Le pays scandinave, souvent assimilé à la tranquillité est parcouru par une vague de violences inédites. Une « guerre des gangs » fait rage dans les rues de Stockholm depuis la fin de l’année 2022. Les règlements de compte augmentent, tout comme les explosions, qui ont doublé en quelques mois.
Bien entendu, la présence de gangs n’est pas une nouveauté en Suède. Dans les quartiers sensibles des grandes villes, des bandes se sont créées depuis les années 90. Cependant, la plupart de ces gangs ont été démantelés après une vague d’opérations policières ces dernières années. Il ne reste alors que des groupes éparpillés, sans vraiment de ligne de conduite. Cela ne signifie pourtant pas la fin des anciens affrontements entre rivaux, au contraire.
Une violence de plus en plus jeune
Plus que la violence, ce qui inquiète vraiment est l’âge des membres. En effet, de nombreux observateurs voient une réduction significative des auteurs des fusillades. Parmi eux, Evin Cetin, autrice d’un livre sur le recrutement de jeunes hommes dans les gangs en évoquant notamment des « enfants soldats », terme repris en masse dans les médias. La violence touche ces « enfants » dans les deux sens. Ils la font et la subissent. Un jeune homme de 15 ans a par exemple été tué par balles dans un restaurant, par deux jeunes hommes d’un gang voisin le 28 janvier dernier.
La plupart des jeunes hommes sont recrutés parmi les immigrés. Nombreux sont ceux qui débarquent seuls, sans parent, donc sans cadre. Nombreux sont ceux qui ne trouvent pas de travail, ni n’arrivent à s’intégrer facilement. Alors, les gangs les approchent. Ils leur offrent une famille, une intégration et un salaire facile avec la drogue. Si les gangs vous acceptent, il faut cependant faire ses preuves. Et dans la rue, cela signifie souvent avoir recours à la violence.
Mais est-ce la seule raison de cette montée soudaine des violences ?
Les raisons de la montée de la violence
La Suède est désormais le pays européen le plus touché par les violences liées aux gangs. L’année 2022 a établi un record avec 63 morts contre 45 l’année précédente. En 2021, près de 350 fusillades avaient fait des centaines de blessés. Mais la violence semble avoir pris un tournant. Elle est plus systématique, et surtout plus fréquente qu’auparavant.
Selon un rapport du gouvernement suédois publié en 2021, la criminalité est en nette augmentation dans le pays scandinave depuis 2014. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette recrudescence. L’une des principales d’après certains reste l’immigration, alors que le pays devient progressivement l’une des terres d’accueil privilégiée pour les migrants. Bien sûr, les gangs étaient déjà présents, leur taille est simplement en train de grimper en flèche. L’immigration devenue massive entraîne une ségrégation de certains habitants, notamment dans les grandes villes comme Stockholm. Les périphéries de ces villes sont aujourd’hui touchées par la pauvreté, une des causes de l’adhésion à un gang, notamment chez les plus jeunes. Seulement, ce n’est pas l’appât du gain qui provoque seul cette violence. Non, elle est essentiellement la conséquence des trafics de drogues et d’armes, dont les gangs cherchent à contrôler le marché plus que le voisin.
Cependant, d’anciens membres de gangs interviewés par Arte expriment leur inquiétude quant à la situation actuelle. Les groupes, aujourd’hui désorganisés, cherchent avant tout le respect, et plus nécessairement le contrôle des trafics. Un simple regard mal interprété peut entraîner la mort. D’autant plus que la présence de nombreuses armes en provenance des Balkans facilite une violence mortelle.
Les réactions politiques
Si toutes les franges politiques suédoises déplorent l’augmentation de la violence dans le pays, les réactions divergent entre droite et gauche. Les premiers souhaitent se focaliser sur le contrôle de l’immigration, principale causes des violences selon eux. Alors que pour la gauche, la prévention apparaît être la meilleure manière de contrer la criminalité.
Du côté du gouvernement, le nouveau Premier ministre conservateur Ulf Kritersson n’a pas été tendre avec les gangs en qualifiant ses membres de « terroristes de l’intérieur » et appelant à « faire des choses que nous n’avons jamais faites en Suède ». Autrement dit, il souhaite renforcer les politiques sécuritaires voire les politiques d’immigration.
Sur le terrain, la police de Stockholm a fait appel à des renforts d’autres régions suédoises le 21 janvier dernier.
Les réactions politiques sont renforcées par la recrudescence des violences durant la campagne électorale à l’été 2022. Campagne durant laquelle les thèmes de l’immigration et de la lutte contre le crime organisé ont fait un bond significatif dans le paysage politique. La montée de l’extrême droite, des manifestations et des affrontements entre milices et forces de l’ordre ont-elles participé à l’augmentation générale de la violence dans le pays ?