DeBÍ TiRAR MáS FOToS : un album engagé qui met Porto Rico à l’honneur

L’artiste portoricain Bad Bunny a dévoilé, le 5 janvier dernier, son 7ème album « DeBÍ TiRAR MáS FOToS ». Un album qui met à l'honneur la musique et la culture portoricaines mais qui est aussi plus engagé qu'il n'y paraît...

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S’il y a bien un artiste qui n’a jamais renié sa terre natale, c’est bien lui. Bad Bunny est devenu en quelques années seulement un des chanteurs les plus écoutés dans le monde. Il s’est d’abord fait connaître avec son morceau Soy Peor sorti en 2016. Puis, depuis 2022 et la sortie de son album Un Verano sin Ti, le chanteur portoricain est devenu un des artistes latino les plus célèbres. De nombreuses stars interplanétaires, comme The Weeknd, Drake ou encore Travis Scott ont ensuite collaboré avec lui. Il a rempli les plus grandes salles de concerts du monde et a performé dans les plus célèbres festivals, comme Coachella. D’ailleurs, en 2020, il devient l’artiste non-anglophone le plus écouté sur les plateformes de streaming musical. Un Verano sin Ti est un des albums les plus écoutés sur Spotify et est même nommé aux Grammy Awards !  

Hors de question de chanter en anglais pour Bad Bunny !

Mais le succès n’empêche pas les critiques. Certains de ses détracteurs lui reprochent notamment d’écrire des paroles incompréhensibles. En effet, Bad Bunny, de son vrai nom, Benito Antonio Martinez Ocasio, est né à Porto Rico et a grandi sur son île natale. Pour lui, hors de question de chanter en anglais ! Tout au long de sa carrière, l’artiste portoricain n’a écrit que des paroles qui mélangent l’espagnol et l’argot portoricain.

Alors, à ces critiques, Bad Bunny répond tout simplement « Je m’en fous ! ». A nos confrères du New York Times, il confiera cependant que « Il y a beaucoup de Latinos qui ne comprennent pas mes paroles car je chante en argot portoricain. Après Un Verano Sin Ti, (…) je suis arrivé avec un album totalement différent – Nadie Sabe Lo Que Va a Pasar Mañana – avec beaucoup de phrases et d’analogies portoricaines et je suis 100 % convaincu que les gens ont manqué la partie la plus importante de l’album”.

Un album qui met à l’honneur Porto Rico  

On l’aura donc compris, Porto Rico est une île à laquelle Bad Bunny est très attaché. Justement, pour lui rendre hommage mais aussi pour la mettre en valeur, l’artiste a choisi d’en faire l’élément central de son 7ème album. Intitulé « DeBÍ TiRAR MáS FOToS », il a été dévoilé le dimanche 5 janvier. Une date choisie au hasard ? Pas vraiment car cet album est dévoilé la veille d’El Día de los Reyes Magos (la fête de l’Epiphanie) qui est très populaire à Porto Rico. Alors comment Bad Bunny a-t-il réussi à mettre en valeur son île et la culture portoricaine ?

Un album enregistré sur l’île avec des artistes locaux

Tout d’abord, l’artiste, s’est fait connaître avec sa musique mélangeant plusieurs styles musicaux (trap, hip-hop, salsa ou encore reggaeton) et cet album ne déroge pas à la règle. En effet, Bad Bunny a choisi d’introduire, dans ce nouveau projet, de la plana. Il s’agit d’un style de musique typiquement portoricaine.

L’artiste mondialement connu a également décidé de collaborer avec des chanteurs et musiciens locaux. Ainsi, il a proposé à Los Pleneros de la Cresta, Omar Courtz ou bien la chanteuse Chuwi de participer. Ce projet a d’ailleurs été enregistré directement à Porto Rico ! Mais alors, pourquoi dédier un album entier à son île natale. Bad Bunny l’explique très clairement dans les colonnes du New York Times « Je suis portoricain, je suis caribéen, et ma musique, ma culture, mon histoire et celle de ma terre coulent dans mon sang, du plena au reggaeton. Au plus haut moment de ma carrière et de ma plus grande popularité, je veux montrer au monde qui je suis, qui est Benito Antonio, qui est Porto Rico ».

Un album engagé

Mais ne vous méprenez pas ! Si les dix-sept titres de cet album vont vous donner envie de danser toute la nuit, c’est aussi un album engagé. En effet, Porto Rico a été annexée par les Etats-Unis en 1898. Pourtant, ses habitants ne jouissent pas de certains droits fondamentaux, comme celui de voter aux élections américaines et ce, même si les portoricains sont considérés comme des citoyens américains ! Nombreux sont d’ailleurs ceux qui ont critiqué les Etats-Unis sur ce point, reprochant au plus riche pays du monde de mener une politique néocoloniale à Porto Rico.

Porto Rico ne doit pas perdre sa culture et son identité malgré son annexion par les Etats-Unis

C’est d’ailleurs ce que semble également critiquer Bad Bunny. En effet, dans une vidéo de 12 minutes publiée sur Youtube et accompagnant la sortie de ce nouvel album, on y voit un vieil homme qui se remémore sa jeunesse. On comprend, en visionnant ce court-métrage réalisé par Bad Bunny lui-même, que le personnage principal est nostalgique du « Porto Rico d’autrefois », celui qui ne subissait pas l’américanisation de son île. D’ailleurs, cette courte vidéo nous aide à comprendre le sens du titre de l’album. « Debi tirar más foto » signifie en effet, en espagnol, « j’aurai dû prendre plus de photos ». C’est sans doute ce que se dit le vieil homme dont les souvenirs s’effacent avec le temps et qui regrette de ne pas avoir pris, dans le passé, davantage de photos de Porto Rico.

Le critique de l’américanisation de Porto Rico

Mais le manifeste ne s’arrête pas là ! Dans une des chansons de l’album, intitulée « LO QUE LE PASÓ A HAWAii », l’artiste critique la gentrification et l’américanisation de son île en la comparant avec Hawaï. En effet, ce territoire est, comme Porto Rico, annexé par les Etats-Unis mais « perd » ses spécificités locales à cause de l’américanisation de l’île.

Ainsi, Bad Bunny écrit « Je ne veux pas qu’ils te fassent ce qui est arrivé à Hawaï / Non, ne lâche pas le drapeau et n’oublie pas ta langue / Je ne veux pas qu’ils te fassent ce qu’ils ont fait à Hawaï ». De plus, l’artiste portoricain a contacté des historiens afin que, sous chaque morceau publié sur Youtube, il y ait un texte expliquant l’histoire de son île natale. On en apprend donc plus sur la première colonisation de Porto Rico, la répression sur l’île dans les années 60 et 80 ou encore la crise politique que subit le pays depuis 2006.

Un album favorablement accueilli

Si cet album est un vibrant hommage à son île natale, Bad Bunny en a également fait un manifesto en faveur de Porto Rico. Malgré la gentrification et l’américanisation qu’elle subit, Porto Rico doit conserver son identité, sa culture ! Cet album est également un pied de nez au président Trump nouvellement élu. Souvenez-vous, en décembre dernier, durant un meeting pro-Trump se déroulant en Floride, un des chauffeurs de salle avait dit « Il y a littéralement une île flottante d’ordures en plein milieu de l’océan en ce moment. Je crois qu’on l’appelle… Porto Rico ?« .

Il semble donc que « DeBÍ TiRAR MáS FOToS » soit une réponse intelligence à cette blague douteuse. Une des raisons pour lesquelles sans doute, cet album a été plébiscité par la critique. Le magazine Rolling Stones lui a déjà attribué la note de 5 étoiles, la plus haute qu’il peut donner à un projet artistique. Dans les colonnes du journal Le Monde, on peut même y lire que cet album est « la meilleure réponse des Portoricains aux outrances de Trump ». Il semble donc que ce 7ème album, bien différent des précédents, soit (encore) synonyme de succès pour Bad Bunny.  

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