L’ombre de l’agro-business plane derrière cet assaut spectaculaire mené contre les institutions de la démocratie brésilienne. Les grandes fortunes de l’agro-industrie ont-elles affrété les bus et financé l’opération menée par des inconditionnels de Jair Bolsonaro ? L’enquête est menée au pas de charge, et des arrestations pourraient très vite intervenir promet le gouvernement. La seule certitude concernant ce secteur toujours florissant de l’économie brésilienne, c’est qu’il a été un pilier de la présidence Bolsonaro. Son ministre de l’Agriculture, surnommé le « roi du soja », était l’un des représentants du lobby agricole.
Ces puissants opérateurs ont largement financé sa campagne électorale
Ils partagent le logiciel idéologique de Bolsonaro. Son arrivée au pouvoir a libéré leur parole jusqu’alors contenue. Les convictions racistes sont profondément enracinées parmi les grands propriétaires terriens du Sud, qui trouvent le Nord du pays, trop pauvre et sous-développé. Une région où Bolsonaro a facilité l’essor de l’agriculture intensive qui leur est chère avec le retour d’une déforestation sans entrave. Le fossé entre ces deux Brésil parait encore plus béant aujourd’hui, mais ces ultra-conservateurs sont aussi des hommes d’affaires, ils n’ont pas vraiment intérêt à ce que la présidence Lula sombre dans le chaos. Cela reviendrait à « se tirer une balle dans le pied », estime le consultant Olivier Antoine, spécialiste des questions agricoles en Amérique latine. Ils sauront s’entendre avec le président réélu, comme ils l’ont fait par le passé.
Lula avait fait des exportations agricoles brésiliennes une arme diplomatique
Maintenant qu’il est revenu au pouvoir, il ne va pas arrêter une machine qu’il a contribué à lancer, le lobby agricole pourra compter sur lui, même si sa politique environnementale n’est pas de leur goût. L’an dernier, les exportations agricoles ont bondi, propulsées par la demande et la hausse des cours. Plus 20 % en valeur pour le soja. Cette embellie des exportations agricoles est bienvenue, c’est l’un des derniers atouts du Brésil. Elle ne va pas durer, les cours devraient s’affaisser cette année en cas de récession. Au début des années 2000, le boom des matières premières a servi la croissance brésilienne et donc le programme de redistribution de Lula. Ce super cycle est terminé. Le défi de Lula est de réconcilier un pays plus divisé que jamais avec des marges de manœuvre assez limitées.
Le Covid a fragilisé les finances publiques du Brésil
L’endettement s’est accru, il représente 90 % du PIB, et la politique menée par Bolsonaro a desservi l’industrie. Après cette crise politique qui augmente la prime de risques sur les actifs brésiliens, le président Lula sera donc sous la surveillance accrue des marchés pour réparer les fractures entre le Nord et le Sud, entre le Brésil des pauvres et celui des riches. Il devra aussi agir en convainquant les investisseurs étrangers, sur qui il compte pour redresser l’économie. Les milieux d’affaires attendent avec impatience la présentation de ses premières mesures économiques, car pendant sa campagnes Lula est resté très flou sur son programme d’après eux. Les annonces étaient prévues cette semaine. Hier, elles ont failli être reportées. Mais l’agenda est finalement maintenu. Le président Lula confirme qu’il est en mesure de gouverner, un premier signal rassurant pour les marchés.