Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Face au manque de neige, le ski en voie d’extinction

Aller au ski. Voilà le programme de bon nombre de Français et Françaises chaque année lors des vacances de Noël et des vacances de février. Les Vosges, le Jura, le Massif Central, les Alpes ou encore les Pyrénées, autant d'endroits où l'on peut s'adonner aux sports d'hiver. Mais dans un contexte de raréfaction de la neige et d'une prise de conscience de l'impact des stations de ski sur l'environnement, est-il toujours possible et raisonnable de continuer à skier ?

Partagez ce post

Domaine skiable « Le Pla d'Adet » à Saint-Lary-Soulan (65), le 30 décembre 2023 (1700m d'altitude). Crédit photo: Pierrick Mouëza.
Domaine skiable « Le Pla d'Adet » à Saint-Lary-Soulan (65), le 30 décembre 2023 (1700m d'altitude). Crédit photo: Pierrick Mouëza.

Une survie des stations de ski compromise

D’après les données de Météo France, il ne fait aucun doute que le taux d’enneigement est en chute. Notamment dans les montagnes où l’effet du réchauffement climatique est plus important qu’ailleurs. C’est entre 1 200 et 2 000 mètres d’altitude que la diminution de l’enneigement est la plus importante selon Météo France. Or, de nombreuses stations de ski se trouvent à ces altitudes. Ceci pose ainsi la question de la pérennité de leurs activités. C’est aussi un signe que le modèle économique du ski est en sursis.

Et la question de la survie de certaines stations de ski se pose dès maintenant. « Aujourd’hui déjà, beaucoup de stations ne sont pas à l’équilibre », déclare Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France dans un article de Science & Vie. Mais arrêter les activités liées au ski n’est pas si simple. Ce secteur génère « 1,5 milliards d’euros » chaque année. Il permet d’employer environ « 18 000 personnes » selon l’organisation Domaines skiables de France. Derrière la possible fin du ski,  il y a donc un véritable enjeu économique et sociétal.

Des solutions envisageables ?

Pour autant, tout n’est pas perdu. Des solutions existent pour assurer la pérennité des sports d’hiver. Par exemple, le damage, pratique courante dans les stations de ski, permet de répartir la neige de façon optimale sur les domaines skiables. Une autre solution est aussi très utilisée : la neige artificielle. L‘Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), présente ces deux solutions comme « des leviers efficaces pour optimiser la quantité et la qualité de la neige lors de la saison de ski ».

Pourtant, la neige de culture a une limite importante, elle ne permet pas de remplacer la neige naturelle. Donc, plus cette dernière manquera, plus il sera difficile de compenser son absence. L’utilisation d’un canon à neige est aussi soumise à plusieurs facteurs ce qui complexifie la production de neige artificielle. La « température », « l’humidité de l’air » mais aussi « la pression atmosphérique et le vent », conditionnent la création de cette fausse neige selon une étude, datant de 2009.

Or, il est clair que tous ces facteurs sont eux-mêmes affectés par le réchauffement climatique. Par conséquent, face au manque de neige, des outils comme « ClimSnow » permettent aux stations d’évaluer les effets du réchauffement climatique. L’objectif est de s’y adapter le mieux possible. Ainsi, 146 études auraient déjà été réalisées grâce à cet outil. Il a notamment été développé par un consortium qui regroupe Météo France et l’INRAE.

Les vacances au ski : un non-sens écologique ?

Lorsqu’on se rend dans une station de ski, on remarque tout de suite leur présence. Les canons à neige se comptent par dizaine autour des pistes. Ils paraissent anodins, pourtant d’importantes quantités d’eau sont nécessaires pour qu’ils puissent fournir de la neige artificielle. C’est sans compter l’électricité indispensable au pompage de l’eau puis à sa projection dans l’air. À Saint-Lary Soulan (65), les enneigeurs sont utilisés de la fin d’après-midi (17h) jusqu’au matin (10h) sur le domaine skiable du Pla d’Adet. On peut donc se demander si cette eau permet de compenser le faible enneigement de la station. La question est de savoir s’il est vraiment raisonnable d’en utiliser autant pour maintenir un semblant de piste skiable.

Le Syndicat national des téléphériques de France (SNTF) évoque « une perte par évaporation comprise entre 10 % et 30 % », en ce qui concerne l’eau projetée par les enneigeurs. Au-delà de la perte de cette eau qui retourne finalement dans les sols, c’est surtout la question du stockage de l’eau destinée aux enneigeurs qui pose question. L’Institut de la montagne le rappelle en évoquant le problème du stockage de l’eau « dans des réservoirs au lieu de la laisser rejoindre les eaux souterraines ». En effet, si l’eau est détournée pour des activités humaines, cela risque d’affecter les milieux naturels qui en sont privés.

C’est d’ailleurs le même problème que les méga-bassines prévues pour l’agriculture, censées stocker de l’eau en prévision des périodes sèches. À travers cette question de l’eau, on comprend que le maintien ou la réduction de l’activité des stations de ski relève aussi bien de choix politiques qu’économiques. Pour rappel, les stations de ski reçoivent des subventions publiques pour leur fonctionnement. Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes « compte allouer un budget de 30 millions d’euros pour la période 2022-2027 », rappelle le magazine Science & Vie. On constate donc un décalage entre les objectifs écologiques de la France et la volonté d’investir dans un secteur certes rentable mais peu soucieux de la nature.

Ski et environnement : deux notions opposées ?

Le ski et l’environnement seraient donc deux notions incompatibles ? Comme pour illustrer ce décalage, en 2020, la station de Luchon-Superbagnères (31) avait apporté de la neige par hélicoptère. Le but était de pouvoir assurer l’enneigement des pistes de ski. Cela a permis d’augmenter l’espace du domaine skiable disponible qui était alors réduit. Le constat est simple. Certaines stations, loin de se remettre en question quant à la disparition de la neige naturelle, sont prêtes à utiliser les grands moyens pour assurer la survie de leur activité reine : le ski.

Avec de telles décisions, il paraît difficile de concilier préservation de l’environnement et maintien des sports d’hiver. « La station verte n’existe toujours pas et n’existera jamais », expliquait Camille Rey-Gorrez à Slate en 2015, ajoutant ensuite que, malgré les erreurs du secteur du ski, il n’y a pas « une station qui n’ait pas conscience des enjeux climatiques auxquels elle doit faire face ».

« L’après-neige »: la transition des stations de ski

Aujourd’hui, en 2024, de nombreuses stations continuent leurs activités. Mais certains acteurs du ski sont déjà en quête de nouvelles façons d’attirer des touristes en montagne. Ce moment de « l’après-neige », beaucoup ont du mal à l’accepter. En effet, il n’est pas si simple d’imaginer des stations de ski… sans ski. « On a été façonnés par ce modèle de station de ski depuis les années 1970 », expliquait Camille Thiriet, directeur d’un office de tourisme en Haute-Savoie (74), dans un article du journal Le Monde. Trouver un nouveau modèle économique pour les stations n’est donc pas une chose aisée.

Pour d’autres, la reconversion semble déjà forcée par les conditions climatiques. Face au manque de neige, la station de Guzet (09) se réinvente avec de la luge sur rail. Pour le directeur de la station Métabief (25), Olivier Erard, il est temps de penser à la fin du ski. « Au lieu de dépenser 15 millions d’euros dans le remplacement des remontées mécaniques, nous avons choisi de les rénover pour un montant de seulement 2 millions d’euros », témoigne-t-il dans un article de Science & Vie. Cet investissement permettra à la station de rester sur le créneau du ski. Mais il permettra aussi de commencer à se tourner vers d’autres ressources touristiques. Ce serait le cas de « la luge sur rail » et les « pistes de VTT », détaille Olivier Erard. Mais il reste réaliste, la mise en place de nouvelles activités « ne compensera pas les pertes liées à la fin du ski », conclut-il.

Aujourd’hui, le secteur des sports d’hiver fait face à une grave crise qui oblige à repenser les activités en montagne. Impossible de vraiment savoir quand et si le ski s’arrêtera. Mais une chose est sûre : la fin de la neige aura de lourds effets économiques, sociétaux et surtout, environnementaux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share

CSMAG, votre point actu’ mensuel !

Nous souhaitons faire de ce magazine le reflet de l’esprit de CSactu, en y intégrant toute nos nouveautés : articles de fond, podcasts, émissions sur Twitch, conférences et bien plus encore. 

Chaque mois, nous nous engageons à vous offrir un magazine qui, tout en valorisant le travail de notre rédaction, mettra en lumière l’ensemble des initiatives portées par CSactu.