L’enjeu est de taille. Après plus de 15 ans de discussions, dont quatre années de négociations formelles, la troisième et « dernière » session à New York a finalement porté ses fruits. Les États membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord samedi 4 mars sur le premier traité international de protection de la haute mer. Ce traité est destiné à faire obstacle aux menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité. En recouvrant plus de la moitié de la surface de la planète, la haute mer cache dans ses profondeurs des ressources colossales qui suscitent bien des convoitises.
Qu’est-ce que la haute mer et pourquoi la préserver ?
La haute mer, appelée aussi communément eaux internationales, commence à 370 km des côtes. Elle se situe au-delà des zones économiques exclusives (ZEE). Ces zones sont sous la souveraineté des États côtiers. Elle représente 65 % de la surface de l’océan mondial (soit 90 % de son volume). De plus, elle occupe 50 % de la surface de la planète.
Les eaux internationales sont précieuses. Une respiration sur deux est possible grâce à l’oxygène produit par le plancton végétal océanique contenu dans la haute mer. L’océan a absorbé entre 25 % et 30 % du CO₂. Mais également 90 % de la chaleur émis dans l’atmosphère par les activités humaines. En absorbant et en stockant le principal gaz à effet de serre, l’océan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat.
30 % des océans protégés par le traité
Le traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » va introduire l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer.
Entre autres, il ouvre la voie à la création d’aires marines protégées dans tous les océans du monde. Il permet aussi le partage des bénéfices de l’exploitation des immenses ressources génétiques marines.
La pêche, l’exploitation du pétrole et du gaz, qui menacent ce sanctuaire, devraient être régulées. « Ça veut dire, soit des zones intégralement protégées, où aucune activité humaine n’est permise. Pas de pêche, pas de transports maritimes, pas d’extractions minières. Et des réserves hautement protégées, avec des activités humaines qui peuvent prendre place, mais qui vont être encadrées et réglementées », explique Hélène Bourges, responsable des campagnes Océans chez Greenpeace France.
Au-delà de la distance de 370 kilomètres des côtes, les règles de l’ONU s’appliqueront. En tout, c’est 30% des océans qui devraient être protégés.
À qui appartiennent les ressources marines en haute mer ?
La particularité de la haute mer est qu’elle n’appartient à personne et qu’elle est donc sous la responsabilité de tous. Seule l’exploitation du sol et du sous-sol marins appelée “la Zone » est contrôlée par l’Autorité internationale des fonds marins. Cette autorité réglemente la prospection et l’exploitation minière.
Mais cela va changer ! Le texte devrait prendre en compte le partage des bénéfices. Ces bénéfices se partageront entre les pays ayant les moyens d’y pratiquer des recherches et expéditions et les pays en développement qui n’en ont pas les moyens, pour permettre un juste partage.
Les ressources marines génétiques, une vraie mine d’or
Vivants en haute mer, les ressources marines génétiques représentent une vraie mine d’or. Ces organismes et micro-organismes qui peuplent les océans sont étudiés depuis une cinquantaine d’années. L’objectif est, entre autres, mettre au point de nouveaux médicaments. Il peut s’agir de virus, de bactéries, de champignons ou d’animaux dont les propriétés pourraient être miraculeuses… Et par conséquent rapporter beaucoup d’argent pour les lobbys pharmaceutiques.
En 2017, le marché mondial des biotechnologies marines était ainsi estimé à 3,8 milliards de dollars.
Le traité régulera-t-il totalement la haute mer ?
Si l’accord signé samedi par les États membres de l’ONU est historique, tout n’est toutefois pas gagné pour les eaux internationales. Le contenu exact du texte n’a pas été publié dans sa totalité. Mais les militants l’ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité. « C’est un jour historique pour la conservation et le signe que, dans un monde divisé, la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique », a déclaré Laura Meller, de Greenpeace. Si l’on peut d’ores et déjà saluer l’idée de la création d’aires marines protégées reste à savoir comment cette protection sera accordée aux différents espaces concernés.
Le traité au contenu désormais gelé sur le fond, sera formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU.