« Il y a d’abord une raison organisationnelle. Les deux partis qui existent ont la main mise sur les financements. Ils ont accès aux financeurs. Ils sont donc les seuls à avoir les moyens logistiques suffisants pour être présents et depuis longtemps dans l’ensemble des Etats qui constituent les Etats-Unis. Et deuxième élément explicatif qui me paraît aussi important, c’est que les Américains sont, et de plus en plus depuis plusieurs décennies, très attachés à leur identité partisane comme Républicain ou comme Démocrate. Et donc, face à ces deux facteurs, quand vous êtes quelqu’un qui ne se sent pas représenté par les Républicains ou bien les Démocrates, vous êtes dans une situation très difficile », explique François Vergniolle De Chantal, professeur de civilisation américaine à l’Université Paris Cité.
Il est donc plutôt logique que vous ne les connaissiez pas. Je vais vous aider à en savoir un peu plus sur ses personnages de l’ombre.
Une 3ème participation !
Parmi ces outsiders peu mis en avant, on retrouve notamment Jill Stein, candidate du Green Party. Elle se présente pour la troisième fois à la présidentielle américaine et pourtant, son nom est toujours aussi peu médiatisé. En 2012 et 2016, cette médecin de formation et militante de longue date n’est pas un novice en politique. La lutte contre le changement climatique, ou encore une politique étrangère plus pacifique, l’instauration d’un système de santé universel, telles sont les idées défendues par Jill Stein. Avec des thèmes très progressistes, elle a pour objectif de séduire les électeurs de gauche fatigués par l’option traditionnelle. Sans réussite pour le moment, puisqu’elle n’a jamais réussi à dépasser les 1 % au niveau national.
Une lueur d’espoir ?
Mais attention, ces élections pourraient bien la voir prendre son envol. Elle ne sera pas présidente, cela ne fait pas de doute. En revanche, Jill Stein à toutes les cartes en main pour réaliser une belle percée. Le parti démocrate est plus divisé que jamais, notamment sur la question de politique américaine au Proche-Orient. La candidate du Green Party est dithyrambique, elle souhaite l’arrêt immédiat de l’aide militaire à Israël tant que ce dernier ne respectera pas les droits humains des Palestiniens. Même si la majorité des Étasuniens ne sont pas de cet avis même du côté des Démocrates, elle récupère un nouvel électorat. Si elle arrive à orienter le débat national sur des sujets comme Gaza, l’équité sociale ou le climat, elle aura son mot à dire. Elle ne gagnera pas mais, pourrait tout de même en grattant quelques électeurs dans certains États, déstabiliser le bipartisme Républicain-Démocrate.
François Vergniolle De Chantal nous rappelle qu' »en 2000, avec l’affrontement entre George W.Bush et Al Gore, c’est la candidature des écologistes, avec Ralph Nader, qui a fait perdre la présidentielle à Al Gore puisque les quelques voix que Ralph Nader a grappillées en Floride ont été suffisantes pour faire basculer l’État en faveur de George Bush ». Il faut donc se méfier de l’impact que peut avoir Jill Stein dans ses élections. Il est en tout cas fort probable que le Green Party réalise un score plus élevé qu’auparavant. Passons maintenant à un autre candidat de l’ombre, Cornel West.
Les Fans de Matrix, levez la main !
Ce dernier est encore moi connu chez nous en France hormis pour quelques privilégiés au goût cinématographique bien senti. Effectivement, Cornel West a eu le droit à quelques apparitions dans le film culte Matrix en tant que « Conseiller West« . Je vous rassure, il y a tout de même un rapport à la politique à un moment donné. Né d’un père pasteur et d’une mère enseignante, il suit très vite la voie de son père. Et il est un protestant en herbe, pas de manière religieuse, il préfère protester, manifester pour l’égalité des droits civiques. Son idole : Martin Luther King. Il deviendra plus tard philosophe et universitaire. Il est notamment passé par Harvard et Princeton, il a ensuite enseigné dans plusieurs universités de la prestigieuse Ivy League.
Les Démocrates le haïssent
Sur l’échiquier politique, il se place logiquement à gauche, mais sa candidature inquiète les Démocrates. Le parti de Kamala Harris a peur que la présence de Cornel West leur fasse perdre des voix cruciales pour battre Trump. Ce dernier a beaucoup tergiversé, il a d’abord voulu se présenter avec l’étiquette du People’s Party avant de bifurquer chez les Verts et enfin de se présenter en tant qu’Indépendant. Bref, rien de très construit, il considère lui-même sa participation comme « une impro de jazz » (propos tenu dans le New York Times). Il a de nombreux points communs avec Jill Stein. Il dénonce notamment un génocide en Palestine. En revanche, il soutient activement la nationalisation de l’industrie des combustibles fossiles. Un sujet un peu moins en vogue au Green Party.
Dernière petite particularité, il a choisi comme colistière une membre de Black Lives Matter. Un combat lui tenant à cœur. En résumé, Cornel West est un sacré personnage, son pourcentage sera sûrement moindre, mais les Démocrates ne sont pas prêts de l’oublier. Il nous reste maintenant un dernier candidat à présenter, Chase Oliver.
La liberté n’a pas de limites (ou pas )
À tout juste 39 ans, il est le plus jeune candidat de cette élection présidentielle. Il se présente sous l’étiquette des Libertariens, un parti minoritaire bien ancré aux USA. Chase Oliver s’est notamment fait remarquer pour avoir lutté activement contre la guerre en Irak. Pour ce qui est de ces idées, celles-ci sont assez hétéroclites: il est certes pro-arme comme tout libertarien qui se respecte mais sa vision de la liberté ne s’arrête pas là. Il est aussi pro-avortement, pro-LGBT, pour la légalisation du cannabis, ou encore pour l’abolition de la peine de mort.
Un portrait pas comme les autres
Lorsque les journalistes américains lui ont demandé de se présenter, voilà ce qu’il a répondu, « armé et gay ». Un sacré personnage. De plus, son nom est arrivé au premier plan il y a peu. Il a travaillé pendant des années en tant que RH avant de se lancer en politique en 2022 lors des élections sénatoriales de 2022 en Géorgie. Avec 80 000 voix, il avait poussé les Républicains et les Démocrates à un second tour sous haute tension entre les deux rivaux historiques. Pour finir le portrait de ce personnage intrigant, une de ses positions semble contradictoire. Effectivement, en plus d’être pro-arme, il est anti-guerre et veut retirer toutes les troupes américaines engagées. Dommage que ce soit avec les armes que l’on fasse la guerre. Bien essayé quand même.
Les partis minoritaires pourraient donc avoir leur rôle à jouer même si celui-ci reste minime. Les voir arriver au premier plan semble très complexe mais pas impossible. « Les citoyens américains ont intégré les labels partisans Républicains et Démocrates et se positionnent par rapport à ces deux entités C’est à peu près tout, ils ne vont pas chercher plus loin. En fait, pour qu’un tiers parti puisse percer suffisamment, il faut que la situation politico-sociale soit absolument gravissime et qu’il y ait vraiment une recomposition de l’ensemble du champ politique. Et ça, ça n’arrive pas tous les quatre matins« , explique François Vergniolle De Chantal. Malgré tout, connaître leurs existences est tout de même intéressant. Maintenant, vous le savez, Kamala Harris et Donald Trump ne sont pas les deux seuls candidats de ces élections américaines. Rendez-vous le 5 novembre pour les résultats !