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Faits divers : pourquoi nous fascinent-ils tant ?

Pourquoi les faits divers nous attirent-ils autant ? Ces histoires choquantes font naître la peur, la curiosité et la compassion, en touchant nos émotions les plus fortes.

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Les faits divers réveillent nos peurs et entretiennent notre curiosité. © Fotolia – Auteur : Philippe Devanne
Les faits divers réveillent nos peurs et entretiennent notre curiosité. © Fotolia – Auteur : Philippe Devanne

Pourquoi les faits divers nous attirent-ils autant ? Ces histoires choquantes font naître la peur, la curiosité et la compassion, en touchant nos émotions les plus fortes.

Un danger tout près

En France, chaque année près de 1 000 homicides ont lieu. Plus de 3 000 décès sont dus aux accidents de la route. 200 000 violences intrafamiliales sont répertoriées. 100 000 agressions sexuelles sont enregistrées par le ministère de l’Intérieur. Ces chiffres montrent la forte présence du « mal ». Pourtant, c’est cette proximité et effet immédiat du drame qui nous bouleverse le plus. Par exemple, l’été 2023, la disparition du petit Émile, un enfant de 2 ans dans un village alpin isolé, a provoqué une hausse des audiences de BFMTV de +4,8 %. Dans les années 1980, l’affaire du Petit Grégory, un enfant de 4 ans retrouvé noyé dans la Vologne, avait déjà mobilisé toute la nation. Ainsi, quand un drame survient à deux pas de chez soi, la peur devient tangible et le choc se partage immédiatement.

Des peurs réveillées


Notre cerveau est câblé pour détecter le danger. Le psychologue Jean Doridot évoque la « règle du mort par kilomètre ». Un crime perpétré dans notre propre quartier nous touche bien plus qu’un événement survenu loin de nous. L’affaire Maëlys en 2017 en est un exemple probant. Pendant une fête de famille, la fillette de 8 ans disparaît soudainement, enlevée par un invité que tout le monde considérait comme inoffensif. La mère, dévastée, dira plus tard : « J’ai fait entrer le loup dans la bergerie. » Ce témoignage réactive des peurs anciennes, semblables à celles évoquées dans des contes tels que Le Petit Chaperon rouge.

Un cas similaire, l’affaire Pélicot, a marqué les esprits. Gisèle Pélicot a bravement raconté, les violences et les viols qu’elle a subis, perpétrés par plusieurs hommes, dont son mari, révélant ainsi que le mal peut se dissimuler derrière un visage familier. Son témoignage, brutal et sincère, a permis de réveiller la mémoire collective sur des agressions longtemps passées sous silence.

La quête de comprendre


Face à ces récits choquants, le besoin d’enquête s’impose naturellement. L’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, par exemple, est une énigme depuis 2011 : un père de famille, soupçonné d’avoir assassiné sa femme et ses quatre enfants, a disparu sans laisser de traces. Forums, podcasts et documentaires se multiplient pour reconstituer le puzzle, et chacun se transforme en détective amateur. Patricia Tourancheau, spécialiste des faits divers, souligne que « chaque dossier est un puzzle à résoudre, un polar grandeur nature où chaque indice compte. »

Même lorsque la vérité reste incomplète, la simple démarche de chercher à comprendre aide à soulager l’angoisse. Savoir comment l’horreur arrive aide à imaginer des sortes de mécanismes pour prévenir l’inattendu.

Partager nos émotions


Les faits divers ne suscitent pas seulement la peur individuelle ; ils engendrent aussi un profond sentiment de partage. Lors de procès très médiatisés – comme celui de Jonathan Daval, qui s’est fait passer pour un veuf éploré avant de révéler sa culpabilité. Des millions de personnes suivent chaque nouvelle avec une émotion commune. Le psychiatre Michel Lejoyeux utilise le terme « catharsis » pour décrire cette libération émotionnelle collective, où l’horreur se transforme en un « exutoire » permettant de soulager les angoisses…
L’affaire Pélicot en est un parfait exemple. Le témoignage poignant de Gisèle Pélicot, diffusé dans un contexte judiciaire, a suscité une vague de solidarité et un sentiment d’injustice unanime. Ces moments d’échange et de compassion créent un lien social fort, malgré le caractère tragique des événements.

Les médias amplifient le spectacle


La puissance des faits divers ne repose pas uniquement sur leur contenu. Ils se basent aussi sur la façon dont ils sont relayés par les médias. Depuis le XIXe siècle, la presse fait du sensationnel pour attirer l’attention. Aujourd’hui, avec l’info en continu et les réseaux sociaux, cet effet est démultiplié. Une étude de l’INA a montré que la part des faits divers dans les journaux télévisés a augmenté de 73 % en dix ans.
Les émissions comme « Faites entrer l’accusé » ou les séries true crime sur Netflix transforment chaque drame en feuilleton captivant. Chaque nouveau détail – qu’il s’agisse d’un indice ADN ou d’un témoignage exclusif – renforce le suspense et maintient l’attention du public. Cette mise en scène scénarisée transforme le drame en spectacle, où l’émotion se partage et où chaque révélation compte.

Un reflet de nous fragilisé


Enfin, les faits divers sont un miroir de notre propre vulnérabilité. Ils montrent que derrière la façade de la normalité se cache une réalité où le mal peut surgir à tout instant. Les affaires du petit Émile, du petit Grégory, de Maëlys, de Gisèle Pélicot et de Xavier Dupont de Ligonnès illustrent parfaitement cette idée. Elles rappellent que la vie peut basculer en un instant et que la sécurité, si précieuse, n’est jamais garantie.
Ces récits nous forcent à nous interroger sur la protection de nos proches et les moyens de prévenir les tragédies. Ils révèlent nos angoisses intimes face au danger imminent. De plus, la fréquence des délits (plus d’un million de vols par an) renforce l’idée que le risque est omniprésent, et que chaque drame individualise un mal qui pourrait toucher n’importe qui.

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