En octobre dernier, le WWF a publié un nouveau rapport sur la biodiversité. Dressant un constat désastreux, il expose le concept des points de bascule, une notion véritablement essentielle pour tenter de trouver des solutions pour sauver notre planète.
WWF donne le ton de la COP29 sur la biodiversité, qui s’est ouverte le 11 novembre dernier à Bakou. Dans son dernier « Rapport planète vivante », le Fond Mondial pour la Nature dresse un bilan alarmiste sur la situation de la biodiversité dans le monde. Les chiffres et les directives sont clairs. Il faut agir dès que possible si l’on veut éviter l’effondrement de l’ensemble des écosystèmes. Une donnée est particulièrement mise en avant: les populations de faune sauvage ont déclinées de 73% en moyenne en 50 ans, contre 68 % en 2022. Un déclin inégal qui touche en priorité les populations d’eaux douces suivies des vertébrés terrestres et marins.
À travers ce nouveau rapport, le WWF cherche à montrer que ce déclin est un phénomène mondial, personne ne pourra y échapper. Certaines zones comme l’Amérique Latine, l’Afrique et l’Asie Pacifique sont très durement touchées et en subissent déjà les effets. Pour WWF, l’analyse est simple, les activités humaines sont directement responsables de l’effondrement de la biodiversité et notre espèce s’en trouve nettement menacée. « Les causes, c’est notre alimentation, la mondialisation, l’industrialisation générale », explique Yann Laurans, directeur des programmes de WWF France. La situation n’a jamais été aussi grave, mais elle pourrait encore empirer si rien n’est fait.
L’importance des points de bascule
Au sein de leur analyse, le Fond Mondial pour la Nature instaure une notion encore peu connue du grand public: les points de bascule. Ce terme désigne le moment où un écosystème est poussé à sa limite et menace de se transformer radicalement en un écosystème totalement différent. L’exemple le plus parlant cité dans le rapport est la possibilité que la forêt amazonienne, le poumon de la Terre, se transforme en savane africaine si son point de bascule est dépassé. À l’heure actuelle, 14 à 17% de la forêt ont déjà été détruits. Le point de bascule se situerait autour de seulement 20 à 25% de déforestation. Les scientifiques estiment que ce seuil pourrait être atteint dans une décennie si les conditions d’exploitation ne changent pas d’ici là. Des changements qui pourraient entraîner des répercussions sur l’ensemble de la planète et pas seulement au niveau local.
Des prédictions aux allures de films de science-fiction, mais qui pourraient devenir réelles dans quelques années. Plus de 25 systèmes susceptibles d’atteindre leurs points de bascule ont été identifiés sur l’ensemble du globe. Allant de la calotte glaciaire de l’Antarctique aux courants marins dans l’Atlantique en passant par les récifs coralliens, ils concernent tous types d’habitats naturels. Certains écosystèmes européens sont même concernés avec la fonte du pergélisol ou permafrost dans les pays de l’est. Ces sols perpétuellement gelés renferment une importante quantité de dioxyde de carbone et de méthane qui pourrait se retrouver libérée dans l’atmosphère et accélérer encore l’effet de serre.
Un avenir quitte ou double
Parmi cette liste, six sont proches de leurs points de bascules et inquiètent particulièrement les chercheurs. Car pour atteindre le point de bascule, la combinaison de changements qui peuvent sembler minimes peut suffire à tout dérégler. Un certain nombre de pressions pèsent sur les écosystèmes comme la dégradation de l’habitat, le changement d’utilisation des terres, la surexploitation ou le changement climatique. Si ces tendances actuelles ne sont pas inversées, des points de bascules pourront être franchis, plaçant en danger d’extinction la plupart des espèces, y compris l’espèce humaine.
Mais cette prise de conscience des points de bascule ne signifie pas obligatoirement leur franchissement. Toujours selon WWF, ils sont évitables si une surveillance accrue est appliquée sur les écosystèmes concernés. Cette surveillance des populations d’êtres vivants peut également permettre d’anticiper le dérèglement de nouveaux milieux et d’agir avant qu’ils ne soient trop proches de leurs points de bascule. Une étape essentielle, car une fois les écosystèmes dégradés, un cercle vicieux s’enclenche, les rendant plus sensibles aux perturbations naturelles et humaines.
Une action mondiale nécessaire
Pour agir, le WWF espère s’appuyer sur trois grandes mesures: le Cadre mondial de la biodiversité, l’Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable. Des textes encore bien trop peu appliqués, mais qui pourraient permettre de reconstruire les écosystèmes et réduire les effets du changement climatique. Un message d’espoir partagé par Yann Laurans: « Quand vous protégez, préservez, restaurez la nature, elle vous le rend ! ».
Si le WWF met en avant ce genre de phénomènes, c’est principalement pour provoquer un électrochoc. Le combat de préservation de la biodiversité doit être mené par tous pour que la tendance s’inverse, « on a besoin que tout le monde se mobilise, les entreprises, les gouvernements, les citoyens », souligne Yann Laurans. Il est nécessaire d’agir vite et de ne rien repousser à demain. Car bien que les changements soient pour la plupart progressifs, ils pourraient devenir très rapidement brutaux mais surtout irréversibles. Comme le conclut le rapport, il ne reste donc qu’une chose à faire, « agir, tous ensemble ».