Des origines américaines
Tout commence aux Etats-Unis où Jim Lowe, un compositeur et chanteur des années 50, présente une nouvelle émission. Celle-ci s’intitule Sing Alone et est diffusée sur la chaîne de télévision CBS. Le principe est simple : le public interprète, en même temps que le présentateur, une chanson dont les paroles s’affichent à l’écran.
Pour suivre les paroles, on a utilisé la bouncing ball (la balle rebondissante, en français). Il s’agit en réalité d’une balle animée qui rebondit sur les paroles lorsqu’il faut les chanter. Elle permet donc au public de ne pas se « perdre » dans la chanson et de connaître exactement le moment où il faut commencer à chanter. Inventée dans les années 1920, elle est rapidement utilisée dans les publicités ou les films utilisant de la musique. Par exemple, Batty Boop a été une des premières artistes à chanter avec la bouncing ball.
Dans les années 60 sera également éditée une collection de disques un petit peu… particuliers. Il s’agit de disques « de playback » où, pour chaque chanson, la voix de l’interprète a été supprimée. Ainsi, la personne qui écoute ce disque peut elle-même chanter les paroles sans être gênée par la voix de l’artiste qui l’interprète initialement. Une sorte de karaoké à la maison finalement.
Un concept japonais
Si les « ancêtres » du karaoké sont apparus aux Etats-Unis, le karaoké tel qu’on le connaît aujourd’hui s’est surtout développé au Japon. D’ailleurs, le mot karaoké est issu de la contraction du nom « karappo » et du mot « okesutora». En japonais, « karappo » signifie « vide » et « okesutora » se traduit par « orchestre ». Autrement dit, celui qui fait du karaoké chante une chanson sans parole, comme un orchestre qui ne serait pas accompagné d’un chanteur. Un vendeur de disques japonais, Kisaburō Takagi, constate que la plupart des gens chantent les musiques diffusées sur les juke-boxes des années 60. Il se dit alors qu’il faudrait inventer une machine diffusant des chansons sans la voix de l’interprète afin de permettre aux gens de chanter eux-mêmes les paroles. Kisaburō Takagi fabrique donc la machine qu’il a imaginée en assemblant un magnétophone et un microphone. En 1962, il dépose la marque Karaoké.
Seulement, le succès n’est pas immédiat et le karaoké n’est pas encore le loisir populaire que l’on connaît aujourd’hui. Au début des années 70, un musicien nommé Daisuke Inoue perfectionne la machine à karaoké. L’invention n’étant pas brevetée, c’est la société japonaise Clairon qui en reprendra l’idée et en fabriquera à grande échelle. Cela lui permettra de devenir un des leaders de la commercialisation des machines à karaoké. D’ailleurs, saviez-vous que Daisuke Inoue a reçu en 2004 le prix IG Nobel de la paix pour avoir mis au point la machine à karaoké ?
Un loisir très populaire en Asie
Le karaoké est devenu, au fil du temps, un loisir très populaire en Asie. Aujourd’hui, il fait même partie de la culture asiatique. Pour preuve, un jeune hongkongais sur trois se rend au karaoké au moins une fois par mois ! En Chine, il est courant d’aller faire un karaoké avant de conclure un contrat d’affaire et aux Philippines, on loue souvent une machine à karaoké pour les baptêmes ou les mariages. Le karaoké s’est également popularisé en Corée du Sud, où il est appelé « Noraebang ». Le phénomène est tel qu’en Corée, il y aurait environ 30 000 établissements qui proposent de faire du karaoké !
Une activité pratiquée par de nombreux Français
Le karaoké arrive en France au début des années 90. Il est alors popularisé par des émissions diffusées à la télévision telles que La machine à chanter présentée par Daniela Lumbroso. Petit à petit, il s’est fait une place dans la culture française : aujourd’hui, de nombreux bars ou restaurants proposent des soirées-karaokés. Il a également gagné en popularité grâce aux jeux vidéo et aux applications téléchargeables sur les smartphones. L’application Sing Star a, par exemple, permis à des millions de personnes à travers le monde de faire du karaoké depuis leur canapé. Pour l’anecdote, parmi les titres les plus choisis au karaoké par les français, on trouve notamment Indochine et son titre L’Aventurier, Mylène Farmer avec Désenchantée ou encore Pour que tu m’aimes encore interprété par Céline Dion.
On ne pratique pas le karaoké de la même façon en Asie qu’en Occident
Le karaoké est donc un loisir populaire qui se pratique aux quatre coins du globe. Pour autant, ce serait faux de croire que la pratique du karaoké est uniforme. En effet, dans les pays asiatiques et notamment le Japon et la Corée du Sud, il se pratique dans des établissements spécialisés proposant de privatiser une pièce pendant plusieurs heures. On appelle cela des karaoké box et elles sont apparus au début des années 80. Il est également possible de commander à boire et à manger et on peut même faire appel à un animateur de karaoké nommé le KJ.
Dans les pays occidentaux, le karaoké se pratique davantage dans des espaces ouverts, comme des bars et restaurants ou directement chez soi. En effet, il existe de nombreux logiciels qui permettent de transformer son ordinateur en machine à karaoké. Depuis les années 2010, des entreprises proposent, comme en Corée du Sud, de privatiser des karaoké box. Si de plus en plus de Français se laissent tenter par les karaoké box, ce n’est pas encore une pratique qui est entrée dans la culture française. En effet, de nombreux Français préfèrent encore faire du karaoké chez eux ou dans des espaces ouverts et non-privatisables.
Une activité peu chère et facilement accessible
Mais alors, comment expliquer le succès du karaoké ? Si le karaoké est très populaire c’est avant tout parce qu’il permet à n’importe qui, qu’importe son âge, sa position sociale ou ses revenus, de s’amuser à chanter des chansons. En effet, louer une karaoké box n’est pas très onéreux et les applications pour faire du karaoké depuis son canapé sont souvent gratuites. Il est aussi possible de trouver des vidéos en libre accès sur des plateformes telles que YouTube ! On peut donc pratiquer le karaoké n’importe où pour un prix très bas voire gratuitement ! C’est également un loisir qui est rentable pour les professionnels du secteur puisqu’ils ne sont pas obligés de verser des redevances aux compositeurs et aux interprètes des morceaux choisis. En effet, ce sont rarement les mélodies originales qui sont utilisées mais plutôt un accompagnement musical qui reproduit les principaux accords de la musique choisie.
Le karaoké ne cesse de se réinventer !
Si elle existe depuis une cinquantaine d’années, la pratique du karaoké ne cesse de se réinventer. Ainsi, en 2017, Mamma Mia! est le premier film à être projeté selon le concept inventé au Royaume-Uni du Sing-Alone. Autrement dit, la comédie musicale a été projetée en version karaoké, ce qui a permis au public de chanter les morceaux tout en regardant le film. Le karaoké n’a donc pas fini de nous divertir !