Une liste hétérogène
La liste présentée par le Parti communiste français pour les élections européennes de juin 2024 a d’abord été approuvée par son Conseil national le 3 février. Puis dans un second temps largement approuvée par les militants, lors d’un vote du 8 au 10 mars. En effet, 93% des adhérents ont voté en faveur de la liste. Si cette dernière est présentée sous le nom du Parti Communiste, elle regroupe néanmoins 3 autres formations politiques. D’abord avec la Gauche républicaine et socialiste (GRS) fondée par l’eurodéputé Emmanuel Maurel, puis par L’Engagement, jeune parti créé par l’ancien Ministre de l’Economie Arnaud Montebourg, et enfin Les Radicaux de Gauche.
Si une vingtaine de places est attribuée aux représentants de ces 3 partis politiques, une autre vingtaine l’est aux délégués et responsables syndicaux.
Tels que Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep-FSU, syndicat de l’enseignement professionnel public, figurant en seconde position sur la liste commune. Ou encore Fabien Gâche, ancien membre du syndicat Renault-Le Mans CGT, qui a vu s’être attribué la 7e place sur cette liste.
Enfin, le reste de la liste est composé d’élus, principalement locaux, du Parti Communiste Français. Notamment des maires, des conseillers municipaux, départementaux et régionaux, mais également six parlementaires français. Parmis lesquels se retrouvent le député et président du groupe communiste à l’Assemblée nationale André Chassaigne (5e position) et les sénateurs Marianne Margaté (72e), Pierre Ouzoulias (73e), Cathy Apourceau-Poly (78e) et Cécile Cukierman (80e), présidente du groupe communiste à la chambre haute. Le député du Nord et secrétaire national du Parti Communiste, Fabien Roussel, est également présent sur cette liste, symboliquement en 81e et dernière place.
Toutefois, 8 places ne sont pas encore attribuées, telles que la 9e et la 22e. Certaines seraient prévues à des candidats du Mouvement républicain et citoyen (MRC), en cas d’accord trouvé avec le PCF. D’autres pourraient l’être à des candidats d’ouverture et des personnalités influentes qui rejoindraient la liste, avant le 17 mai 2024, date limite de dépôt des listes auprès du Ministère de l’Intérieur.
Histoire européenne du parti
Durant les années de construction européenne d’après-guerre, le Parti Communiste Français se veut être très critique à l’égard de celle-ci. Dans le souci de préserver la souveraineté nationale française, qui risque d’être oblitérée par ce futur conglomérat sous tutelle américaine. Les membres du parti de l’époque pensent les bourgeois comme traîtres vis-à-vis de leur patrie, en reprenant l’exemple de ceux du gouvernement Thiers qui se sont alliés aux prussiens pour lutter contre les communards, ou encore les pétainistes serrant la main de l’occupant allemand.
De plus, les communistes voyaient dans cette construction européenne pro-américaine un pas de plus vers la guerre. Ce clivage entre 2 blocs leur semble s’affermir davantage avec ce projet européen qu’ils rejettent donc à ses débuts.
Par la suite, dans leur livre publié en 1969 Pour ou contre l’Europe ?, Jean Kanapa et Jacques Denis, membres de la cellule de politique étrangère du PCF “Polex”, affirment être « en faveur de la véritable Europe, d’une Europe démocratique et pacifique, d’une Europe de l’amitié, de la coopération et de la sécurité ». Cette idée de vraie Europe entend établir une coopération qui dépasse le rideau de fer et le clivage idéologique. Plus tard encore, Jean Kanapa prend distance avec les dirigeants soviétiques, souhaitant la mise en place d’une structure européenne neutre vis-à-vis des 2 blocs.
Puis, au moment du Traité de Maastricht de 1992, alors que le parti appelle à voter contre, l’ennemi identifié n’est plus simplement l’Europe supranationale, mais l’Europe libérale, de Maastricht. Celle-ci serait responsable d’un chômage croissant, d’une précarité et d’un démantèlement des services publics toujours plus importants. L’Europe de Maastricht est alors celle de la soumission à un libéralisme excessif qui imprègne de toute force les institutions européennes telles que la BCE ou la Commission européenne.
L’enjeu du parti durant les années 90 est alors de rompre avec cette étiquette d’eurosceptique. L’ancien secrétaire national du parti exprime devant le Comité national “Nous sommes pour l’Europe mais contre l’Europe actuelle”. Le manifeste électoral de 1999 du PCF affirme donc la démarche “europrogressiste” du parti. Cette idée est perçue par certains électeurs comme le signe d’une compromission avec l’Europe libérale de Maastricht, et d’une capitulation face au Parti Socialiste.
Enfin, le parti appelle de nouveau à voter contre le Traité constitutionnel européen de 2005. De nombreux analystes expliquent cela par la “déprolétarisation” du PCF qui s’accélère dans les années 90, notamment François Platone et Jean Ranger dans les adhérents du PCF en 1997, qu’il en soit de ses adhérents et de ses dirigeants. Et également du fait des nécessaires alliances électorales, telles que celle de 2009, avec le Front de gauche rassemblant le PCF, le Parti de gauche et la Gauche unitaire.
La position du Parti communiste français a ainsi oscillé d’un euroscepticisme aux accents souverainistes, à un antilibéralisme davantage en accord avec l’idée d’Europe.
Programme communiste pour les élections européennes de 2024
Pour ce qu’il en est d’aujourd’hui, la position du parti reste ancrée sur les domaines du social tel que le développement des services publics. Pour lesquels il entend mettre fin à leur libéralisation, désengorger l’enseignement et la recherche des politiques néolibérales, ou encore dé-marchandiser la logique qui ronge le domaine de la santé.
Ensuite, le parti entend lutter radicalement contre l’évasion fiscale et les délocalisations. Il adopte toutefois une position ambivalente sur la question de la souveraineté, en prônant une politique commune en matière d’agriculture, de pêche et d’alimentation. Et affirme à la fois en première orientation la garantie de la souveraineté démocratique des peuples. L’euroscepticisme qui a longtemps défini le PCF est alors loin de représenter les idées qui habillent celui d’aujourd’hui, ne se cachant pas de son goût pour une certaine construction européenne.
Enfin, quant aux traités européens, dont il refuse le caractère libre-échangiste, le Parti communiste prône de nouvelles coopérations économiques, notamment sur les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation. Celui-ci souhaite étendre les coopérations politiques européennes à d’autres projets, notamment environnementaux.
Le Parti communiste français fonde sa campagne sur 3 propositions claires : indexer les salaires sur l’inflation, sortir du marché européen de l’énergie pour baisser les factures et imposer l’égalité salariale entre femmes et hommes
CF : Pourquoi avoir décidé de s’engager dans cette campagne européenne avec le Parti communiste ?
RS : On a décidé de s’engager dans le cadre de cette campagne européenne, comme la dernière, pour faire valoir les intérêts des salariés, des familles populaires, des retraités et des jeunes. On sait combien les politiques publiques à l’échelle de l’Union européenne impactent nos vies au quotidien, que ce soit sur les enjeux des services publics, de l’énergie, des transports, du pouvoir d’achat.
On sait aussi combien cette Union européenne libérale a pu faire du mal aux travailleurs de ce pays. Et, pour nous, il est important de faire entendre la voix du monde du travail. C’est le sens d’une présentation d’une liste du Parti communiste français, qui est une liste qui rassemble d’autres organisations de gauche et aussi des travailleurs, syndicalistes de ce pays qui mènent des luttes au quotidien pour la question des rémunérations, des conditions de travail ou du pouvoir d’achat. Autant de thématiques qu’on souhaite déployer pour cette campagne des européennes.
CF : Pour vous quels sont les 3 enjeux majeurs de ces élections du 9 juin ?
RS : Tout d’abord la question du travail, celle des rémunérations, des conditions de travail. On souhaite que cette Union européenne qui met en concurrence des peuples entre eux soit au contraire plutôt un instrument de progrès social, de convergence vers le haut. Plutôt que ce qu’elle est actuellement, c’est-à-dire une énorme machine soit, à délocalisation, soit de réduction des droits des travailleurs. C’est ce pour quoi nous faisons un certain nombre de propositions, que ce soit sur l’encadrement des salaires de 1 à 20 dans les entreprises, sur la question de l’indexation des salaires sur l’inflation.
La question de l’énergie est aussi pour nous un enjeu majeur, car la France dispose d’atouts clés dans le domaine avec un mix énergétique s’appuyant sur le nucléaire et le renouvelable, une électricité largement décarbonée et un coût de production relativement faible comparé à d’autres coûts de production notamment à partir d’énergies fossiles. Et on souhaite que justement dans le cadre de ce scrutin européen nous mettions en avant les points forts de notre pays dans le domaine, pour répondre aux défis du changement climatique.
Et nous contestons les orientations libérales dans le domaine énergétique ; notamment avec le marché européen de l’énergie, qui a totalement décorrélé les prix de l’énergie des coûts de production avec un effet majeur sur les porte-monnaies de nos concitoyens. Quand on dit qu’on est contre le marché européen de l’énergie, ça ne veut pas dire qu’on est contre les coopérations à l’échelle du continent et au-delà, mais qu’on conteste un marché libéralisé de l’énergie. C’est ce que l’on porte dans ces élections européennes et on propose à l’inverse un grand service public national de l’énergie s’appuyant sur un mix énergétique nucléaire.
Le 3ème enjeu pour nous est la question de la défense de nos services publics, de notre capacité à répondre aux besoins de nos habitants sur les volets de la santé, de l’éducation et bien d’autres sujets encore. Cela nous amène à contester les orientations libérales prises depuis des décennies, les traités issus du Traité constitutionnel européen qui encadrent et viennent contraindre les dépenses des Etats.
CF : Pourquoi les jeunes doivent-ils aller voter le 9 juin prochain ?
RS : On estime que les jeunes doivent aller voter parce que la campagne des européennes et les institutions européennes touchent au quotidien de notre vie, en particulier de celles des jeunes. Il faut aller voter aux élections européennes, sinon c’est l’institution européenne libérale qui s’occupe de nous. Et c’est l’occasion aussi dans un scrutin proportionnel de mettre en avant des propositions que l’on soutient, d’aller soutenir des listes avec des propositions qui nous tiennent à cœur parce qu’il n’y a pas de vote utile dans une élection européenne. Chaque voix de gagnée et notamment à gauche est une voix en moins pour la droite et l’extrême droite. Et si demain la liste du Parti communiste français fait 5% c’est au moins 5 personnes issues du monde du travail qui feront leur entrée au Parlement européen et ça ne pourra que contribuer qu’en positif au rapport de force.