Ancienne artère centrale de Berlin-Ouest, le Kurfürstendamm est peut-être un des lieux les plus empruntés par les touristes de visite à Berlin. À quelques centaines de mètres de l’Église du souvenir, un bâtiment retient l’attention : la Maison de France, dont le nom est inscrit en lettres capitales. Classée “Monument historique”, elle est le fruit de plus de 70 ans de politique culturelle commune entre la France et l’Allemagne.
Un “bout de France”
En 2013, le journal local Berliner Zeitung qualifiait l’immeuble de “bout de France”. C’est en effet l’impression que l’on a lorsque l’on pénètre dans le hall d’entrée. À droite, la galerie Alice Guy accueille les expositions temporaires rythmées par l’actualité culturelle française et européenne. À gauche, une œuvre de la graffeuse française Miss.Tic rappelle l’essence du lieu : “L’art et la vie ne font qu’un”. Car ici, la culture sert précisément à entretenir un lien politique, institutionnel et social entre Français et Allemands.
Comme les dix autres instituts français répartis sur le territoire, la Maison de France est rattachée à l’Institut français d’Allemagne (IFA). La coordination des actions culturelles se fait donc depuis l’ambassade de France, sur la Parizer Platz. Là-bas, des bureaux spécialisés en cinéma, théâtre et danse ou livre en définissent les grandes lignes.
“Nous sommes en dialogue constant avec les autres instituts et leurs partenaires.”, affirme Cécile Guarinoni, chargée de mission culture à l’Institut français de Berlin. Il n’est donc pas rare de voir les projets voyager à travers l’Allemagne. Souvent, ils sont le fruit de partenariats directs avec d’autres institutions phares du dialogue franco-allemand.
C’est le cas de l’exposition visuelle et sonore “Les voi.es.x de la carte”, qui occupe la galerie jusqu’au 22 février, réalisée en partenariat avec le centre de recherche franco-allemand Marc Bloch. Elle revient sur l’évolution de la perception de la ville de Berlin par les Français. Par là, elle rend plus accessibles des travaux de recherche qui participent à la perpétuation du lien diplomatique entre les deux États depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Un lieu de passage
Il a fallu en effet attendre 1949 et l’initiation du processus de réconciliation entre la France et la République fédérale allemande (RFA), pour qu’un premier institut français soit créé à Fribourg. L’Institut français de Berlin-Ouest voit le jour un an plus tard. Dès lors, il n’a cessé de servir un appareil d’influence culturelle hors frontières. “Le rôle de l’Institut est de partager la langue et la culture francophone”, explique Cécile Guarinoni.
Une quinzaine de personnes sont ainsi employées localement pour organiser des événements adressés avant tout à un public berlinois. “Un vrai travail est fait sur les vitrines pour qu’elles amènent les passants à s’arrêter. L’objectif est de faire de cette Maison un lieu de passage”, ajoute la chargée de mission culture.
En plus de l’exposition ouverte à tous, une médiathèque et un cinéma participent à la promotion de la culture francophone. Mais un des leviers principaux reste l’offre de cours de français, également source de revenus pour l’Institut. Ils permettent notamment à des étudiants ou actifs qui voudraient travailler en France d’apprendre la langue en amont. À l’étage, une grande salle accueille lectures, concerts, et projections. Le 16 février aura lieu une rencontre avec Giuliano da Empoli, dont l’ouvrage Le mage du Kremlin, Grand prix de l’Académie française, vient d’être traduit en allemand.
Ancrage diplomatique
Ce premier trimestre 2023, la programmation des onze instituts français d’Allemagne sera largement tournée vers la célébration des 60 ans du Traité de l’Élysée. Signé le 22 janvier 1963 entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, celui-ci visait à “sceller la réconciliation entre la France et l’Allemagne”. Comme l’explique l’historienne Hélène Miard-Delacroix” dans une interview au Monde, ce traité a entériné un processus engrangé dès les années 1950. Les instituts français d’Allemagne en sont l’exemple, tout comme les instituts Goethe en France.
Le caractère fondateur de la coopération culturelle dans le dialogue franco-allemand se voit par la place centrale qui lui est accordée dans chaque nouveau partenariat. Le traité de 1963 lui consacre un chapitre entier, donnant lieu à la création de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ). Cette organisation internationale autonome, non rattachée aux ambassades, est en lien direct avec l’Institut français d’Allemagne.
En 2019, la coopération culturelle est à nouveau au cœur de la politique transfrontalière développée par le Traité d’Aix-la-Chapelle. Emmanuel Macron et Angela Merkel signèrent alors la création d’un fonds visant, entre autre, à faciliter l’apprentissage de la langue. Quatre instituts culturels franco-allemands furent créés en dehors de leurs frontières.
Les semaines passées, alors qu’il a parfois été nécessaire de réaffirmer la teneur de la coopération diplomatique entre la France et l’Allemagne, l’amitié culturelle semble belle bien inchangée.