Duel Bardella-Hayer
A l’évidence, le Rassemblement National a beaucoup à gagner avec ces élections européennes. Lui, qui a toujours joué un rôle important dans ces dernières, avoisinant les 10% des voix entre 1984 et 2004. Mais, c’est véritablement depuis 10 ans que le parti décolle, avec respectivement 24% et 23% pour les élections européennes de 2014 et de 2019. En parallèle de leurs scores toujours plus croissants aux élections nationales (17, 21 et 23% pour les élections présidentielles de 2012, 2017 et 2022, avec 89 députés obtenus lors des législatives de cette même année).
Le Rassemblement National et sa “stratégie tricolore” voit en ces élections un “référendum sur l’immigration”, face au “fanatisme de Bruxelles”. De lourdes critiques émises à l’encontre de l’Union Européenne, dont la macronie en serait le porte-voix. Mais des critiques qui n’annoncent aucun changement permettant de les résoudre. Jordan Bardella a en effet rappelé que l’idée du parti n’était aucunement de quitter l’UE, mais plus simplement de “réécrire les traités”. Ainsi, il n’en est aujourd’hui plus rien des volontés de référendum sur le Frexit ou encore de suppression de la Commission européenne, à l’image des volontés du parti d’il y a quelques années.
Le Rassemblement National a désormais opté pour un plan “vert, orange, rouge”. Le vert représentant “les coopérations actuellement engagées et que nous soutiendrons” a affirmé Jordan Bardella, en citant notamment Erasmus, “la mutualisation des moyens matériels de la protection civile” ou encore “les coopérations industrielles, économiques, scientifiques sur les grands projets d’avenir”. Le feu orange, lui, est censé regrouper les “conditions nouvelles et particulières” que souhaite mettre en place le RN. A l’image de l’espace Schengen, que le parti souhaite “exclusivement réservé” aux ressortissants européens. Ou encore le marché unique qui doit être rediscuté, en arguant de la préférence nationale pour les entreprises.
Enfin, la ligne rouge concentre les sujets épineux tels que l’immigration, la souveraineté énergétique, la diplomatie ou encore la défense.
Ainsi, ces objectifs ont pour but, à terme, de définir les bases du nouveau traité de “l’Alliance européenne des nations”. Il sera le fer de lance du parti à la flamme durant ce prochain mandat européen.
Le Rassemblement National est aujourd’hui installé confortablement à Strasbourg. Sans surprise, il devrait confirmer ses excellents résultats de 2019, et même les accroître. En effet, le parti de Jordan Bardella survole les sondages, occupant la première place avec pas moins de 29% des intentions de vote présumées. Loin devant son principal adversaire, Ensemble, dont la tête de liste Valérie Hayer aura fort à faire pour réduire la distance qui les sépare (environ 18% d’intentions de vote pour la majorité).
Craintes de la majorité
L’opposition est frontale entre ces 2 groupes, dont l’un a beaucoup à gagner, et l’autre beaucoup à perdre avec ces élections européennes. La liste Ensemble, présentée par la majorité présidentielle, doit recomposer avec un électorat réduit (22% des voix en 2019, contre 18% d’intentions de vote en 2024). Et réussir à redynamiser un mouvement à bout de souffle, dont les nombreuses manifestations, notamment paysanne récemment, ainsi que le choix jugé “par défaut” de Valérie Hayer confirment les difficultés de la majorité.
La tête de liste ne s’inquiète pas de ce retard, en rappelant au micro de Sonia Mabrouk dans la Grande interview du 19 mars que la campagne ne faisait que commencer.
L’enjeu est crucial pour Renaissance, qui voit ces élections comme les plus importantes de l’histoire de l’Europe, en raison de la guerre qui, selon eux, menace notre pays. Un conseiller d’Emmanuel Macron estime ces élections européennes “essentielles”, puisqu’elles “détermineront la couleur de la fin du quinquennat”. Ainsi, celles-ci ne se résument pas simplement à l’élection d’eurodéputés, mais bien à représenter l’avenir du bloc macroniste.
L’échec de ces élections pourrait bien marquer la “dislocation de ce bloc” selon le conseiller.
Un choix de la majorité jugé “impopulaire”
Le choix de Renaissance de présenter Valérie Hayer n’a pas séduit tout le monde. Investie officiellement comme tête de liste le 29 février dernier, celle qui se présente comme “petite-fille d’agriculteurs” n’était vraisemblablement pas la candidate naturelle de son camp, malgré son expérience de députée européenne depuis 2019. D’autres plus populaires tels que le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, Richard Ferrand, Jean-Yves le Drian ou encore Julien Denormandie n’ont pas voulu s’essayer à l’expérience.
Bis repetita pour le parti, qui avait également propulsé Nathalie Loiseau tête de liste en 2019, ce qui n’avait pas plus à tous ses membres.
Ainsi, la dualité européenne LREM-RN de 2019 n’a fait que se durcir depuis. Et devrait logiquement se prolonger pour le mois de juin. L’un brandissant la menace russe et la nécessaire défense de la paix européenne en principal argument. Et l’autre présentant l’immigration comme sujet prépondérant dont ces élections seraient le seul rempart. Le professeur Jean-Yves Dormagen affirme que “c’est l’intérêt des 2” d’alimenter cette confrontation, en éclipsant les autres partis embarqués dans cette course européenne.
Enfin, le maire de Pau, François Bayrou, craint que faire du Rassemblement National le “seul sujet de la campagne” leur offre finalement le “cadeau” de les laisser au devant de la scène médiatique.