Ils sont étudiants, sortent régulièrement mais ne consomment pas d’alcool

Par convictions ou choix personnels, ces étudiants de la Gen Z embrassent la fête mais disent non à l’alcool. Une décision pas aussi anodine qu’elle n’y paraît dans une société où la boisson est profondément ancrée dans les mœurs. Non-évènement ou décalage ? Ils racontent.

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La Gen Z consomme de l'alcool moins souvent que ses aînés mais quand elle le fait, c'est en plus grande quantité. @Freepik
La Gen Z consomme de l'alcool moins souvent que ses aînés mais quand elle le fait, c'est en plus grande quantité. @Freepik

Le Dry January touche à sa fin. Autrement appelé “mois sans alcool”, cette initiative de santé publique est d’abord mise en place au Royaume-Uni en 2013. En France, elle est appliquée cette année pour la sixième fois consécutive dans le but d’inciter chacun à ralentir, voire stopper sa consommation d’alcool pendant le mois de janvier. Un bon moyen de se questionner sur son rapport à la boisson. Pour certains, cette expérience passe notamment par la découverte de ce qu’implique la non-consommation dans une société où l’alcool occupe un rôle central. Une réalité, qu’ Agathe et Youssouf, deux étudiants de 23 et 26 ans, expérimentent au quotidien. Tous deux sont de la Gen Z, une génération qui consomme moins d’alcool que ses aînés. Mais quand elle boit, c’est en plus grande quantité. “Cela représente 3,3 verres par jour pour 64,3 jours par an pour les 18 – 24 ans contre 1,6 verres par jour mais 123,7 jours par an pour les 65 – 75 ans”, indique le site gouvernemental Vie Publique. Pour cette génération, la non-consommation est un choix plus répandu. Opter pour une boisson soft dans les bars est moins stigmatisé. Pour autant, la question de la relation à l’alcool n’est jamais très loin dans les esprits. 

“Je ne trouve ni sens, ni plaisir à consommer de l’alcool” 

Youssouf, étudiant en droit fiscal, a quitté le Tchad pour venir s’installer en France il y a trois ans. Déjà dans les études avant son déménagement, le monde de la fête, il le côtoie depuis longtemps. S’il ne boit pas d’alcool, c’est d’abord par convictions religieuses, mais pas seulement. Pour lui, le jeu n’en vaut pas la chandelle. “Je ne trouve ni sens, ni plaisir à consommer de l’alcool. Quand la consommation est démesurée, tu fais tout et n’importe quoi. Tu ne te souviens même pas de la soirée avec tes amis”, explique-t-il avant d’ajouter : “Et pour la santé, ce n’est pas bon non plus”.

C’est bien pour cette raison qu’Agathe, étudiante dans un master culturel à Perpignan, a revu sa consommation il y a de ça quelques années. “J’ai commencé à boire vers 18 ans et au début, j’aimais bien être dans l’excès”, rapporte-t-elle. Une situation qui ne va pas durer car avec le temps, elle se rend compte que les lendemains sont difficiles, et pas seulement en cas de forte consommation. L’alcool, même de façon modérée, lui donne des maux de tête. “J’ai fini par en parler à mon médecin qui m’a dit que mon corps devait sans doute mal réagir et qu’il valait donc mieux arrêter”, se remémore l’étudiante de 23 ans. Pendant près d’un an, elle n’y touchera plus. L’appel des terrasses et des moments conviviaux lui feront reprendre mais de manière très ponctuelle. “Je bois beaucoup moins car je sais que le lendemain je vais être patraque, et ça fait une journée gâchée”, reprend-t-elle. Dorénavant elle boit en famille et très peu avec ses amis. Avec le recul, cette expérience lui a été bénéfique. Dans cette reprise mesurée, elle essaye de mieux appréhender sa tolérance vis-à-vis de l’alcool pour ne pas être malade le lendemain. “Par exemple, avant, je ne prenais pas la peine de manger avant de partir à une soirée alors que maintenant je préfère”, explique-t-elle. 

La confrontation aux autres…

La non-consommation donne un autre regard sur les moments que l’on passe en société, où l’alcool est bien souvent de mise. Lorsque les verres s’enchaînent, il n’est pas toujours facile de continuer à trouver sa place au milieu de la soirée. La perception est inévitablement différente. Même si les personnes autour sont de vrais amis, un décalage entre consommateurs et non-consommateurs peut parfois se creuser malgré tout. “Me sentir à part, ça m’est déjà arrivé une ou deux fois. Dans ce cas, j’ai deux options. Soit j’héberge un ou une de ces amis proches et je l’attends, soit je suis venue seule et je n’habite pas loin donc je rentre”, explique Agathe.    

Au décalage s’ajoute parfois l’étonnement et une pression sociale qui peut être grande et pas nécessairement facile à appréhender. Elle ne se traduit pas non plus toujours comme on pourrait l’imaginer. “Quand j’ai parlé de mon arrêt de l’alcool à d’autres personnes, certains trouvaient ça intriguant”, se rappelle Agathe. D’autres font des blagues qui ne se veulent pas méchantes mais qui peuvent parfois induire à la culpabilité.  “J’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit que je devais m’ennuyer dans la vie sans boire, ni fumer. C’est une personne que je n’ai croisé qu’une seule fois à l’occasion d’une soirée mais ça m’a un peu interloqué, témoigne ensuite l’étudiante. 

… et parfois à sa famille.

Une autre manière de consommer qui peut aussi susciter des interrogations au sein de la famille. “En Bretagne, ce n’est pas qu’un cliché, on boit beaucoup. Et dans ma famille, l’alcool c’est un peu une tradition”, reprend Agathe. Une tradition bien ancrée dont le non-respect peut susciter des questionnements. “C’était le cas pour moi pendant les repas. Ce n’est pas forcément insistant, mais c’est là”, poursuit-elle. C’est la raison pour laquelle Agathe préfère esquiver le sujet lorsqu’elle est avec ses proches. Ce décalage traduit aussi la différence d’approche entre ces deux générations. 

Chez certains, ce choix est comme un rappel à une norme qu’ils n’ont pas forcément pensé à interroger. Finalement, le malaise n’est-il pas davantage de leur côté ? “Pour certains, c’est comme si ne pas boire quand on est jeune, c’était manquer quelque chose”, ajoute Agathe. “Quand tu ne bois pas, les gens ont tendance à te regarder bizarrement”, rapporte de son côté Youssouf. 

Les deux étudiants observent mais s’accordent pour dire qu’ils ne s’octroient pas le droit de juger les choix des autres. “C’est personnel au final”, déclare Youssouf. “La consommation d’alcool d’une personne n’est pas forcément révélatrice de ce qu’elle est. Je connais des gens qui boivent peu et d’autres beaucoup, et aucun n’est une mauvaise personne. C’est juste différent”, reprend Agathe 

L’importance de bien s’entourer  

Face à ces possibles pressions, Agathe et Youssouf s’accordent également sur l’importance de bien choisir son entourage. Les amis très proches de Youssef sont aussi des personnes qui ne consomment pas. “En soirée, on est souvent une ou deux personnes dans ce cas”, déclare l’étudiant. “Et les gens avec qui je sors et qui consomment respectent mon choix”, complète-t-il. Le Tchad, dont le jeune homme est originaire, est un pays où près de la moitié de la population est de confession musulmane. Certains de ses amis sont originaires du même pays. Ils comprennent donc bien ce choix de ne pas consommer. L’entourage amical d’Agathe est aussi compréhensif. “On ne m’a jamais rabâché que je ne buvais pas”, sourit-elle. La compréhension et l’ouverture d’esprit du cercle proche aide à parer les éventuelles remarques.  

“Mes amis boivent de l’alcool et c’est toujours moi qui conduis sur le chemin du retour. En fin de compte, je suis souvent l’adulte de la soirée”, énonce ensuite Youssouf. Ce rôle ne fait pas non plus obstacle à son amusement car quand ses amis consomment, ils ne se déconnectent pas pour autant de lui. Ce n’est pas ce qu’ils souhaitent. “Je trouve que l’on peut consommer, mais avec modération. Il ne faut pas non plus oublier les risques d’accidents sur le chemin du retour”, détaille-t-il.

Youssouf et Agathe ne sont pas non plus attirés par les personnes qui recherchent les excès lors des soirées. “Je pense que je ne gravite pas autour de ce type de personnes. On ne s’intéresse pas mutuellement”, rapporte Agathe. “Je suis d’accord pour dire que c’est un choix de cercle. Et quand tu sais le choisir, tu sais comment étaler le respect”, reprend Youssouf. Son cercle d’amis se compose uniquement de personnes en qui il a confiance. “Et si les personnes n’acceptent pas ma consommation, c’est sans doute que je ne suis pas faite pour être amie avec eux. Il ne doit pas y avoir de jugement”, conclut Agathe. 

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