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Espagne : La loi sur le consentement encore en rodage

L'Espagne entre dans le cercle fermé des pays européens ayant porté la notion de consentement dans le Code Pénal. Avancée majeure certes, mais non sans débat sur son application. Retour sur les origines et les tensions autour de cette loi historique.

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez à Madrid le 30 juillet 2022. © AP - Armin Durgut
Au départ, une initiative historique

C’est une avancée majeure en Espagne, le 7 octobre, la loi sur le consentement est entrée en vigueur en Espagne. En effet, après le vote du Parlement en août 2022, elle peut désormais être appliquée juridiquement. Plus encore, la notion de consentement explicite est désormais inscrite dans le Code Pénal espagnole. Le pays ibérique rejoint ainsi le cercle très fermé des pays ayant inscrit le consentement au cœur de la définition du viol. Pour le moment, seuls l’Allemagne, la Belgique ou encore la Suède avaient sauté le pas.

« Enfin, notre pays reconnaît dans la loi que le consentement est ce qui doit être au cœur de toutes nos relations sexuelles. Aucune femme ne devra avoir à prouver qu’il y a eu violence ou intimidation dans une agression pour que celle-ci soit considérée comme une agression sexuelle » déclare la ministre de l’Egalité Irène Montero. Malgré son enthousiasme, la loi est aujourd’hui vivement critiquée.

Si le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez avait promis d’adopter une loi sur le consentement explicite dès son arrivé au pouvoir en 2018, sa tentative ne semble pas porter totalement ses fruits.

Irene Montero, ministre de l’Egalité en Espagne. / GTRES

Quels sont alors les dessous de cette affaire ?

Le scandale de « la meute »

Pour comprendre les origines de cette loi, il faut remonter en 2016 lors des fêtes de Pampelune, lors de la fête de Saint Sermin, plus précisément. Lorsque cinq hommes sévillans âgés de 27 à 29 ans, se surnommant eux-mêmes « la meute », violent une jeune madrilène de 18 ans. L’indignation et la colère commencent à se répandre en Espagne, où les manifestations débutent dans certaines villes.

Cependant, c’est le procès des cinq hommes qui met véritablement le feu aux poudres. Si chacun est condamné à neuf ans de prison, les charges retenues contre eux sont fortement critiquées. En effet, alors qu’une vidéo de l’agression existe – les cinq hommes ont eux mêmes filmé la scène avant de se la partager sur WhatsAapp – la notion de viol n’est pas retenue. La « meute » est condamnée pour « abus sexuels » aggravés « d’abus de faiblesse ».

Le consentement est au cœur du procès. Pour les agresseurs, comme pour leur avocat, la jeune femme était consentante, elle n’avait pas expressément dit « non ».

Ce procès déclenche une vague de colère chez les espagnoles, des manifestations au son de « solo un si es un si » (« seul un oui est un oui ») se répandent dans toute l’Espagne. Sur les réseaux sociaux aussi la poudre prend. Le hashtag YoSiTeCreo (« je te crois, ma sœur ») est repris en masse.

En 2017, lors de la première comparution des accusés, des milliers de personnes avaient défilé dans les rues d’Espagne pour montrer leur soutien à la victime. ©epa

Après une année de tensions et de manifestations, « la meute » est jugée à nouveau en 2019. La cour suprême espagnole requalifie la condamnation en « viol en réunion » et les cinq hommes voient leur peine portée à 15 ans de prison.

Depuis, la loi a évolué. Pas les débats.

Divergences politiques et scandales

Si la loi suscite de l’enthousiasme dans son aspect, son application n’est pas tant approuvée. En effet, elle est depuis peu au cœur d’un « séisme politique et judiciaire ». Le problème majeur soulevé par de nombreux membres de l’opposition est l’absence de distinction entre les notions de viols et d’abus sexuels. De plus, la mise en place d’une fourchette plus large de peines permet à certains détenus de bénéficier d’une réduction de peine.

Selon El Périodico de Catalunya, la loi a désormais des « effets indésirables ». En effet, ce serait déjà cinq détenus qui auraient profité des changements pour être libérés. Des dizaines d’autres dossiers seraient en cours d’examen.

Certains juges sont également la cible des récentes critiques. Ceux ayant allégé certaines peines sont accusés par la ministre de l’Egalité elle-même « d’enfreindre la loi » et de « machisme ». De nombreux membres de l’opposition réclament sa démission. La ministre est en effet jugée responsable par certains politiques des « dérives » de la loi.

Malgré les complexités, la loi sur le consentement apparaît comme une avancée majeure dans la lutte contre les viols, ainsi que dans la lutte contre l’impunité de certains agresseurs. L’initiative espagnole pourrait-elle inspirer d’autres pays d’Europe ? Pourrait-elle influencer la France ?

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