Fusillade sur fond de trafic de drogue : la violence sans limite
Depuis le début de l’année 2023, le nombre de morts atteint déjà un chiffre alarmant de 21, ce qui souligne l’ampleur du problème que connaît la ville de Marseille.
Par ailleurs, le changement de profil des victimes est particulièrement préoccupant, notamment un rajeunissement de l’âge de celles-ci. Autrefois, les fusillades touchaient principalement les personnes impliquées dans le trafic de drogue. Cependant, on observe désormais que des personnes totalement étrangères aux trafics sont touchées. Parmi les victimes, une mère de famille de 43 ans tuée le 11 mai dernier, ou encore un retraité de 63 ans se trouvant « au mauvais endroit au mauvais moment ». Cette escalade témoigne d’une violence aveugle.
De plus, un autre aspect vient s’ajouter à ces fusillades. Elles ne se limitent plus aux quartiers nord de Marseille, historiquement associés à la criminalité et aux problèmes sociaux. Ces actes de violence se sont désormais propagés jusqu’au centre-ville, touchant des arrondissements auparavant considérés comme plus sûrs. Cette expansion territoriale des fusillades renforce le sentiment d’insécurité dans toute la ville et suscite une profonde inquiétude parmi les habitants.
Abandon des quartiers nord de la ville « La violence a trouvé racine dans la misère »
Les associations appellent à la mise en place urgente de mesures spécifiques. En effet, la violence qui sévit dans ces quartiers et au-delà est profondément enracinée dans des problèmes structurels et par l’abandon des territoires par les autorités. Comme nous l’explique Katia Yakoubi, présidente de l’association Adelphi’Cité et travailleuse sociale, lors d’un entretien qu’elle nous a accordé.
La militante dénonce les causes profondes de la violence qui ravage ces quartiers. « Les quartiers nord manquent de presque tout. Nous sommes des quartiers qui sont abandonnés par la République ».
« La violence ne concerne pas que les quartiers nord, mais tous les endroits où la misère s’installe ».
Katia Yakoubi, Présidente de l’association Adelphi’Cité, à Marseille le 20 mai pour CSactu
Elle a tenu à souligner les conséquences de la gentrification et de la ghettoïsation, citant des logements insalubres, où les plus pauvres sont entassés, avec des services publics quasi inexistants, des transports insuffisants. « Nous manquons de presque tout. La nature a horreur du vide », a-t-elle déploré.
Concernant le rajeunissement des victimes et l’augmentation des fusillades, la présidente a expliqué. « Les têtes de réseaux vont chercher les gens les plus vulnérables. Les jeunes n’ont aucune perspective d’avenir ici, ils vivent dans la précarité ». Elle a également insisté sur la circulation facile des armes, qui alimente cette violence tragique. « On peut se procurer une arme comme des chips de nos jours ».
En ce qui concerne l’action de l’Etat, elle a vivement critiqué les politiques répressives menées à Marseille faisant référence à l’envoi d’une nouvelle brigade, la CRS-8 par le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en réponse à la situation. « Il fait tout de travers, c’est une politique de l’échec. Celle de répondre sur les conséquences et pas les causes. ». De plus, elle plaide pour un changement de perspective, affirmant :
« Il nous faut un vrai plan Marshall pour nos quartiers. Inverser la vision politique pour traiter les causes et non plus les conséquences ».
Katia Yakoubi, Présidente de l’association Adelphi’Cité, à Marseille le 20 mai pour CSactu
Face à ce tableau alarmant, la présidente d’association a mis en avant les efforts des associations et des collectifs locaux tel que « Collectif trop jeune pour mourrir » ou encore « Collectif des familles de victimes » qui font bloc pour tenter de faire entendre leur voix. « Nous faisons des réunions publiques avec tous les acteurs de la société, les jeunes, la justice, la police, les élus, les familles de victimes. Nous essayons de nous faire entendre via les médias. »
La Tribune à retrouver ici : https://www.humanite.fr/en-debat/marseille/sauvons-l-avenir-des-quartiers-marseille-et-dans-nos-banlieues-stoppez-le-massacre-792968
En conclusion de l’entretien, elle lance un appel à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. « Nous appelons solennellement à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour Marseille et sa région afin d’évaluer l’action de l’État, d’auditionner les victimes, de questionner les collectivités ».
« Il faut mettre en place une politique globale pour en finir avec l’abandon de nos territoires. «
Katia Yakoubi, Présidente de l’association Adelphi’Cité, à Marseille le 20 mai pour CSactu