Outre les 105 000 manifestants à Paris, 110 autres marches se sont déroulées dans le reste du pays, rassemblant un peu moins de 80 000 personnes. 7 500 personnes étaient réunis à Marseille, 5 000 à Strasbourg ou encore 3 000 à Nice et Lyon.
Une recrudescence des actes antisémites en France
Cette marche fait évidemment écho avec la guerre que se livrent Israël et le Hamas depuis le 7 octobre dernier, mais ce soutien aux juifs de France et du monde intervient également dans une période de recrudescence des actes antisémites sur le sol national. Gérald Darmanin annonçait au micro d’Europe 1, le 14 novembre, que 1 518 actes ou propos antisémites avaient été recensés en France depuis le 7 octobre. Soit “trois fois plus d’actes de haine contre nos compatriotes juifs en quelques semaines que pendant toute l’année passée”, selon le président de la République.
Tags, violences verbales et physiques ou menaces sur les réseaux sociaux, les exemples ne manquent pas pour souligner l’augmentation de cette violence antisémite depuis plusieurs semaines. Ces agissements traduisent une véritable fracture du pays sur la guerre entre Israël et le Hamas.
Une marche comme celle-ci est souvent source de divergence dans la sphère politique. Alors si les absents ont toujours tort, qu’en était-il dans ce cas ?
Des absences qui posent question
L’absence la plus remarquée est évidemment celle du président de la République, Emmanuel Macron, qui a tout de même envoyé une grande partie de son gouvernement sur le terrain, dont la Première ministre Elisabeth Borne, et quelque 25 ministres. Ce dernier, interpellé par l’arrière petite-fille du capitaine Dreyfus en marge des commémorations du 11 novembre, a expliqué “ne jamais [avoir] été à une manifestation quelle qu’elle soit”, avant d’ajouter que son rôle était “de bâtir l’unité du pays, en action”. En effet, il est vrai que le président n’est jamais descendu dans la rue. Il s’est tout de même adressé aux Français à travers une lettre, publiée par Le Parisien, dans laquelle il a appelé les Français à l’unité.
Malgré cela, les critiques ont fusé envers le chef de l’État, dans tous les partis. Le député Les Républicains, Olivier Marleix s’est interrogé pendant la marche. “En ne venant pas, il veut ménager qui ? Les antisémites ? Ce n’est pas en se cachant qu’on défend les valeurs de la république”, a-t-il déclaré. Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, s’est montrée plus modérée envers le chef de l’État. “Il faut surtout qu’il agisse (…) marcher c’est bien agir c’est mieux”, a-t-elle affirmé pendant la marche. De son côté, Éric Zemmour, président du parti Reconquête!, présent à la marche, n’a pas manqué de critiquer l’absence du président le 11 novembre dernier.
Seul Jean-Luc Mélenchon a approuvé l’absence du chef de l’État “Macron a raison (…). Comme lui et moi, ne vous laissez pas embobiner” a-t-il écrit sur X (ex-Twitter). En effet, Jean-Luc Mélenchon et son parti sont les seuls à ne pas s’être rendus à cette marche. Le chef des Insoumis, dont le parti enchaîne les polémiques depuis le début de la guerre, a fermement dénoncé la présence de l’extrême droite dans les rangs des manifestants, ainsi que l’inaction du gouvernement dans la recherche d’un cessez-le-feu. Depuis, Emmanuel Macron a appelé à un cessez-le-feu, lors d’une conférence humanitaire sur la situation à Gaza le 9 novembre.
Le parti a annoncé sa décision par un communiqué, publié le 8 novembre sur son site. “Lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme est impraticable aux côtés d’un parti qui trouve ses origines dans l’histoire de la collaboration avec le nazisme”, explique le communiqué.
Là encore, cette absence à fait du bruit, et isole La France Insoumise du reste de l’échiquier politique, même à gauche. Le Parti socialiste, Europe Ecologie les Verts et le Parti communiste se sont, quant à eux, rendus à la manifestation.
La présence du RN a fait débat
De l’autre côté, une présence a, elle aussi, défrayé la chronique : celle du Rassemblement national. Pour beaucoup, il est impensable de marcher contre l’antisémitisme avec un parti associé à la haine des juifs. Les mots de Jordan Bardella quelques jours avant la marche n’ont pas arrangé les choses.
Ce dernier déclarait en effet au micro de BFMTV le 5 novembre, ne pas croire à l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, bien que ce dernier ait été condamné six fois pour négationnisme et allusions antisémites. L’ensemble de leurs adversaires politiques se sont satisfaits de ce qui semblait être une erreur stratégique du président du Rassemblement national. Ils observent dans celui-ci, un effritement de la tentative de dédiabolisation du parti d’extrême droite.
La France Insoumise s’est indignée de la présence du parti et de ses représentants. Quant à la majorité, les discours se sont quelque peu effrités selon les personnalités. Si Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, estime que “les temps ont changés” mais pas le RN, il dénonce une mutation du parti “pour gagner par la ruse”. L’homme politique estime que le RN s’est trouvé un nouvel ennemi, et peut donc se “rapprocher” des juifs. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se veut plus conciliant. Bien qu’il rappelle que “personne n’est dupe. Le RN a été fondé par des antisémites (…) ce n’est pas le parti de la blanche colombe”. Il estime cependant que “devant les drames que nous vivons, ce n’est pas le RN qui marche qui est le problème”.
Une partie des Français et des manifestants se sont eux aussi indignés de la présence du parti d’extrême droite dans les rangs de la marche. Mais l’essentiel était ailleurs. Des centaines de milliers de personnes ont porté leur voix pour une cause, dans une marche qualifiée quasi-unanimement de « digne », sans heurts.