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Ai Weiwei et le militantisme contemporain

À travers un art engagé, l’artiste chinois Ai Weiwei est devenu un symbole mondial de contestation politique. De son adolescence dans le chaos de la Chine maoïste à son exil en Occident et le début de sa lutte contre les politiques du gouvernement chinois et toutes institutions abusant de leur pouvoir, Ai Weiwei s’incarne aujourd’hui comme une figure de la dissidence contemporaine.

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Ai Weiwei devant le siège du Comité international olympique à Lausanne, le 10 février 2022 © Eddy Mottaz

Sa vie sous la Chine révolutionnaire 

Né en 1957, Ai Weiwei (艾未未) grandit en pleine Révolution Culturelle en Chine — un mouvement de grande répression et de chasse aux intellectuels de 1966 à 1976 — et passa une partie de cette période dans des camps de rééducation. Témoin des persécutions politiques que son père, le poète Ai Qing, subit, Ai Weiwei développa rapidement un esprit critique face au pouvoir. 

À la fin de la Révolution Culturelle, il se joignit à plusieurs mouvements visant à contester les politiques du gouvernement et exiger l’établissement d’une démocratie en Chine. En 1979, les aspirants à la démocratie (dont Ai Weiwei) se réunirent pour former Le Mur de la Démocratie. Cet épisode est un tournant dans l’histoire politique chinoise, puisqu’il marqua le début d’une lutte contre le totalitarisme et la demande assumée de plus de libéralisation politique. Principalement étudiants, ils placardèrent de grandes affiches sur un mur de Xidan — un quartier ouest de Pékin— appelant à la réforme et dénonçant la dictature maoïste. 

La même année, Ai Weiwei intégra le groupe des Étoiles, mouvement pionnier de l’avant-garde chinoise. Composé de peintres, de photographes et de sculpteurs, ce collectif s’opposait au pouvoir chinois en réclamant liberté artistique et démocratie. Défendant l’individualisme et la liberté d’expression, les Étoiles organisèrent une exposition sauvage sur les grilles du Musée national des Beaux-Arts de Pékin. Cet évènement, resté célèbre, fut le premier d’une longue série. À cause de cette audace, la plupart d’entre eux furent contraints de s’exiler. Ai Weiwei compris. 

Les Étoiles face au Musée des Beaux-Arts de Pékin, 1979

Allier art et engagement 

Après ces actes de rébellion en Chine, Ai Weiwei fut donc contraint de quitter la Chine en 1981. Il s’établit à New-York pour étudier sa passion dans la Parsons’ School of Art, où il se lia d’amitié avec plusieurs artistes alors en vogue et explora les possibilités de l’art moderne. En 1993, il fut contraint de retourner en Chine pour veiller sur son père malade. À cette période, la Chine semblait enfin s’ouvrir au monde et les artistes chinois subissaient l’influence des codes occidentaux. L’art d’Ai Weiwei fleurit ; il étendit ses créations aux installations, à la sculpture, aux films, ainsi qu’aux photos, et développa un goût prononcé pour la provocation. 

Cependant, son âme de révolutionnaire ne le quitta jamais. Son désir de ne laisser aucune place aux injustices et aux mensonges le poussa à enquêter et à publier des manifestes pour rétablir la vérité : il s’engagea pour prouver la faute du gouvernement après le séisme du Sichuan en 2008, et critiqua le non-respect des droits humains. La même année, il signa la charte 08 visant à demander des réformes politiques et la démocratie en Chine. 

Par conséquent, cet activisme lui a valu d’être de nombreuses fois la cible des autorités chinoises. En 2011, il est arrêté et détenu de longs mois, et lorsqu’il est finalement relâché, il s’exile pour de bon au Portugal. Depuis, il n’a cessé de politiser son art pour exprimer son désaccord. Ne se limitant pas à son pays natal, certaines de ses oeuvres visent par exemple à critiquer les politiques migratoires européennes causant chaque année des milliers de décès. 

“L’art pour moi est nécessairement de nature politique. La politique est ma vie et mon destin”. 

Ai Weiwei

“Étude de perspective” ou le doigt d’honneur contre le Pouvoir

La photo prend une place particulière dans l’oeuvre d’Ai Weiwei. En 1995, il photographie sa main, le majeur levé face à la Cité Interdite sur la place Tiananmen où, six ans plus tôt, furent massacrés des étudiants chinois qui réclamaient la démocratie. Cette photo, qu’il intitule “Étude de perspective” amorce une série de photographies du même nom mettant en scène ce geste. 

En réalité, ce doigt d’honneur, qui peut paraître offensant, Ai Weiwei l’a réalisé de nombreuses fois. À chaque fois, il l’exhibe face à  des institutions, sites et monuments —symboles de la gloire des gouvernements— afin d’en faire une critique claire. Ainsi, l’on peut reconnaître dans ces images la Tour Eiffel, le palais fédéral de Berne, la Maison Blanche, le palais de Westminster, la Trump Tower ou encore la baie de Hong-Kong.


“Étude de perspective”, Paris

(Pour en savoir plus sur ses oeuvres: https://www.beauxarts.com/expos/ai-weiwei-ou-lart-de-la-resistance-retour-sur-10-oeuvres-emblematiques/)

Son coup d’éclat le plus récent est cette image de son doigt levé devant le Comité International Olympique de Lausanne, lors des jeux olympiques d’hiver de Pékin en février 2022.

© Ai Weiwei

Toujours très actif, l’artiste a récemment publié son mémoire, “1000 years of joys and sorrows”, qui raconte l’histoire de la Chine sur un siècle à travers le récit de sa propre histoire, ainsi que du lien qu’il partageait avec son père et l’héritage qu’il lui a laissé.

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