La situation est alarmante, d’autant plus qu’une perspective de normalisation n’est pas envisagée avant mars 2025. Pour les patients concernés, il est parfois très difficile de s’en procurer pour des raisons diverses et variées propres à chaque situation. Néanmoins, quand l’inquiétude est trop forte, ils peuvent se tourner vers des associations ou leurs médecins pour les accompagner tout au long de cette épreuve. Les laboratoires essaient également de mettre en place des dispositifs pour que chacun puisse se fournir en Pegasys. Voici le récit de cette lutte collective.
Un accompagnement associatif
Karin Tourmente-Leroux, présidente de l’association Vivre avec une NMP, raconte comment son association vient chaque jour en aide aux patients atteints d’un cancer du sang dans cette pénurie. Une aide précieuse pour faire face à l’incertitude et à l’inquiétude. “Ça a été un grand moment de panique. Quand on a un traitement, qu’on le connaît vraiment bien à savoir exactement quels sont les effets indésirables et comment nos corps réagissent aux médicaments, on n’est pas prêt à en être privé”, raconte-t-elle.
C’est pourquoi son association, fondée il y a trois ans, fait de son mieux pour accompagner les patients victimes de cette pénurie. “Psychologiquement, c’est assez traumatisant donc on a essayé de trouver des solutions d’entraide avec les patients. Par exemple, en Ile-de- France, certains se disent “tiens, je sais qu’il y en a dans telle pharmacie, j’ai dit à ma pharmacienne de te garder une dose””. Tout le monde y met du sien pour se soutenir du mieux possible dans cette épreuve.
Au-delà de l’aspect pratico-pratique, l’association tente aussi de soutenir moralement ses adhérents. “ On a beaucoup remonté le moral aussi de ceux qui n’en avaient pas [des doses de Pegasys] parce que ce n’est pas toujours évident de se dire que l’on perd un traitement pour aller dans l’inconnu”, raconte la présidente de l’association. Conjointement avec l’association LMC France, elle a rédigé une lettre ouverte afin d’alerter sur cette pénurie. Suite à ça, des réunions ont été organisées, à l’initiative de la Haute Autorité de Santé, entre différents acteurs confrontés à cette pénurie.
Leucémie Myéloïde France (LMC France), est une association très engagée dans la pénurie de Pegasys. Créée en 2010 par son actuelle présidente Mina Daban, elle a vocation à rassembler les patients et leurs proches afin de les aider dans leur lutte contre la maladie à travers la recherche, l’information et la formation. « J’étais vraiment choquée, car je ne m’attendais pas du tout à ça. Je ne comprenais pas comment on avait pu en arriver là, surtout que la France est un pays qui soutient normalement les patients confrontés à ce genre de problématiques », témoigne Mina Daban.
C’est la raison pour laquelle LMC France s’est engagé à accompagner les patients du mieux possible dans la traversée de cette épreuve. Cet engagement se traduit par trois actions bien distinctes mais pourtant reliées : l’écoute, la communication puis la coordination. “C’est main dans la main que l’on arrive à trouver des solutions”, a déclaré la présidente de l’association. Plusieurs démarches ont donc été mises en place à l’annonce de la pénurie en avril dernier.
D’abord, l’écoute des patients a été très importante afin de comprendre comment les aider à traverser cette crise : « on était vraiment en pleine gestion de crise à cause de cette pénurie », explique Mina Daban. Ensuite, il y a eu la communication avec l’ ANSM, les pharmaciens, les laboratoires et les journalistes afin d’aboutir à la troisième action qu’est la coordination des efforts. « Nous avons réussi à mettre en place cette coordination avec les pharmacies et les autorités de santé afin de fournir les médicaments aux personnes les plus urgemment concernées» termine la présidente.
Un accompagnement médical
Au-delà de l’aspect associatif, les médecins sont surtout mobilisés. Fiorenza Barraco est hématologue au CHU de Lyon. Elle s’occupe de la prise en charge des syndromes myéloprolifératifs et donc en particulier des thrombocythémies essentielles et des myélofibroses. Depuis, l’annonce de la pénurie par la Haute Autorité de santé en avril dernier, elle multiplie les appels téléphoniques et les mails. “La première chose que j’ai faite, c’est de prendre contact avec les personnes. Les responsables du laboratoire, mes collègues de Paris et de Lyon, les pharmaciens et pharmaciennes”, raconte l’hématologue. Son objectif : trouver des alternatives et se réorganiser tous ensemble dans l’accompagnement des patients.
“Avec mes collègues de Lyon et de la région, on a essayé d’adapter les traitements. Par exemple, en faisant passer les patients qui avaient des demi-seringues (45 microgrammes) à des 90 microgrammes de façon à éviter de jeter la moitié d’une seringue”, détaille Fiorenza Barraco. Dans la mesure du possible, tout est mis en œuvre pour diminuer raisonnablement l’utilisation de traitement afin que le plus de monde possible puisse avoir accès au traitement. “Par ces actions, on voulait surtout comprendre peu à peu quel aurait été l’impact si la situation avait évoluée dans cette direction”, explique-t-elle.
Un accompagnement du laboratoire
A la mi-octobre, le laboratoire lui a d’ailleurs récemment transmis une procédure spécifique, accessible à chaque patient, pour se procurer le Pegasys. “J’ai été très rassurée par la personne de Cheplapharm qui m’a détaillé le processus”, témoigne l’hématologue. Ce dernier est fastidieux, mais permet dans la plupart des cas de se procurer automatiquement le médicament. C’est au médecin, en l’occurrence l’hématologue, de faire un mail spécifiant les indications de traitement du patient au laboratoire, en mettant en copie dans le mail les données de la pharmacie du patient. Ensuite, le laboratoire se met en contact avec la pharmacie pour dépanner le patient en question. Théoriquement, cette procédure fonctionne toujours.
Laboratoires, médecins et associations. Tous travaillent main dans la main pour accompagner les patients avant un retour à la normale du Pegasys sur le marché prévu pour mars 2025. Il s’agit maintenant de tirer les leçons de cette crise pour éviter qu’elle ne se reproduise. Et surtout, de constater quel a été le maillage mis en place et comment il a fonctionné, pour le reproduire en cas de nouvelle crise.