Ce qui a marqué la presse et l’opinion public, est l’absence de cinq candidats dans les émissions télévisées qui ont eu lieu jusque-là. Admettons quatre plus la moitié d’un. Nathalie Artaud, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle et Philippe Poutou ne sont pas invités par LCI et TF1 pour leurs premières émissions consacrées respectivement aux femmes et à la politique internationale. D’autre part, Emmanuel Macron a souhaité dès le départ, ne pas vouloir participer. Décision sur laquelle il est exceptionnellement revenu puisque nous avons pu l’apercevoir dans “La France face à la guerre” sur TF1, ce lundi 14 Mars.
Pas de “petits-candidats”
Traité comme « un candidat de merde et inutile », voici ce qu’estimait Jean Lassalle Mardi 15 mars sur CNEWS et Europe 1 suite à sa mise à l’écart des ondes télévisées. Les trois autres absents de l’émission se sont aussi plaints de cette décision perçue comme injuste. Ce n’est pas tant le contenu et l’objet de l’émission qui a fait couler le plus d’encre, écouler le plus de temps sur les ondes, fait pianoter le plus de doigts derrière leurs écrans mais bien cette absence remarquée de certains candidats.
Cette décision nous mène donc à la question suivante: ” Pourquoi quatre candidats aux élections présidentielles ont été écartés du débat public ? “ C’est la même question qui est soulevée par la notion de « petits candidats ». Sans doute sont-ils perçus comme des candidats qui ont trop peu de poids, donc après tout, peut-être ne sont-ils pas assez légitimes pour être écoutés de la même façon que les ténors. Pourtant si l’on prend du recul, comme les autres, ils font campagne, ont un programme et un message à faire passer. Des personnalités comme Jean Lassalle, Nathalie Arthaud ou encore Philippe Poutou sont souvent considérés comme “peu sérieux”, ne correspondant pas à l’image que l’on se fait du politique ou bien étant perçus comme trop extrêmes. Pourtant en 2002, il y avait quatre candidats d’extrême gauche et en 2017 les 11 candidats étaient présents. De fait, ne l’oublions pas, tous ont vu leur candidature validée par le Conseil Constitutionnel suite au soutien d’au moins 500 élus. Il n’y a pas, dans le cadre des institutions de la Ve République, de plus grande légitimité. L’autre grand argument qui joue en leur défaveur est leur résultat aux sondages face aux autres candidats. Alors qu’Anne Hidalgo espère à peine plus que Nicolas Dupont-Aignan, elle était présente sur le plateau.
Mais l’intérêt profond est de se questionner sur la perte de visibilité de ces quatre candidats dans le débat public. D’abord leur électorat peut se sentir lésé, même s’il est moindre, ce qui est problématique pour une démocratie. Ensuite, c’est la pluralité des opinions qui est perdue. Nathalie Arthaud et Philippe Poutou étant trotskistes, ils sont marginalisés bien qu’ils aient des visions de la société qui leur soient propres et deux visions qui peuvent d’ailleurs s’opposer. Mais entendre un discours différent des autres, qui a sa propre logique, ses propres fondements, cela ne fait-il pas parti de toute la richesse des débats politiques ? Ceux-ci n’ayant déjà lieu qu’une fois tous les 5 ans, cela peut-être dommage d’en priver nombre de français qui n’ont pas forcément ni le temps ni l’accès à ces différents discours.
Emmanuel Macron, l’absent à mi-temps ?
Après avoir annoncé sa candidature tant attendue, le président sortant a annoncé qu’il ne participerait à aucun « débat avec les autres candidats avant le premier tour » de la présidentielle. C’est une position adoptée déjà par tous les présidents sortant avant lui et c’est aussi l’argument donné par l’Elysée. Cependant, la raison plus pragmatique est peut-être qu’il n’a pas besoin de débattre pour gagner des points dans les sondages. Les événements en Ukraine semblent avoir confortés, selon les sondages, la position d’Emmanuel Macron qui est crédité à 29 % selon un sondage provenant Ipsos-Sopra Steria et datant du 11 Mars. Cette position de retrait, empêche toute confrontation à d’autres candidats. Le candidat Macron peut donc mener sa campagne comme son mandat, depuis sa tour d’ivoire. Il semble pour certains inaccessible, intouchable. En montrant qu’il n’a pas besoin de débattre pour se faire élire, il montre en quelque part qu’il n’a pas besoin de débattre pour gouverner.
Il s’est pourtant déplacé pour l’émission “La France face à la guerre” sur TF1 le 14 Mars. Le sujet était l’Ukraine, c’est-à-dire celui qui l’a fait remonter dans les sondages. Le risque était donc mesuré. Mais ce qui est intéressant, et qui est révélé par le journal l’Opinion, est qu’Emmanuel Macron a fixé des conditions à l’émission, parmi lesquelles : il ne doit point y avoir de débat.
Le speed-dating politique, trouvez votre candidat idéal !
Les abus de langage nous poussent à nommer ces émissions « débats ». Or, ce ne sont pas des moments d’échanges entre candidats. Chacun défilent dans un ballet incessant depuis les loges jusqu’au plateau face aux journalistes, seuls juges et interprètes légitimes des français. Des questions sont posées pour des réponses de quelques minutes. Mais si le principe est simplement d’énoncer leur programme, les candidats n’ont qu’à faire un QCM. Ils n’ont pas la possibilité de parler de leur conception globale de la société, de la politique, de certains sujets. À la place, le temps s’écoule sur des questions de détails, des questions techniques auxquelles ils doivent savoir répondre bien-sûr, mais ces petits monologues peuvent être retrouvés sur les réseaux sociaux ou dans leurs meetings. Cela amène le développement de discours juste faits pour séduire l’électeur, le débat se résume au choix du candidat qui se montrera le plus libéral, dans le sens de celui qui distribuera le plus d’argent et de belles promesses dans l’espoir de l’aumône de quelques bons points dans les sondages, du moins pour la majorité des candidats qui se présentent. Pas de justification ni d’explication du financement ou de la vision globale dans laquelle rentre les mesures qu’ils désirent prendre.
Cette question montre cette tendance de perte de débats et encore plus de perte de débat des idées. Les débats ressemblent de plus en plus à des speed-dating, où en quelques minutes, le candidat doit convaincre l’électeur de le choisir lui plutôt qu’un autre. Chaque candidat défile devant des journalistes au sommet de leur contre-pouvoir pour se justifier des paroles qu’il a eu par le passé. Tout est bon pour les coincer, pas pour confronter leurs idées. La forme prime sur le fond, puisqu’il n’y a même plus de débat, c’est-à-dire pas de contradicteurs sur le plateau. L’accumulation de l’absence de quatre candidats, plus la présence intermittente du président-candidat, ainsi le format même des émissions, interroge sur la fait de savoir si les français ont le choix au regard de ce format proposé par les médias télévisuels.