Fermetures de Michelin, symbole de la désindustrialisation
Michelin justifie cette fermeture par des raisons économiques liées à l’évolution du marché mondial du pneumatique et à une concurrence de plus en plus féroce, notamment celle des producteurs asiatiques à bas coûts. Les sites concernés produisaient des pneus pour véhicules particuliers, dont la demande est en déclin dans un contexte de transition énergétique et de réduction des véhicules thermiques actée par l’Union Européenne. En outre, les coûts de production en France sont jugés trop élevés par rapport à ceux des pays émergents, où les normes sont plus flexibles et les salaires plus bas.
L’arrêt de ces usines s’inscrit dans une logique de rationalisation du groupe Michelin, qui préfère concentrer ses efforts de production sur des sites plus modernes et plus compétitifs. L’entreprise se réoriente également vers des segments de marché plus rentables, comme les pneus pour véhicules électriques, les pneus haut de gamme ou les solutions de mobilité durable. Michelin met ainsi en œuvre une stratégie visant à renforcer ses positions sur les marchés où la rentabilité est la plus élevée, quitte à sacrifier des sites de production moins performants économiquement.
La fermeture de ces sites industriels ne se limite pas à un simple ajustement stratégique pour Michelin, elle a des conséquences sociales et économiques majeures, notamment pour les 1 250 salariés concernés. À Cholet et à Vannes, ces fermetures sont vécues comme un coup dur pour l’emploi, en particulier dans des régions déjà fragilisées économiquement par la fermeture d’autres usines au cours des dernières années. Les syndicats ont exprimé leur colère et leur désarroi face à cette décision, dénonçant une gestion à court terme qui ne prend pas en compte les impacts sociaux.
Les collectivités locales, elles aussi, sont préoccupées par la perte de ces emplois industriels, qui représentent une part significative de l’activité économique locale. Les usines Michelin étaient des moteurs importants pour les économies locales, non seulement en termes d’emplois directs mais aussi en raison de l’écosystème économique qu’elles généraient autour d’elles notamment dans des territoires à faible attractivité économique.
La désindustrialisation en France : un phénomène structurel ?
La désindustrialisation en France ne se limite pas à la fermeture de quelques usines : elle est le résultat d’un processus graduel et complexe qui a conduit à une diminution significative de la part de l’industrie dans le PIB français. À la fin des années 1970, l’industrie représentait environ 25 % du PIB, contre environ 12 % aujourd’hui. Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs, dont la délocalisation de la production vers des pays à bas coûts, l’automatisation accrue de certaines industries et la fermeture de sites peu rentables. Ces évolutions ont conduit à une perte de compétitivité de certaines industries françaises, face à des pays où les coûts de production sont moins élevés. Lorsque l’on compare la part industrielle dans la valeur ajoutée, là aussi la chute française est fortement marquée.
Figure 1 – Source des données : INSEE
Une des causes principales de la désindustrialisation est la mondialisation et la compétition internationale, notamment celle des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou les pays d’Asie du Sud-Est, où les salaires sont bien inférieurs à ceux pratiqués en Europe. Les entreprises françaises, souvent confrontées à des coûts de production élevés et à des normes environnementales strictes, ont choisi de délocaliser certaines productions pour rester compétitives. Cela a entraîné la fermeture de nombreuses usines et la perte de milliers d’emplois industriels.
Outre la mondialisation, plusieurs facteurs ont contribué à la désindustrialisation en France. L’évolution technologique et l’automatisation ont eu un impact profond sur la structure du secteur industriel. De nombreuses usines ont fermé non pas parce que la demande de leurs produits a diminué, mais parce qu’elles n’ont pas pu suivre le rythme des innovations technologiques nécessaires pour rester compétitives. L’introduction de robots et de systèmes automatisés dans les processus de production a permis à certains pays de maintenir une production industrielle à faible coût, là où la France, avec ses coûts de main-d’œuvre plus élevés, n’a pas pu rivaliser.
La désindustrialisation en France a des conséquences multiples, tant sur le plan économique que social. La perte de milliers d’emplois dans les secteurs industriels, surtout dans les régions historiquement industrielles, a contribué à l’augmentation du chômage et à la montée des inégalités régionales. Les régions comme le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, ou l’Alsace, jadis des bastions industriels, ont vu leurs économies se déséquilibrer après la fermeture d’usines emblématiques. D’un point de vue économique, cette désindustrialisation a engendré une dépendance accrue aux secteurs de services, souvent moins rémunérateurs et moins nombreux en termes d’emplois. La France est aujourd’hui largement tournée vers une économie de services (aire beige sur la figure 1), ce qui a renforcé l’idée selon laquelle l’industrie, bien que toujours cruciale pour la souveraineté économique et la compétitivité, n’est plus le moteur principal de l’économie nationale.
La désindustrialisation, phénomène inévitable ?
La désindustrialisation en France s’inscrit dans un phénomène global, partagé par de nombreux pays occidentaux qui, face à l’essor des économies émergentes, ont vu leur secteur industriel se contracter en faveur de nouvelles zones du monde. En effet, la mondialisation a permis à des pays à bas coûts de production, tels que la Chine, l’Inde ou le Vietnam, de s’imposer comme des acteurs majeurs dans la production industrielle mondiale. La délocalisation de la production, notamment dans les secteurs du textile, de l’automobile et du pneumatique, a accentué cette tendance à la désindustrialisation, privant de nombreux pays occidentaux de leur tissu manufacturier malgré leur passé industriel prospère.
Figure 2 – Sources des données : Eurostat / OCDE
Le coût de production en France demeure l’un des principaux obstacles à sa compétitivité. Alors que les pays émergents profitent de coûts de main-d’œuvre bien inférieurs, les industries françaises peinent à se moderniser dans un contexte économique marqué par des marges de manœuvre de plus en plus réduites. La France se trouve également confrontée à une concurrence accrue au sein de l’Europe, notamment avec l’Allemagne, troisième exportateur mondial, qui bénéficie d’un environnement favorable à l’industrie grâce à une fiscalité avantageuse et une politique industrielle résolument tournée vers l’innovation.
Ainsi, la France ne semble pas dans un environnement propice à l’instant t à une industrialisation viable, sans réforme structurelle il semble compliqué de voir la France gagner le combat concurrentiel entre pays émergents à bas coût et pays développés innovant et plus productifs.