« Tous les matins en me réveillant, la première chose que je vois par ma fenêtre c’est ce mur : il me donne l’impression de vivre dans une prison à ciel ouvert », peut-on lire sur le mur de séparation entre la Palestine et l’Israël, à Bethléem. Sa construction est engagée dans les années 2000 par l’état d’Israël, officiellement pour se protéger des attentats-suicides perpétués par la résistance palestinienne lors de la seconde Intifada [révolte palestinienne contre l’occupation et la colonisation israélienne].
A l’origine, celui-ci était censé être construit en ligne droite, en respect du plan de partage proposé par l’ONU en 1947. Mais, le tombeau de Rachel [lieu sacré à la fois dans le judaïsme et l’islam] se trouve en territoire palestinien, rendant ainsi l’accès à ce lieu de pèlerinage plus difficile pour la population juive. Contre l’avis du droit international, Israël décide seul d’une nouvelle frontière, englobant en son sein le tombeau de Rachel. Avec ce détour, la ville de Bethléem semble encerclée par le mur.
Une vingtaine d’années plus tard, il s’élève à plus de 8 mètres, soit presque deux fois plus haut que l’ancien mur de Berlin. En levant la tête, on aperçoit plusieurs caméras postées en haut du mur : douloureux rappel de la surveillance permanente des Palestiniens par l’armée israélienne.
Le checkpoint : passage obligé
Si l’on peut rentrer librement en Palestine depuis Israël, le chemin retour s’avère plus compliqué : pour les visiteurs, c’est passage obligé par un check-point, administré par l’armée israélienne. Aux côtés du peu de touristes qui s’y risquent, des milliers de Palestiniens empruntent chaque jour le chemin du check-point, munis d’un laissez-passer. L’obtenir peut néanmoins s’avérer compliqué, comme le prouve le témoignage écrit d’Ellen, placardé sur le mur : « Mon fils est tombé amoureux d’une fille de Jérusalem. C’était difficile pour lui d’aller la voir parce qu’il avait besoin d’un laissez-passer. Mais elle, en tant qu’Israélienne, elle pouvait passer et venir le voir à Bethléem. Il n’a jamais réussi à obtenir un laissez-passer, même lorsqu’elle est tombée malade. Après quatre ans, elle est décédée. Elle a indiqué dans son testament qu’elle voulait que mon fils porte son cercueil pendant son enterrement. Il a essayé d’obtenir un laissez-passer pour pouvoir assister aux funérailles, mais celui-ci a été décliné. Il a décidé d’aller à Jérusalem sans. Les soldats Israéliens l’ont attrapé, l’ont battu et mis en prison pendant 30 jours. Il a raté l’enterrement. Il a fait une dépression nerveuse et a été malade pendant 2 ans. ».
Le mur rend près de 600 hectares de terres, dont Jérusalem et la mosquée d’Al-Aqsa [troisième lieu le plus sacré dans l’islam], presque inaccessibles pour une large majorité de Palestiniens. Pour dénoncer la situation, les habitants de Bethléem misent sur une voie d’expression des plus originale : le street-art. Le mur, symbole de l’oppression israélienne, est agrémenté d’une centaine de graffitis. Sont illustrés les visages de Shireen Abu Akleh, ou encore d’Ahed Tamimi, toutes deux devenues des icônes de la résistance palestinienne.
Au milieu des slogans « Libérez la Palestine » ; « Faites du houmous pas des murs », se distingue le dessin de l’illustre Banksy : une colombe, symbole de paix, vêtue d’un gilet par balles. Juste à côté trône l’inscription : « Bienvenue en Palestine ».
Habitants palestiniens : un quotidien difficile
Plusieurs affiches comportant des témoignages d’habitants palestiniens sont également placardées sur le mur:
« Il y avait cette petite famille : une mère, un père, et leurs deux fils. Ils vivaient à Gaza avec leur grand-père. Un jour, quelqu’un leur annonce que l’armée sioniste arrive en Cisjordanie pour y brûler les maisons et les gens qui y vivent. Tous ont eu peur pour leurs vies. Ils ont quitté leur maison, mais le grand-père s’y refusait. Il aimait sa maison et voulait y finir ses jours. Quand le fils a vu la résistance de son père, il l’a fait sortir de la maison et l’a porté sur son dos. Ils ne sont jamais retournés dans leur maison. Ils sont désormais réfugiés à Beit Sahour. ».
« Je me suis rendue au checkpoint avec mon enfant après avoir obtenu un laissez-passer pour Pâques grâce à ma paroisse. Comme toujours, nous devions enlever nos bijoux et les mettre dans un panier à part pour passer le détecteur de métaux. Ma fille de 9 ans a enlevé son bracelet. Elle est passée plusieurs fois par le détecteur, enlevant à chaque fois quelque chose de nouveau mais elle continuait de sonner. Alors, une militaire lui a demandé d’enlever son pantalon, en public. Laisseriez-vous votre fille enlever son pantalon comme ça, devant tout le monde ? J’ai demandé à la militaire : « Pourquoi ne pouvez-vous pas l’emmener dans une pièce à part pour la fouiller ? ». Elle m’a dit de retourner à Bethléem. Je lui ai répondu : « Vous n’avez rien à faire ici, c’est vous qui devriez rentrer chez vous, à Tel Aviv. ». Mary M. de Bethléem.