Une présidentielle marquée par une forte abstention
Au-delà de la victoire du président-candidat, assez souvent annoncée par les derniers sondages, c’est l’abstention forte qui marque cette présidentielle, que cela soit au premier tour, aussi bien qu’au second. Ainsi, lors du premier tour, ce sont 26% des électeurs, soit près de 12,8 millions de personnes qui ont boudé les urnes le 10 avril. Au second tour, l’abstention a, selon les premières estimations, atteint près de 28%.
Ces chiffres sont tous les deux supérieurs à ceux de l’élection présidentielle 2017, même si ceux du premier tour n’atteignent pas les 28,2% d’abstention du premier tour 2002, lors duquel Jean-Marie Le Pen avait pu profiter de cette abstention élevée pour se hisser au second tour face à Jacques Chirac, au détriment de Lionel Jospin. Au second tour des élections 2002, l’abstention avait fortement diminué par rapport au premier tour, atteignant le chiffre de 18,7%.
Néanmoins, les chiffres de l’abstention sont à analyser plus en profondeur. Le détail n’est pas encore connu pour le second tour mais, au premier tour, ce sont plus de 2 18-34 ans sur 5 qui ont boudé les urnes lors du premier tour. A l’inverse, seulement 12% des 60-69 ans ne se sont pas déplacés lors du premier tour.
L’écart est également marqué selon les catégories socio-professionnelles. 1 ouvrier sur 3 ne s’est pas déplacé au premier tour, alors que ce chiffre diminue à 1 sur 4 pour les cadres et professions intellectuelles supérieures et 1 sur 5 pour les retraités.
Des changements profonds du paysage politique français
Les résultats de ces élections présidentielles mettent en valeur deux faits importants. Tout d’abord, le second tour, marqué par le résultat le plus élevé pour le Rassemblement National (41,8%), tend à montrer que le « front républicain », afin de faire barrage à l’extrême-droite, a une « efficacité » toujours réelle, mais de moins en moins marqué au fil des élections.
Cette évolution s’explique par deux faits politiques majeurs : tout d’abord, cet écart réduit entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen démontre que la stratégie de dédiabolisation du Rassemblement National, lancée par Marine Le Pen, a véritablement fonctionné puisque voir l’extrême droite rassembler 2 voix sur 5 n’est aujourd’hui une surprise pour aucun politologue français. De plus, la candidature d’Eric Zemmour, placé dans l’échiquier politique encore plus à droite que la candidate RN, a selon de nombreux électeurs « adouci » le projet et la vision de Marine Le Pen pour de nombreux Français.
L’autre fait majeur est la percée impressionnante de Jean-Luc Mélenchon, qui aura rassemblé au premier tour près de 22% des voix, formant pour la première fois, une véritable triangulaire de la politique française, autour de La France Insoumise, La République en Marche et le Rassemblement National.
Cette nouvelle polarisation a pour conséquence la disparition presque confirmée des deux partis majeurs de la Cinquième République, à savoir le Parti Socialiste et Les Républicains, dont les candidates, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, n’auront rassemblé seulement 1,7% et 4,8% des voix.
Un « troisième tour » aux législatives ?
Dès les résultats du premier tour obtenu, les leaders de La France Insoumise rappelaient à leurs électeurs qu’un « troisième tour » était toujours prévu avec les élections législatives prochaines. L’objectif, aussi bien pour La France Insoumise que pour le Rassemblement National, sera de confirmer les bons scores obtenus lors de cette présidentielle, afin de pouvoir véritablement devenir des forces d’opposition lors de ce second quinquennat Macron.
Néanmoins, un tel schéma était d’ores et déjà envisageable lors des élections 2017 où LREM, RN et LFI avaient fini aux premières positions des élections présidentielles, sans que cela se traduise derrière par une véritable force politique au sein de l’Assemblée Nationale. Pour Emmanuel Macron, l’objectif est donc de pouvoir à nouveau obtenir une majorité législative afin de pouvoir nommer un gouvernement en accord avec sa ligne politique.