Les Jeux Olympiques prennent ses racines dans l’Antiquité. Ils sont d’abord nés d’un désir politique, celui d’instaurer la paix entre les différentes cités grecques, de consolider leur unité. Pierre de Coubertin tente de faire renaître cette tradition à la fin du 19e siècle. Il ne conserve pas uniquement l’aspect sportif de l’événement, mais bien son utopie, celle de la paix universelle. Il va promouvoir cette dernière lors du discours dit de la Sorbonne en 1892. Cette nouvelle ère sera celle des exploits sportifs, mais également le théâtre de revendications politiques qui font encore écho à la société de nos jours.
Mexico 1968 : Toujours le poing levé
Nous sommes en 1968, les Jeux olympiques se déroulent dans un contexte tendu, d’autant plus chez le voisin américain. En effet, la ségrégation étant officiellement abolie par le président Johnson en avril 1968, le problème persiste officieusement. La population noire ne veut plus se laisser faire. Elle vient d’ailleurs de perdre l’un de ses leaders, le pasteur Martin Luther King, assassiné le 4 avril 1968. Les Jeux olympiques interviennent donc comme un moyen d’expression majeur pour protester et sensibiliser sur la cause noire américaine. Et c’est l’athlétisme qui va faire figure de porte-parole, laissant une image gravée dans l’histoire.
L’épreuve du 200 mètres vient de se terminer. Les États-Unis l’emportent grâce à Tommie Smith et John Carlos, deux athlètes noirs qui remportent respectivement l’or et le bronze. Le podium est complété par l’Australien Peter Norman. Pendant que l’hymne américain retentit, Smith et Carlos lèvent chacun un poing ganté de noir, en tenue laissant apparaître des chaussettes noires. Ils maintiennent cette position jusqu’à la fin de l’hymne. Ce geste symbolise une protestation contre la ségrégation raciale et un soutien aux droits humains, comme l’explique Tommie Smith dans son autobiographie “Silent Gesture”. Peter Norman porte aussi un badge de l’Olympic Project for Human Rights (OPHR) sur son blouson, tout comme ses deux adversaires. C’est d’ailleurs lui qui propose de partager une paire de gants, Carlos ayant oublié les siens au village olympique. Ce podium est devenu l’un des plus mythiques de l’histoire des Jeux olympiques, en raison de l’engagement des athlètes et des sanctions qu’ils ont subies.
En effet, la réponse du Comité International Olympique (CIO) ne se fait pas attendre. Son président, Avery Brundage, s’oppose à une manifestation d’ordre de politique intérieure au sein d’un événement censé être synonyme de trêve. Tommie Smith et John Carlos sont immédiatement suspendus de l’équipe américaine avant d’être bannis à vie de la compétition. Leurs carrières s’arrêtent brutalement alors qu’ils n’ont que 24 et 23 ans, et qu’un avenir sportif brillant les attendaient. Leur geste restera gravé dans l’histoire des Jeux Olympiques et des États-Unis, comme le symbole d’un combat contre l’injustice.
Munich 1972 : Un pays pour deux nations
Quatre ans seulement après le geste de Tommie Smith et John Carlos, les Jeux olympiques deviennent à nouveau le théâtre d’une manifestation politique. Cette fois, elle est plus violente et plus tragique. Le conflit israélo-palestinien, qui fait rage depuis plus de 20 ans, marque l’actualité internationale. À cette époque, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dirige la Palestine et prône la violence pour faire entendre ses revendications. Les Jeux olympiques, en tant qu’événement international, deviennent une cible pour l’organisation terroriste palestinienne « Septembre Noir ». La plupart de ses membres appartiennent à l’OLP, et ils décident de frapper un grand coup.
Tout commence à l’aube du 5 septembre. Un commando de huit membres de l’organisation parvient à s’infiltrer dans le village olympique. Leur cible, la délégation israélienne. Ils prennent en otage onze athlètes. Ils tuent également un entraîneur de lutte qui avait tenté de les empêcher d’entrer dans le dortoir. Les autorités allemandes vont rapidement encercler les terroristes. Des négociations vont donc commencer. Leurs revendications sont doubles : d’une part, ils réclament la libération immédiate de 250 combattants palestiniens incarcérés par le gouvernement israélien. D’une part, ils exigent un avion pour quitter le pays. En échange, ils relâcheront les otages. Le soir du 5 septembre, les parties trouvent des accords. Des hélicoptères déplacent les otages et leurs ravisseurs vers un aéroport militaire non loin de la capitale. Néanmoins, les forces de l’ordre tentent de reprendre les otages par la force, et ce, malgré une désorganisation totale. L’opération tourne au fiasco, car les terroristes découvrent la supercherie et lancent des grenades dans les hélicoptères, qu’ils détruisent. Il n’y aura que trois survivants, trois terroristes.
Cet évènement a profondément endeuillé le monde olympique qui a rendu hommage aux athlètes dès le lendemain. Cet attentat a terni cette édition, qui devait redorer le blason de l’Allemagne de l’Ouest. Cela se produit moins de trente ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Sydney 2000 : Un pour tous, tous pour un
Le passage à l’année 2000 a suscité des fantasmes et des théories sur la fin du monde. Mais il a surtout porté de l’espoir. Les Jeux Olympiques, qui se déroulent alors à Sydney en Australie, offrent un moyen parfait pour exprimer ce désir de paix et d’union. La Corée du Nord et la Corée du Sud, deux pays déchirés depuis un demi-siècle, voient émerger une potentielle réconciliation. Pour rappeler le contexte, ces deux États ont été en guerre de 1950 à 1953. La paix n’est pas définitive, car un armistice a été signé, et non un traité de paix.
Et pourtant, malgré les oppositions de régime et d’idéologie entre la partie sud, démocratique et capitaliste, et le nord, autoritaire et communiste, les Jeux olympiques vont être l’occasion d’une trêve, comme celle tant voulue par Coubertin.
En effet, les deux pays ne font faire qu’un lors du défilé de la cérémonie d’ouverture, arborant un drapeau composé de l’île unifiée en bleu sur fond blanc. L’opération va même se répéter plusieurs fois lors des éditions de 2004 à Athènes et de 2006 à Turin. L’enterrement de la hache de guerre va même aller plus loin, puisqu’en 2018, ils défilent à nouveau ensemble, et inscrivent même une équipe commune de hockey sur glace féminin. Un véritable symbole d’espoir, même si la Corée a perdu ses cinq matchs et finie dernière du tournoi.