La position de La France Insoumise sur le Hamas n’est pas restée sans répercussion. Le refus de qualifier de terroriste l’attaque contre Israël le 7 octobre est la goutte qui a fait déborder le vase. Ce vase petit à petit se remplissait, au fur et à mesure que les insoumis comparaient Fabien Roussel à l’abominable Jacques Doriot, justifiaient les émeutes de juillet et défilaient aux cris de « La Police Tue » en compagnie du clan Traoré, soutenaient malgré leurs affaires respectives Sophia Chikirou, Thomas Portes, Adrien Quatennens, Éric Cocquerel ou encore Taha Bouhafs, entre autres prises de position clivantes.
La stratégie du « Tout conflictualiser » théorisée par Jean-Luc Mélenchon, aboutissant, selon lui, à la transformation d’une période prérévolutionnaire en révolution, aura d’abord créé le conflit au sein de sa propre création qu’est l’alliance Nupes, et conduit à sa dislocation.
Une alliance électoraliste
On ne compte plus les joutes verbales entre personnalités supposées être alliées, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure dont les piques l’un pour l’autre fusent sur Twitter. La Nupes ressemble à une juxtaposition de partis et d’individualités ne se supportant pas, et dont les divergences d’opinions étaient claires dès sa fondation.
La Nupes était, dès le départ, une alliance électoraliste. Sans harmonie dans les programmes, dans les orientations politiques et idéologiques des partis de l’union de la gauche, quelle aurait été la réaction d’un gouvernement Nupes aux crises successives que l’on connaît aujourd’hui ? Peut-on sincèrement penser que cette alliance ait eu réellement l’intention d’appliquer un programme pour la France quand existaient tant de désaccords entre ses acteurs?
De fait, la Nupes semble avoir été construite non pas dans le but de gouverner, mais bien, pour chaque parti, d’obtenir le plus de sièges possibles à l’Assemblée nationale.
Dès le 20 juin 2022, les partis composant l’alliance avaient refusé de former un groupe unique Nupes à l’Assemblée nationale. La Nupes n’était déjà plus un tout unifié. De la même manière, les partis se sont déchirés ces derniers mois sur la question d’une liste commune aux élections européennes de 2024, plébiscitée par Jean-Luc Mélenchon entre autres.
« La Nupes […] est devenue une impasse »
Le premier parti à se détacher de la Nupes est le Parti Communiste Français qui déclare, dans une résolution adoptée à près de 93% des voix par le conseil national du parti le 15 octobre, que « La Nupes, telle qu’elle a été constituée pour les élections législatives sous la volonté hégémonique de LFI, est devenue une impasse ».
Le PCF dénonce, entre autres, les insultes envers Fabien Roussel, le secrétaire national du parti, qualifié de Doriot, qui fut l’un des plus abjects collaborateurs nazis, et le refus de qualifier le Hamas de groupe terroriste. Le PCF ne déclare pas sa sortie de l’alliance, mais marque néanmoins une rupture avec la Nupes telle quelle.
C’est ensuite au tour du Parti Socialiste de s’écarter de la Nupes. Le 17 octobre, le conseil national du parti vote à un peu plus de 54% des voix un « moratoire » sur sa participation à l’alliance des partis de la gauche. Dans sa résolution, le Parti Socialiste pointe du doigt qu’« Il y a 18 mois, Jean-Luc Mélenchon avait réussi à rassembler la gauche, aujourd’hui il est devenu un obstacle à l’union » puisque « l’expression de Jean-Luc Mélenchon entrave toute parole commune » et dénonce « cette stratégie de la conflictualisation permanente qui interdit tout élargissement ».
Depuis, les députés socialistes ont suspendu leur participation à l’intergroupe Nupes, qui réunissait chaque semaine les députés de l’union.
Le rejet d’une union soumise à Jean-Luc Mélenchon
La dislocation de la Nupes ressemble moins à un rejet de l’union de la gauche par les partis qu’à un rejet de l’hégémonie qu’exerce La France Insoumise, et en particulier Jean-Luc Mélenchon sur celle-ci. Les prises de position parfois extravagantes du chef de file des insoumis rejaillissent sur les partenaires de la Nupes, provoquant parfois l’ire de ces derniers.
Jean-Luc Mélenchon est pointé du doigt comme étant le principal responsable de la crise de la gauche. Au sein même de La France Insoumise, des voix dissidentes se font entendre depuis quelque temps. Le député François Ruffin adopte une position différente de celle de son parti concernant le Hamas, n’ayant pas eu la main qui tremble lorsqu’il fallut qualifier le groupe de terroriste.
Les propos de Danièle Obono, soutenue par la direction du parti, sur le Hamas, ont révélé les fractures existantes si l’on se réfère à la réaction d’Alexis Corbière sur Twitter « Le Hamas n’est PAS un mouvement de résistance… », propos partagé par François Ruffin.
Dans une interview pour Libération, Raquel Garrido estimait quant à elle que Jean-Luc Mélenchon « n’a fait que nuire depuis dix mois »
Vers une nouvelle union de la gauche ?
Cet épisode pourrait paradoxalement signer un renouveau pour l’union de la gauche. Dans sa résolution, le PCF appelle de ses vœux un nouveau type d’union « Ensemble, ouvrons une nouvelle page du rassemblement de la gauche et des écologistes ! ». S’éloigner de la Nupes sans jamais rompre avec l’union, le Parti Socialiste assure rester « plus que jamais convaincu de la nécessité du rassemblement de la gauche et des écologistes » et donc qu’« Il convient de construire un nouveau cadre de travail ».
Cette union devrait sûrement, cette fois, se baser sur des critères plus idéologiques qu’électoralistes. Les discussions entre les partis de gauche devront en définir les traits, la forme, le caractère, et surtout le fond. Il faudra statuer sur le sort de la Nupes. Cette nouvelle alliance pourrait-elle se former tout en maintenant le cadre de la Nupes ? Devra-t-elle nécessairement se faire hors de la Nupes ?
Il sera aussi question de la présence ou non de La France Insoumise au sein de ce nouveau type d’alliance. La question se pose car, malgré les divergences exprimées et l’appel de certains à cesser tout type de relation avec LFI, il paraît peu réalisable pour une alliance de la gauche de se former sans le principal parti de gauche.
Si toutes ces questions restent à régler, l’ambition d’une nouvelle union de la gauche d’un genre inédit, plus juste, moins polémique, fait renaître l’espoir d’un rétablissement de la gauche pour les prochaines échéances.