50 jours 19 heures 7 minutes et 42 secondes. C’est le temps qu’il aura fallu à Charles Caudrelier pour venir à bout des 40 000 km du parcours de l’Arkea Ultim Challenge. Partis de Brest (Finistère) le 7 janvier dernier, les six skippers engagés sur ce tour du monde faisaient office de pionniers. En effet, pour cette édition inaugurale, les skippers étaient les premiers à s’élancer sur un tour du monde en course, en Ultim et en solitaire. La difficulté du défi est malencontreusement bien illustrée par l’abandon de Tom Laperche, son trimaran SVR Lazartigue étant trop endommagé pour continuer.
L’abandon d’un de ses principaux rivaux, combiné à une exploitation optimale des fenêtres météo ont permis à Charles Caudrelier, aidé par son équipe à terre, de prendre rapidement la tête de la course, dès le 17 janvier. L’écart creusé, il ne restait plus au skipper du Maxi Edmond de Rothschild qu’à temporiser jusqu’à l’arrivée. Une fois la ligne franchie, Charles Caudrelier intègre un cercle très fermé en devenant le huitième marin à réaliser un tour du monde en solitaire à bord d’un multicoque: un exploit. À titre de comparaison, douze hommes ont marché sur la Lune. Après le Cap de Bonne-Espérance, le Cap Leeuwin et le Cap Horn, c’est le cap des 50 ans que le navigateur a franchi la veille de son retour à Brest, après 50 jours de mer. Un symbole.
Un public brestois au rendez-vous
Il est 8h30 passé lorsque Charles Caudrelier franchit la ligne en vainqueur de cette première édition de l’Utlim Challenge. Le ciel est teinté d’orange par le lever du soleil. Le marin sort de son cockpit pour saluer l’hélicoptère venu à sa rencontre. Une heure plus tard, ce sont les premiers semi-rigides de l’équipe Gitana qui rejoignent son “géant des mers”, puis les premiers bateaux de plaisance. L’ensemble forme une horde intimidante, dont l’hymne pourrait bien être la chevauchée des Walkyries de Richard Wagner. Pour le marin en autarcie depuis 50 jours, (ou presque puisqu’il avait fait une escale aux Açores la semaine précédente, pour éviter une tempête) ce n’est que le début d’une longue journée de célébrations, de sourires, d’interview et de bains de foule. Lorsqu’il arrive enfin dans le goulet du port, fumigène à la main, les spectateurs l’applaudissent et acclament : “Bravo Charles !”. Avant même d’arriver au ponton, le skipper reçoit un appel de la ministre des Sports qui tient à le féliciter pour “cet exploit sur ce petit, ou plutôt grand bijou de technologies”. Les Fouesnantais déclarent aux premiers micro : “Cette course, j’en ai rêvé ! J’étais venu chercher une aventure, c’est ce que j’ai trouvé.” À l’approche du ponton, “Don’t stop me now” résonne à travers le village d’arrivée. La célèbre musique de Queen a été choisie par Charles Caudrelier lui-même pour célébrer son arrivée. Lorsqu’il brandit le lourd trophée et le montre à la foule, c’est cette fois “Still D.R.E.” de Dr.Dre qui fait office de fond sonore.
Si le skipper est toujours sollicité après l’arrivée, son bateau, lui, peut souffler. Carénage cassé, foils* abîmés, accastillage* rouillé, le Gitana 17 a bien souffert. À la manière de la Ferrari 499P à la fin des 24H du Mans, il est usé, taché, mais victorieux. Le père du nouveau “roi des mers” fait aussi le parallèle avec le sport automobile, à propos de cette victoire collective : “C’est comme en Formule 1 : s’il n’y avait pas l’équipe, ça ne le ferait pas.”
Les trois participants encore en lice sont attendus à Brest entre le 3 et le 14 mars. L’organisateur de la course, OC Sport Pen Duick, prépare d’ores et déjà une deuxième édition pour 2027/2028 et espère une flotte plus fournie : “huit Ultimes serait le nombre idéal.”
*“En terme de marine, foil désigne une surface portante immergée […] dont le rôle est de soulever partiellement ou totalement la coque hors de l’eau pour réduire sa traînée hydrodynamique et gagner en vitesse”
*Ensemble des accessoires de pont (manilles, poulies, taquets, winchs, etc.)