils vont les « taper », ce qui n’est pas vrai. Mais heureusement qu’ils se disent ça. Sinon ils ne seraient pas là. Ils ont le même objectif. Mais en même temps c’est 20 caractères et personnalités assez différentes. »
Lionnel Froissart avoue avoir une préférence pour Hamilton, que ça soit pour le pilote, la personne, où les actions qu’il entreprend en dehors du paddock. Il affirme tout de même que Max Verstappen n’est pas l’homme arrogant que la plupart pense de lui.
« Sur les 20, la plupart des jeunes sont plutôt sympas. Il n’y en a pas un qui soit arrogant ou qui prenne la grosse tête. Même Verstappen qui est un peu spécial. Il sait qu’il est très fort. On le pense arrogant mais il ne l’est pas. Il est très sûr de lui. Il ne peut pas se permettre de montrer la moindre faiblesse. »
« Ce qu’il nous montre et ce qu’il raconte n’est pas forcément passionnant. Mais après, dans la voiture, il est génial. Il est génial à voir courir. Dans sa façon d’approcher la course, sa mentalité, son envie de gagner. C’est un animal, c’est génial, c’est comme Alonso. »
Les réseaux sociaux et notamment la série Netflix Drive to Survive apportent-ils plus de négatif ou de positif à la F1, aux passionnés et aux pilotes ?
Selon lui, il y a forcément des aspects positifs, mais aussi des négatifs. « Quand les américains n’étaient pas là, quand c’était Ecclestone. Is ne comprenaient rien. C’était une autre génération. Ils ne voulaient jamais rien montrer, pas d’images qui bougent en dehors de ce qu’ils vendaient à la télévision. Donc je pense que ça a ouvert la connaissance de la F1 à beaucoup de gens qui ne sont pas forcément des passionnés. Ils racontent parfois des trucs alors qu’ils ne comprennent rien, mais ce n’est pas grave, ils s’intéressent. [par rapport à DTS] Ça a fait venir une nouvelle clientèle, un nouveau public. Ça c’est le côté positif »
« Après, les réseaux sociaux, quel que soit le sujet, quel que soit le sport, si vous lisez les commentaires sur n’importe quel évènement sportif, c’est désolant. Il y a tellement de conneries qui se racontent et même de méchanceté, de haine que c’est déprimant… »
[sur Lewis Hamilton] « Soit on l’adore, soit on le déteste. En plus, je pense que même si les gens ne le disent pas, il y a un vrai problème de racisme. Parce qu’il est noir et que je suis sûr que plein de gens le déteste parce qu’il est noir. »Il revient également sur sa polémique avec Lance Stroll, lorsque le journaliste avait traité Stroll d’ « autiste » lors du Grand Prix d’Autriche 2022. Lionel Froissart affirme même s’être mal exprimé, avoir été très maladroit et qu’à la suite de ça, il a été exclu pendant 2 Grand Prix. Il finit par dire que cette erreur avait pris des proportions immenses, et que comme se souvent, avait fini par s’envenimer par les réseaux sociaux.
Que pensez-vous de Jean Marie Balestre et qui était, selon vous, le meilleur président de la FIA ?
Jean Marie Balestre, était le célèbre directeur sportif français de la FISA (devenue par la suite FIA) de 1978 à 1993. Connu pour avoir dirigé la F1 sous l’aire Prost/Senna, tout en ayant une petite préférence pour son compatriote.
« Jean Marie Balestre c’est une caricature, je le connaissais très bien. Il aimait les pilotes. Il était un peu trop pour les français. Donc il a quand même aidé Alain Prost. Mais si on doit regarder l’aspect positif, c’est qu’il a vraiment œuvré pour la sécurité. »
« Balestre c’était un mélange Balestre-Ecclestone. Ecclestone la partie commerciale et Balestre la partie sportive. Donc il a fait des trucs bien, c’est vrai qu’il était caractériel mais au fond il aimait bien Senna. Senna lui a offert un casque et ils se sont rabibochés. Mais bon, ce sont des hommes politiques donc il ne faut pas perdre la face. »
Concernant son avis sur les présidents de FIA qui ont suivi Balestre.
« Des présidents vraiment nuls, que j’ai détesté, c’est Max Mosley par exemple. Il n’a pas fait grand-chose. Quand il y a eu l’accident de Senna, il a pris des mesures que j’appelais des « mesurettes ». Alors c’était un grand choc que Senna et Ratzenberger se soient tués. Mais c’est Senna [postmortem] qui a fait bouger les
choses. »
« Les gens ne souviennent pas, mais c’est quand il y a eu l’accident de Wendlinger à Monaco qui a failli mourir aussi. Si Wendlinger était mort, la F1 en prenait un sacré coup. Parce que si à l’époque les morts ça faisait partie du jeu on va dire, ce n’était plus acceptable, pour un sport télévisé qu’on voit tous les dimanches à la télé. Ce n’était pas possible ! C’est à partir de cet accident, ça ne veut pas dire qu’ils n’auraient pas pris ces mesures-là, mais c’était très lent. Berger a fait une conférence de presse et il a remué les choses et effectivement les choses se sont remuées pour améliorer la sécurité. C’est à partir de là que des vraies décisions ont été prises. »
« Jean Todt a fait de bonnes choses. C’était un bon président, à l’écouté, il n’y a pas eu de problème majeur pendant son mandat, à part l’accident de Jules Bianchi, où il n’a pas été très cool, parce qu’en plus c’était un pilote de son fils. Il a quand même laissé entendre que c’était la faute de Jules, lequel était encore à fond à l’endroit où il est sorti mais qui a tapé une grue qui n’aurait jamais dû être là. Donc l’institution a toujours plus de pouvoir qu’un individu. Ça c’est un peu dommage. »
« Les différents présidents, alors Mosley par la force des choses, puis Jean Todt ont vraiment œuvré pour la sécurité et maintenant c’est une priorité qu’on ait plus d’accident mortel. Il y en aura peut-être encore, c’est quand même un sport qui restera dangereux, mais tout est fait pour minimiser les risques. C’est-à-dire que si
depuis 15 ans, même depuis l’accident de Senna, si on prenait tous les accidents, qu’on les analysait, sans les améliorations apportées aux voitures, il y aurait [au moins] 15 morts. »
« Peut être aussi que les pilotes prennent des risques différemment parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas leur arriver grand-chose. Maintenant les voitures sont très sûres. Alors, vous avez toujours l’exemple d’Antoine Hubert en F2, ça c’est le pire cas de figure. Donc ça peut arriver en F1 aussi. Il y a eu beaucoup d’accidents potentiellement mortelles depuis 1994, mais qui ne l’ont pas été parce que les voitures se sont beaucoup améliorées dans le domaine. »
Que pensez-vous des enjeux économiques et parfois politiques en F1 actuellement, qui sont parfois justifiés pour le « spectacle » ?
« C’est un énorme business qui marche bien en ce moment. » Le journaliste n’hésite pas à affirmer que c’est un sport, mais en même temps, que tous les sports sont des spectacles, de part notamment leurs visibilités télévisuelles.
« Tous les sports sont confrontés au fait d’être un spectacle qui intéressent les gens. Il faut s’adapter à l’époque. Ça ne me choque pas qu’il y ait des choses qui soient améliorées pour augmenter le spectacle et que le business fonctionne. Apparemment c’est la bonne solution puisque, je suis très étonné, je suis les Grands Prix depuis longtemps et là vraiment depuis 3 ans que les tribunes sont pleines, il y a du monde partout, c’est dingue. Moi-même je me demande comment c’est possible. Parce que pour être très franc, être spectateur d’un Grand Prix ce n’est pas non plus extrêmement excitant. »
« Je vois des Grands prix où il n’y avait personne, genre Abu Dhabi. Ils font le plein. Austin il y a 400 000 spectateurs, Mexico n’en parlons pas, São Paulo même s’ils n’ont plus de pilote [Brésilien] il y a du monde. »
Pilotes et voitures les plus marquants durant toutes ces années à couvrir la F1 ?
Le pilote qui viendra dans son esprit dans un premier temps sera Jim Clark. Le décès du pilote britannique sera d’ailleurs le premier sujet évoqué dans son prochain livre.
« J’aimais beaucoup Jim Clark pour avoir lu beaucoup ce qu’il a fait et quel genre de pilote il était. »
Évidemment, il évoquera par la suite Senna, Prost, Hakinnen ou bien Montoya. « [par rapport à Montoya] Le personnage non, mais le pilote me faisait marrer. »
Dans la liste des pilotes actuels Vettel, Gasly, Norris et Leclerc seront également cités. Même s’il précise qu’évidement sur toute sa carrière beaucoup de pilotes l’auront marqué.
Par rapport à la suite de la question, il affirme ne pas être, étonnamment, un passionné de voitures. « Je ne suis pas un passionné de voiture. Je n’aime pas spécialement les voitures. Ça ne m’intéresse pas plus que ça. Les gens sont toujours étonnés. Mais moi ce qui m’intéresse c’est la course, la compétition. »
« La Lotus 49 de Jim Clark [sa voiture préférée]. Les F1 modernes ne sont pas non plus très esthétiques, je préfère les F1 des années 1970. C’est peut-être aussi parce que c’était la période où j’ai commencé à m’intéresser au sport automobile. » Cependant en ce qui concerne les écuries, ses favorites sont par exemple, l’écurie Britannique McLaren ou encore l’Allemande Mercedes.
Comment voyez-vous l’avenir de la F1 ?
« Objectivement, à l’horizon des 4/5 ans ça à l’air de bien se passer, puis on dit souvent que la F1, c’est mort, c’est fini, ils vont changer le règlement, ça ne va pas marcher. Ça n’a jamais été autant regardé. Donc je pense que la F1 a un bel avenir encore, parce qu’ils savent s’adapter aussi aux besoins de l’époque. »
L’avenir d’une F1 électrique ne l’enchante pas vraiment, sauf à une condition. « Imaginons qu’ils arrivent à faire des F1 toutes électriques, qu’elles courent sur des circuits actuels et qu’elles aillent aussi vite, on oubliera qu’elles sont électriques. Elles ne feront pas de bruit. Celles d’aujourd’hui, je trouve qu’elles sont sympas. Alors évidemment ce n’est pas le bruit des V10 ou des V12 mais encore une fois les choses évoluent et on s’adapte. Puis on oublie vite. De temps en temps, on a un peu de nostalgie parce qu’on entend à nouveau une vielle F1 ou un V12. Mais bon mais maintenant c’est comme ça. »
« Tant qu’ils arrivent à faire des voitures qui sont les voitures les plus performantes du monde avec les meilleurs pilotes du monde, il n’y a pas de raison que cela soit inintéressant. »
Voyez-vous un avenir proche avec des femmes dans le sport et dans le journalisme ?
Pour lui, nous pourrions voir des femmes au volant d’une F1 avant un long moment, un avis réaliste. « La meilleur preuve, Chadwick, qui marchait « vachement » bien en Wseries, a fait une course en Formule 4, elle s’est faite laminée. Elle sait conduire mais elle n’est pas au niveau. »
Son ami Cathy Muller, ancienne pilote automobile, notamment de F3, ainsi que plusieurs autres amis du milieu du sport automobile, seraient également du même avis. « Ils étaient contre une série féminine parce que justement ça nivelle par le bas. »
« Je serai ravi qu’une fille arrive en F1 et marche bien. Le problème c’est qu’il faudrait que 10 000 filles commencent la course automobile tous les ans, autant que les mecs. Tant qu’il n’y aura pas 10 000 filles, on ne trouvera jamais la perle rare. »
Des circonstances peuvent également être un frein à l’arrivée de femmes en sport automobile, comme la grossesse par exemple. « Ça n’a rien à voir avec le physique, je pense que les filles sont assez fortes. »
« Ferrari a monté une académie, les filles face aux mecs, mais ils sont à l’arrêt. Elles sont bonnes mais pas assez pour rivaliser avec les mecs. Parce que les mecs qui vont bien, ce n’est pas monsieur tout le monde. »
« Un Charles Leclerc, c’est un mec qui est sorti au milieu de 10 000 kartman à son époque. Verstappen, tous ces mecs là, ce sont des exceptions. Ce n’est pas comme si vous preniez 10 garçons, vous leurs faites faire du kart et les 10 marchent bien et dans le tas, il y en a un qui marche un peu mieux. Non. Vous en prenez 10 000 et il y a dans le tas, 1 ou 2 génies. Ce sont des génies du pilotage. »
« Verstappen a eu la culture de ça. Il a été formaté pour ça. Il n’a fait que ça. C’est une obsession. Tous les jours, sa vie c’était être sur un kart et aller le plus vite possible. Il se faisait pourrir quand ça ne marchait pas. Alors cette méthode a marché. Après il y a d’autres méthodes, comme celle avec Charles Leclerc ou Pierre Gasly qui étaient entourés de beaucoup plus d’empathie, d’amour. Mais autant de volonté et de détermination, ça marche aussi. Mais encore une fois ce sont des mecs exceptionnels, qui sont fabriqués pour faire ça. »
Concernant la nouvelle catégorie en sport automobile, la F1 Academy, semblable à la WSeries, le journaliste ne semble pas non plus enthousiaste à cette idée. « C’est pareil, le truc de faire courir des femmes avec des femmes, c’est nul. Ça ne mène nul part. Ce qu’il faut c’est aider les filles quand elles sont très jeunes, à accéder au sport automobile un maximum, toujours [à courir] avec des mecs. »
Cathie Muller et Sophie Kumpen sont donc citées comme de bons exemples. Cathie Muller avait un excellent niveau jusqu’a son arrivée en Formule 3000 où les choses se sont compliquées. Quant à Sophie Kumpen, elle était également une excellente pilote de kart, mais elle a été forcée d’arrêter sa carrière prometteuse en 1997, lorsqu’elle tombe enceinte de son fils, Max Verstappen.
En tous cas dans le journalisme l’avis est tout autre. Pour lui, si à l’époque le milieu était très machiste, aujourd’hui il n’y a aucune raison pour qu’une femme n’accède pas au métier.