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Wauquiez et les OQTF : le pari de la provocation

Dans un climat politique sous tension, alors que la droite peine à se repositionner face à la montée en puissance du Rassemblement National et la stratégie de recentrage du camp présidentiel, Laurent Wauquiez choisit la provocation. En proposant d’enfermer les personnes sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’ancien président de région relance le débat sur l’immigration… à coups de symboles chocs. Retour sur une idée qui a enflammé la sphère politique et suscité une vive polémique jusque dans les rangs de la droite.

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L'homme politique Laurent Wauquiez le 21 mai 2022 à Sarlat. (Photo by Jean-Pierre BOUCHARD/Gamma-Rapho via Getty Images)
L'homme politique Laurent Wauquiez le 21 mai 2022 à Sarlat. (Photo by Jean-Pierre BOUCHARD/Gamma-Rapho via Getty Images)

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche le week-end dernier, Laurent Wauquiez, ancien ministre et figure influente de la droite républicaine, a avancé une proposition saisissante : créer un centre de rétention administrative (CRA) dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire français situé à plus de 4 000 kilomètres de l’Hexagone, au large du Canada. Cette structure serait destinée à accueillir des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

« Il faut que la peur change de camp. Tous les OQTF dangereux doivent être enfermés dans un centre de rétention très éloigné du continent. Pourquoi pas à Saint-Pierre-et-Miquelon ? » a-t-il déclaré.

Derrière cette proposition à première vue radicale, se dessine une réflexion stratégique sur la manière de réaffirmer la souveraineté de l’État dans sa capacité à contrôler son territoire et à faire appliquer ses décisions administratives

Un éloignement géographique comme outil politique

Saint-Pierre-et-Miquelon n’a pas été choisi au hasard. Cet archipel français de l’Atlantique Nord incarne une double symbolique : il est à la fois entièrement français sur le plan administratif, et profondément excentré d’un point de vue logistique. En y installant un centre de rétention, la France ne violerait aucune frontière juridique, mais créerait une rupture psychologique : un éloignement radical qui, selon Wauquiez, pourrait restaurer l’autorité perdue des OQTF.

La logique est limpide : renforcer la contrainte pour renforcer la dissuasion. Contrairement aux CRA métropolitains, souvent débordés et situés à proximité de grandes villes, un centre à Saint-Pierre-et-Miquelon rendrait plus difficile toute tentative de fuite ou de maintien clandestin. En filigrane, c’est une réforme structurelle du dispositif d’exécution des OQTF que propose Wauquiez.

« Aujourd’hui, une OQTF n’est pas une vraie mesure. Elle est trop souvent un papier sans effet. Il faut changer cela. », martèle-t-il.

Une doctrine nouvelle : faire des outre-mer un levier migratoire

Au-delà du cas particulier de Saint-Pierre-et-Miquelon, cette proposition s’inscrit dans une réflexion plus large sur le rôle stratégique des territoires ultramarins dans les politiques nationales. L’idée d’utiliser des zones périphériques pour accueillir des personnes en situation irrégulière a été évoquée dans d’autres pays : l’Australie, par exemple, externalise depuis des années une partie de sa politique migratoire sur des îles isolées comme Nauru ou Manus.

Pour Wauquiez, la France pourrait s’inspirer de ces modèles : non pas pour sous-traiter ses responsabilités à l’étranger, mais pour mobiliser ses propres ressources territoriales dans une optique de maîtrise migratoire.

Cette approche soulève une question plus large, rarement abordée dans le débat public : les outre-mer peuvent-ils devenir un acteur de la souveraineté migratoire française ? L’idée de faire de ces territoires non pas de simples extensions administratives, mais des zones de gestion spécifique des flux migratoires, marque un tournant idéologique.

La géopolitique intérieure : une grille de lecture nouvelle

En proposant Saint-Pierre-et-Miquelon comme base de rétention, Laurent Wauquiez déplace le débat de l’immigration sur un terrain inédit : celui de la géopolitique intérieure. Il ne s’agit plus seulement de chiffres ou de quotas, mais de territorialiser l’action publique, de créer des espaces différenciés dans l’application du droit.

C’est également une façon de donner du sens politique à des territoires souvent oubliés, en leur assignant un rôle concret dans la défense des intérêts de la nation. Cette stratégie, si elle venait à se développer, pourrait redessiner les contours de la relation entre l’État central et ses collectivités d’outre-mer.

Vers une doctrine de la « retenue lointaine » ?

Cette idée s’inscrit dans une vision plus large que l’on pourrait qualifier de « doctrine de la retenue lointaine » : une volonté de renforcer les moyens de contrôle administratif tout en jouant sur l’éloignement comme outil de pression psychologique. L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon deviendrait, dans cette logique, un symbole de la reprise en main des flux migratoires par l’État.

Si elle venait à être adoptée, une telle mesure imposerait toutefois une transformation logistique et juridique importante : construction d’infrastructures, encadrement légal, mobilisation de personnels, mais aussi concertation avec les autorités locales et avec les partenaires européens.

Une vision cohérente avec les positions historiques de Wauquiez

Cette sortie de Laurent Wauquiez ne surprend pas ceux qui suivent son parcours politique. Depuis plusieurs années, il défend une ligne dure sur les questions de souveraineté, d’identité et de sécurité. En 2018 déjà, lorsqu’il dirigeait Les Républicains, il plaidait pour une politique de tolérance zéro face à l’immigration illégale.

Cette proposition s’inscrit donc dans une vision idéologique de long terme, où l’État doit se montrer fort, efficace et capable de faire respecter ses décisions.

« Reprendre le contrôle, ce n’est pas un slogan. C’est une nécessité nationale. », conclut-il.

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