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Féminicides : vers une banalisation de la violence

Un féminicide survient tous les trois jours en France. Voici le constat établi par le ministère de la Justice. Des chiffres qui donnent le vertige et qui pourraient laisser croire que le phénomène s’est banalisé dans la société. 

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Un féminicide survient tous les trois jours en France. Voici le constat établi par le ministère de la Justice. Des chiffres qui donnent le vertige et qui pourraient laisser croire que le phénomène s’est banalisé dans la société. Crédit : Pexels
Un féminicide survient tous les trois jours en France. Voici le constat établi par le ministère de la Justice. Des chiffres qui donnent le vertige et qui pourraient laisser croire que le phénomène s’est banalisé dans la société. Crédit : Pexels

À la Réunion, une femme poignardée à mort dans sa voiture. En Dordogne, une nonagénaire tuée d’un coup de fusil par son mari. À Rouen, une adolescente de 17 ans tuée de plusieurs coups de couteau. Trois femmes ont trouvé la mort entre le samedi 19 et le dimanche 20 octobre en France. Leurs noms viennent s’ajouter à ceux de dizaines d’autres femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint cette année. Un féminicide est le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Selon l’Inter Orga Féminicides (IOF), il s’agit d’un “meurtre ou suicide forcé d’une femme en raison de son genre, et ce, quel que soit son âge ou les circonstances. Les féminicides s’inscrivent dans un contexte de violences patriarcales systémiques et/ou au croisement d’autres systèmes de violences.” 

Un décompte ambigüe

Aucune donnée officielle n’est encore disponible concernant les féminicides commis depuis le début de l’année 2024. Pourtant le constat lui est bel est bien présent. Le nombre de féminicides grimpe. Le ministère de la Justice en a dénombré pas moins de 94, rien qu’en 2023 contre 118, en 2022. Malgré une baisse de 20 %, les chiffres restent élevés et insatisfaisants pour les associations de défense des femmes. Insatisfaisants, étant donné la sous-évaluation de leur propre décompte dénonce le collectif NousToutes. “L’année dernière on en dénombrait pas moins de 136 quand pour le gouvernement, ce sont seulement 94 cas de féminicides en France” dénonce Marie-Charlotte, militante du comité local NousToutes à Paris.

Ces écarts sont le fruit d’une mauvaise définition de terme féminicide. D’après la militante, l’État ne décompte que les féminicides conjugaux. “Nous, on décompte les féminicides dans la sphère privée, dans la sphère publique, dans la société. Mais on n’arrive pas, pour le moment, à avoir un décompte, chaque année, des suicides forcés, qui sont considérés comme tels et qui rentrent dans le cadre de la loi depuis 2019. Ils ne sont pas décomptés par le gouvernement non plus.”

Des mesures insuffisantes 

Autre la cruauté des hommes, l’insuffisance des mesures de protection des femmes permet de justifier des chiffres si élevés. “On sait aussi que 65 % des victimes avaient pris contact avec la justice pour dénoncer les violences qu’elles subissent. Tous ces féminicides auraient pu être évités” explique Marie-Charlotte du collectif NousToutes. Si ce pourcentage alarmant témoigne de l’existence d’un système de protection, force est de constater qu’il n’est pas assez efficace. Et c’est d’autant plus alarmant que le président Macron avait déclaré que les femmes et notamment l’égalité homme-femme serait la grande cause de son quinquennat. Pourtant, on est au millième féminicide depuis sa première élection. Si le travail a été fait au niveau de la mise en place de lois et de circulaires (par exemple, la loi du 31 mai 2024 prévoit de priver automatiquement l’époux qui a tué son conjoint du bénéfice des avantages tirés du contrat de mariage), la lutte semble encore perfectible.

De leur côté, les associations réagissent et tentent de mettre en place des actions de dénonciation. “On fait des textes de revendication. Pour nous, ça s’articule autour de 3 axes principaux qui sont la prévention, l’accompagnement et le soutien et l’accès aux droits fondamentaux” détaille Marie-Charlotte. Le collectif organise également une manifestation, ce 23 novembre, contre les féminicides, les violences conjugales et les violences en tous genres.

Mais pour NousToutes, le travail doit commencer dès le plus jeune âge, par la formation : “c’est extrêmement important parce que c’est dès le plus jeune âge que se manifestent les premiers signes de sexisme et de sentiments déjà qu’il y a un genre subordonné à l’autre. La notion de consentement doit être enseignée aux enfants par rapport à l’égalité entre les garçons et les filles dès l’école” explique la militante. Théoriquement, la loi prévoit 3 heures d’éducation à la vie sentimentale et affective et sexuelle dès le CP et jusqu’au lycée, dans la mesure des moyens disponibles. Mais dans les faits, la grande enquête réalisée par NousToutes sur le sujet a révélé que dans environ 85 % des établissements ce n’est pas du tout mis en place. Espérons que le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle présenté en décembre par Anne Genetet sera mieux appliqué.

Un continuum de violence  

Le féminicide n’est pas un accident. Dans la plupart des cas, c’est le résultat de violences qui se sont installées au fil du temps. De nombreux signes avant-coureurs permettent de déceler si une femme est en danger ou non. Une femme qui est sous le contrôle de son compagnon parce qu’il va essayer de lui dire qui elle peut fréquenter, comment elle peut s’habiller, si elle peut sortir ou pas, c’est déjà des premiers signes de violence. Ça s’appelle aussi le contrôle coercitif. Et tout ça crée un climat de peur. Les victimes vont développer tout un tas de stratégies pour éviter d’être confrontées à ces violences. À partir de là, un système de contrôle se met en place. En général, ça s’aggrave au fil du temps. C’est ce qu’on appelle aussi le phénomène d’emprise. Au fur et à mesure, il peut y avoir des violences psychologiques plus graves, de dénigrement, d’insultes. Puis elles peuvent subir des violences physiques. Le féminicide, c’est le stade ultime de la violence. Il arrive dans de nombreux cas au moment où les femmes essayent de se délivrer des oppressions qu’elles subissent de la part de leurs partenaires. 

Une banalisation des féminicides 

Une des démonstrations parmi les plus récentes serait le meurtre de la jeune Philippine à Paris au mois de septembre. Si au moment de la découverte de l’identité du principal suspect, un Marocain de 22 ans, condamné par le passé pour viol et sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français), le crime a été attribué à l’insécurité grandissante dans le pays ; des associations féministes et élus de gauche ont appelé, à « penser ce crime » sous le prisme des féminicides et non de l’immigration. La Fédération nationale de centres d’information sur les droits des femmes et des familles s’est indignée sur X : « La misogynie tue. Ne nous trompons pas de débat ». Même constat pour la députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau. Elle s’est exprimée sur France Inter : “dire que les femmes sont en danger à cause des immigrés, à cause des étrangers sous OQTF ce n’est pas vrai ». Aujourd’hui, les féminicides sont beaucoup trop occultés par la récupération politique, entraînant une minimisation de leur réelle gravité. 

Un vrai travail collectif doit être fait à tous les niveaux de la société. C’est un travail sur du long terme. C’est un travail de déconstruction des croyances, de prise de conscience de ce qu’est la violence conjugale et comment on y est soumis au quotidien.

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