Le nucléaire, omniprésent dans le débat écologique :
Impossible d’y avoir échappé, la question du nucléaire est au cœur des débats sur le plan de l’écologie. D’autant plus depuis que le président en place Emmanuel Macron a annoncé vouloir ouvrir 6 nouveaux EPR (European Pressurized Reactor) d’ici 2050, dans le cas de sa réélection. Ainsi, chaque semaine dans les médias, les journalistes posent la question aux candidats sur leur positionnement à ce sujet.
Au-delà du président, d’autres sont donc en faveur de l’ouverture d’EPR et de la modernisation des plus vieilles centrales nucléaires. C’est le cas de la candidate des Républicains, Valérie Pécresse. Dès la primaire de son parti, elle avait annoncé être en faveur de l’ouverture de 6 réacteurs d’ici 2035. De même, la candidate du Rassemblement National Marine Le Pen a la même proposition dans son programme. De son côté, Éric Zemmour et son parti Reconquête suit également cette lignée, mais souhaite, lui, l’ouverture de 14 réacteurs nucléaires pour 2050. Toujours à droite, Nicolas Dupont-Aignan est également en faveur de cela, et veut créer une « filière d’excellence nucléaire » comprenant beaucoup d’investissements. Enfin, Jean Lassalle compte lui construire des centrales « nouvelle génération », moins risquées et moins chères tout en développant, dans le même temps, l’énergie maritime et solaire.
À gauche, seul un candidat a affirmé son soutien au développement de cette industrie. Fabien Roussel, leader du parti communiste, veut réduire au maximum l’empreinte carbone. Pour cela, il conserverait donc le nucléaire tout en développant d’autres énergies renouvelables.
L’objectif de tous ces candidats est ainsi de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, mais pas seulement. Le nucléaire leur plait pour produire en grande quantité de l’énergie décarbonnée. Enfin, une autre motivation est aussi de ne pas se baser uniquement sur l’énergie éolienne, hydraulique ou encore solaire, car pour une majorité de ces candidats – mis à part Emmanuel Macron, Jean Lasalle et Fabien Roussel – ces énergies détériorent les paysages.
Du côté des opposants au nucléaire, on retrouve quatre candidats issus de la gauche. Tout d’abord, on retrouve le candidat écologiste Yannick Jadot. Lui souhaite une « sortie responsable » du nucléaire, pour se diriger vers les énergies renouvelables. Il affirme que ce serait mieux pour la transition environnementale, et que cela créerait plus d’emplois. Enfin, cela règlerait le problème des déchets nucléaires, véritable danger pour le candidat. Puis, on retrouve la candidate socialiste : Anne Hidalgo. Elle perçoit cette énergie comme une « transition » et veut se diriger rapidement vers le renouvelable uniquement. Elle s’oppose donc à la construction de nouveaux EPR. Autre candidat contre cette industrie : Jean-Luc Mélenchon, qui espère sortir du nucléaire d’ici 2045. Le principe est trop dangereux pour lui qui préfère à nouveau les énergies renouvelables. Dernier protagoniste en accord avec ces théories : Philippe Poutou, qui est plus pressé et veut en sortir en 10 ans.
La seule candidate dont on ne connait pas réellement l’opinion est Nathalie Artaud de Lutte Ouvrière. En 2012, elle avait simplement déclaré : « faut-il sortir du nucléaire ? Je réponds qu’il faut sortir du capitalisme ».
N.B : que l’on soit en faveur ou non du nucléaire, en réalité, il n’est pas possible de mesurer la quantité de gaz à effet de serre que les EPR produisent. Le processus rejette certes de la vapeur d’eau, qui ne représente pas un gaz nuisible. Cependant, aucune donnée ne rend compte des gaz produits par les infrastructures gigantesques permettant de faire fonctionner l’industrie nucléaire. Ni même concernant les émissions émises par l’extraction de l’uranium (nécessaire pour l’énergie nucléaire), en Afrique notamment puisqu’une grande quantité de cet élément chimique provient du Niger.
Le problème désormais, c’est que l’on connait la position de tous les candidats, mais on ne passe pas à d’autres sujets écologiques majeurs. Les débats se cantonnent à cette énergie, mais le reste des propositions écologiques des candidats passent souvent à la trappe.
Les autres propositions totalement oubliées :
Le 1er février, 1 400 scientifiques avaient déjà alerté sur le fait que la campagne présidentielle ne traite pas assez de l’écologie. Les sociologues Bruno Latour et Nikolaj Schultz ont ainsi essayé de résumer le problème. Ils déclarent que « l’écologie politique réussit l’exploit de paniquer les esprits et de les faire bailler d’ennui ». Mais alors que l’enjeu climatique est plus pressant que jamais, comment se fait-il qu’un tel constat puisse être posé ?
Pour Géraud Guibert, ex-socialiste et co-fondateur de La Fabrique Écologique, cela s’explique par l’orientation des débats écologiques. Interrogé par le quotidien d’information 20 minutes, il assure que toutes les questions ne concernent que le nucléaire et la chasse. Il poursuit en rappelant que les précédentes élections étaient plus tournées vers l’écologie, avec des mesures mieux exprimées et des engagements plus concrets.
Plusieurs propositions annoncées par les experts, notamment sur l’économie :
Ainsi, d’après une majorité d’experts, il faut considérablement étendre les débats écologiques. Il faut mettre en avant bien plus de sujets. La question de l’économie est centrale ainsi.
L’important pour les ONG et associations écologiques est de repenser une économie basée sur d’autres indicateurs que le seul PIB. Il faudrait donc être capable de suivre une donnée écologique internationale, afin de classer les pays et les confronter face à leur bilan. Aussi, il faudrait se diriger vers une économie responsable, qui reconditionne les produits électroniques par exemple. Des candidats de la gauche portent ainsi la proposition phare liant économie et écologie durant cette campagne : l’impôt climatique.
Mais là-encore, les experts critiquent cette mesure. Cela reviendrait pour eux à une alternative à l’impôt sur la fortune, puisque ce sont les plus riches dont l’empreinte carbone est la plus élevée. Cela ne toucherait donc pas toute la société, à une heure ou l’écologie doit être universelle. Ils lancent donc un appel pour que ce sujet se répande à toutes les sphères sociales.
Que faut-il donc espérer pour le reste de la campagne ?
Ainsi, il parait évident que le chantier écologique reste très conséquent. La seule problématique du nucléaire est insuffisante, et ce ne sont pas les sujets de la chasse ou des véhicules hybrides qui résoudront tous les problèmes.
Pour le reste de la campagne, il reste peu de temps, mais il faut espérer que les médias évoqueront d’autres enjeux et surtout, qu’au second tour, le sujet devienne majeur dans le débat de l’entre-deux tours.
Lié à l’actualité, le GIEC a publié le second volet de son 6ème rapport fin février 2022. Cela pourrait donc être un axe intéressant, en confrontant les candidats aux résultats préoccupants qui y sont décrits. Reste à voir si cela sera fait avant le premier tour ou au minimum avant le second.
Réponse dans les semaines à venir.
Pour comprendre et voir les travaux du GIEC (attention, certaines publications sont exclusivement en anglais) : https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/