Jordan Bardella confirme son ascension avec 31,5% des voix
Rappelons qu’il faut dépasser 5 % des voix pour envoyer des députés au Parlement européen. Miroir d’une campagne qui a suscité plus d’intérêt que prévu, la participation aux urnes augmente encore par rapport à 2019: 51,5 % selon l’Ifop, quand elle avait déjà indiqué une hausse à 50,12 %. Un tel enthousiasme n’a pas porté atteinte au score du grandissime favori : à tout juste 28 ans, Jordan Bardella confirme son ascension rapide sur la scène nationale, il augmente de près de dix points son score déjà élevé de 2019 avec environ 31,36% des suffrages.
En deuxième position, la liste de Valérie Hayer du parti présidentiel Renaissance récolte 14,6 % des suffrages, obtenant 13 sièges. Malgré un démarrage tardif de la campagne, Hayer a mis en avant un programme pro-européen face à la critique nationaliste du RN. De son côté, le Parti socialiste-Place publique, dirigé par Raphaël Glucksmann, atteint 13.8 % des voix, se traduisant par l’attribution de 13 sièges. Ce score offre au PS une opportunité de peser davantage dans le bloc de gauche en vue de la présidentielle de 2027.
Nouvelle déception pour les Républicains, la Gauche éparpillée et en quête de renouveau
La France insoumise, dirigée par Manon Aubry, a recueilli 9,89 % des voix et devrait remporter 9 sièges au Parlement. Lors de sa campagne, le parti a mis l’accent sur la question sociale, notamment sur le domaine du pouvoir d’achat et sur le plan international, avec le conflit israélo-palestinien, espérant ainsi devancer ses précédents résultats.
Les Républicains, mené par François-Xavier Bellamy, ont recueilli 7,2 % des suffrages et devraient remporter 6 sièges. Le nouveau tête de liste des Républicains a tenté de se distinguer, en rejetant le dualisme RN-Renaissance, et en affichant des valeurs plus traditionnelles de son parti, surtout sur la question de la souveraineté nationale et sur les politiques économiques.
Les écologistes, dirigés par Marie Toussaint, ont obtenu 5,5 % des suffrages assurant ainsi 5 sièges au Parlement européen, c’est 8 points de moins qu’en 2019, où la liste de Yannick Jadot avait récolté avec 13,48 % des suffrages exprimés pour 13 sièges attribués. Bref, un très mauvais résultat lorsque, depuis de très nombreuses années, le scrutin européen couronnait les Verts.
Il est prévu que Marion Maréchal, chef de file de la liste Reconquête, dépasse également les 5 % et envoie 5 élus à Bruxelles. Cependant, ce ne sera pas le cas de la liste Communiste, menée par le tête de liste Léon Deffontaines, qui n’obtiendra que 2,7 % des voix.
Ces résultats démontrent un paysage politique fragmenté mais dominé par le parti du Rassemblement national. Jordan Bardella a su nationaliser le scrutin en opposant frontalement sa liste à la politique d’Emmanuel Macron, en espérant imposer le RN comme l’alternative crédible pour l’élection présidentielle de 2027. Dans sa première prise de parole après « le score historique » du Rassemblement aux élections européennes, Jordan Bardella a appelé le président de la République à en tirer toutes les conclusions qui s’imposent « et à respecter l’esprit des institutions » en convoquant « de nouvelles élections législatives« .
Un énième pari stratégique du Président de la République
Dès 20h05, Jordan Bardella a parlé d’un président “affaibli”, “rétréci au sein de ses moyens d’actions”. Pour lui, les résultats de ces élections européennes annonce “la fin d’un cycle” et oblige Emmanuel Macron à “prendre acte de cette nouvelle donne politique”. Les dirigeants du Rassemblement National avaient déjà prévenu l’exécutif du besoin de respecter la constitution. Pendant la campagne, Marine Le Pen avait aussi demandé à Emmanuel Macron de démissionner.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Quelques minutes plus tard, Emmanuel Macron prend la parole depuis l’Elysée et annonce sous le regard stupéfait de tous les analystes et éditorialistes politiques la dissolution de l’Assemblée Nationale. Il utilise donc l’article 12 de la constitution et “souhaite redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote”. La dernière dissolution de l’Assemblée Nationale date de 1997 sous la première présidence de Jacques Chirac. Ces dissolutions ont souvent conduit à un rebond démocratique avec de fort taux de participation.
Ces nouvelles élections auront lieu le 30 juin et le 7 juillet. A quelques jours du début des Jeux Olympiques, ces élections législatives sont un véritable pari pour la majorité et pour la démocratie française. Plusieurs défis attendent les forces politiques françaises. Reconquête a annoncé vouloir une union des droites. En effet, le Rassemblement National et ses 32% ne pourra pas atteindre la majorité et donc envoyer Jordan Bardella à Matignon. Pour Renaissance, autre stratégie, l’entourage du Président a annoncé que pour les députés sortants “dans le champ républicain”, Renaissance ne placerait pas de candidats en face. Enfin à gauche, l’espoir d’une NUPES édition 2 est encore vivant, cependant, celle-ci devra prendre une nouvelle forme.
Un appétit du pouvoir qui renaît
À la vue des résultats du soir, qui sont évidemment un indicateur pour les législatives qui auront lieu dans seulement trois semaines, le Rassemblement national a accueilli cette nouvelle avec la perspective, l’espoir d’obtenir le pouvoir dans un futur proche. Ainsi, Marine Le Pen déclare-t-elle au pupitre du QG de campagne du parti que « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir.«
À gauche, l’heure est à la ré-union. Faure, Mélenchon, Toussaint, Roussel, tous les partis de la NUPES appellent à l’union en vue des législatives, conscients qu’il est nécessaire de tirer les conclusions de cette campagne réalisée dans la division la plus totale.
En globalité, si beaucoup ont salué la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et de redonner la voix au peuple, chacun dans l’espoir de réaliser une performance électorale qui ne leur aurait été permis que dans trois ans, beaucoup sont cependant critiques du timing imposé par le président, puisque les partis n’auront que quelques jours pour établir leurs investitures et préparer la campagne qui ne durera que trois semaines avant de laisser la parole aux urnes, notamment l’ancienne candidate à l’élection présidentielle Valérie Pécresse, qui fustige le président « Dissoudre sans donner à personne le temps de s’organiser et sans campagne, c’est jouer à la roulette russe avec le destin du pays.« .
Une France ingouvernable ?
Pour le gouvernement, ou plutôt la gouvernance de la France, deux scénarios sont envisageables. Le premier est celui d’une majorité du Rassemblement national à l’Assemblée nationale. Ce scénario apparaît comme le plus probable à la lumière des résultats qui nous sont parvenus ce soir. Pour les élections législatives, on peut aisément imaginer que le Rassemblement national n’obtiendra pas de majorité absolue, en raison des résidus de « barrage républicain » qui pourraient subsister.
Dans cette situation, le RN serait à la merci des motions de censure et pourrait se voir empêché dans les projets de loi qu’il soumettrait à l’Assemblée. Dans le cas où le RN serait en situation de majorité absolue, cela ne signifierait pas qu’il aurait les mains libres non plus. En effet, Emmanuel Macron devrait user de tous les moyens à sa disposition pour freiner, déstabiliser et importuner le gouvernement dans l’exécution de sa tâche. Le Rassemblement national ferait donc face à des obstacles institutionnels s’il venait à gagner le pouvoir.
À l’inverse, si le camp présidentiel remporte les élections législatives, grâce à un camp républicain qui positionnerait l’alliance comme la seule force politique capable de battre le Rassemblement national, il s’agirait ici, certainement, de l’un des plus grands coups de la Ve République. Néanmoins, étant donné la faiblesse actuelle du camp présidentiel, il paraît presque impossible de leur imaginer une majorité absolue. Il en résulterait un retour au statu quo actuel, avec une opposition encore plus vigoureuse et un blocage institutionnel inédit.