Vendée Globe : un tour du monde vert ?

Les 40 skippers engagés sur cette dixième édition du Vendée Globe ont quitté le port des Sables d’Olonne le 10 novembre dernier. Le tour du monde à la voile bénéficie d’une belle image aux yeux des amateurs de course au large, mais est-il aussi écologique qu’il n’y paraît ?

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Vendée Globe Foundation, “brigade verte” et collecte des mégots sur le village départ, sponsors vertueux sur le plan écologique, calcul de l’empreinte carbone, … Le Vendée Globe, le tour du monde à la voile sans assistance et sans escale, se préoccupe grandement de son impact sur l’environnement, correspondant ainsi à l’image écoresponsable de la course au large. Qu’en est-il vraiment ? S’agit-il d’une réelle préoccupation de la part de l’organisation, ou de manœuvres d’écoblanchiment ?

  • L’écologie, cheval de bataille de l’organisation

L’organisation du Vendée Globe, la SAEM Vendée, prend le problème à bras-le-corps dès février cette année et lance les “10 engagements environnementaux du Vendée Globe”. Un chiffre qui n’est évidemment pas choisi au hasard, pour cette dixième édition, et qui évoque aussi la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030). Ces engagements, pris sur le long-terme, vont au-delà de ceux propres aux skippers et se retrouvent autour de 4 axes majeurs : anticiper, réduire, inspirer et bâtir. 

Pour “anticiper”, l’organisation a collaboré avec Carbon4 et Toovalu autour d’un bilan carbone prospectif. Les résultats sont connus et, sans surprise, ce sont les déplacements (63 %) qui représentent le premier poste d’émissions. L’organisation avait pourtant proposé des solutions pour se rendre au village en transports en commun : navette et parking relais, billets de train à 5€ pour venir aux Sables ce week-end depuis les gares des Pays de la Loire. 

  • La Classe Imoca réduit la voilure

Pour le Vendée Globe, la construction et la vie des bateaux représentent 7 % des émissions. La classe IMOCA (International Monohull Open Class Association) régit les règles du circuit au sein duquel les monocoques de 60 pieds s’affrontent toute la saison. Ce sont des bateaux appartenant à cette classe qui prennent le départ du Vendée Globe tous les quatre ans. Consciente de l’impact des IMOCA sur l’environnement, notamment lors des chantiers, la classe a décidé d’agir. Dans le microcosme de la course au large, elle est la première classe à vouloir réduire la course à l’innovation et, par extension, les émissions de gaz à effet de serre. 

Une “règle de réduction d’impact” sur la construction des bateaux a été intégrée au règlement de la classe au printemps dernier. Cette décision est “le fruit des résultats de 13 ACV (Analyse des cycles de vie, une méthode qui permet d’évaluer les impacts environnementaux associés à toutes les étapes de la vie d’un produit) réalisés sur les constructions de bateaux entre 2021 et 2024”, précise Imogen Dinham-Price, co-responsable du développement durable de l’Imoca. Elle développe : “Si l’on veut suivre la trajectoire des accords de Paris (2016) , il faut qu’on diminue de 15 % notre impact. Sois environ 60 tonnes de CO2 en moins par nouveau voilier”.

Certaines actions vertes sont déjà visibles sur cette dixième édition. Par exemple, “tous les bateaux possèdent au moins une voile à moindre impact à bord”, c’est-à-dire une voile 30 % plus légère et moins énergivore à la construction.

  • Une marge de progression importante

Si les efforts des différents acteurs sont flagrants, verdir totalement la course au large, et plus particulièrement le Vendée Globe, n’est pas une mince affaire. Certaines problématiques restent en suspens. La plus connue, parce que c’est aussi un risque aux grandes conséquences : la collision avec un OFNI (objet flottant non identifié), qui occasionne souvent l’abandon du concurrent. Ces OFNI peuvent être des containers, mais aussi des cétacés ou, plus globalement, des êtres vivants. Un IMOCA à pleine vitesse (plus de 100km/h) navigant dans des zones encore très peu explorées, peut donc rapidement devenir une menace pour la faune marine. Des solutions sont imaginées. Chez les équipes, on veut éviter l’abandon. Pour l’organisation, on veut éviter le bad buzz. Ainsi, des caméras OSCAR sont équipées sur certains IMOCA. Elles permettent de repérer des objets flottants, les analyser et envoyer des alertes en cas de trajectoire de collision. 

L’organisation, elle, met en place onze zones interdites : des zones de trafic commercial, des zones de protection de biodiversité et la ZEA. La Zone d’Exclusion Antarctique, définie tout autour du Continent Austral, évite aux skippers d’entrer en collision avec des icebergs. Cependant, les innovations technologiques embarquées sur certains bateaux (hydrogénérateurs, panneaux solaires,…) ne le sont que sur le haut de la flotte, dans les équipes avec les budgets les plus importants. Pour les plus petites équipes, il est difficile de s’équiper des dernières technologies permettant de limiter son impact sur l’environnement. 

Le départ du Vendée Globe, au large des Sables d’Olonne, dimanche 10 novembre 2024. Les skippers sont accompagnés par leur public sur l’eau. – Crédits : Jean-Marie Liot / Alea

La course au large a connu un retard à l’allumage concernant les problématiques de développement durable. Il a fallu attendre 2017 et Conrad Colman pour voir premier skipper à terminer la course à bord d’un Imoca alimenté à 100 % par des énergies renouvelables. Aujourd’hui, certains bateaux sont encore équipés de moteurs diesel en guise de groupe électrogène, qui alimente les batteries, permettant de faire fonctionner les instruments de bord, la communication avec le continent, le désalinisateur d’eau, etc… Les énergies fossiles seront interdites lors de la prochaine édition, en 2028. Si le Vendée Globe se doit d’être l’ambassadeur des mesures éco-responsables dans le secteur, certains voient cette future règle comme une manœuvre d’éco-blanchiment. C’est le cas de Michel Desjoyeuax, double vainqueur de l’Everest des Mers, qui a pris position sur X : “C’est du Green washing, de demander de faire le Vendée sans gasoil. Tu as besoin de – de 150l. Dérisoire face au bilan carbone du programme de l’équipe autour, et je ne parle même pas de la construction. Si tu veux faire de l’écologie laisse courir les « vieux » bateaux”!

Les équipes les plus fortunées ne sont pas exemptées de toute responsabilité, puisque certains observateurs dénoncent “l’usage abusif par les grosses équipes et les organisateurs de semi-rigides à moteurs surpuissants”. Aujourd’hui, les sponsors sont friands de course au large pour sa belle image aux yeux du public. Mais le sport et son épreuve emblématique, le Vendée Globe, doivent veiller à un éventuel retour de bâton, qui ferait couler tous les efforts investis.

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