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Interview – Docteur Jean-Marc Sène : « Nous devons favoriser le fait de faire du sport pour la santé ! »

Pour CSactu, nous avons eu l'opportunité de rencontrer Jean-Marc Sène, médecin du sport à Paris XIIIème. Le Docteur Jean-Marc Sène est un médecin généraliste spécialisé dans le domaine du sport, c'est à dire qu'il s'intéresse à la médecine, aux pathologies et à l'activité physique et sportive. Durant sa carrière, le Docteur Jean-Marc Sène a eu l'opportunité de suivre diverses sélections nationales en tant que médecin dont la sélection de judo qu'il a suivi durant 8 ans mais aussi de rentrer au CNSD (Centre National de Sport et de Défense) à Fontainebleau. De nos jours, il s'occupe de sportifs qui pratiquent le MMA. Il contribue également à la démocratisation de la pratique d'une activité physique et sportive en étant chroniqueur santé pour diverses chaînes de radio et de télévision dont RFI et France 2 et en animant une chaîne Twitch intitulée "Bienvenue chez le doc" pour pouvoir parler aux jeunes. S'il nous reçoit dans le cadre de la Foire du Livre de Brive, c'est également pour nous parler de son livre intitulé "Le Sport : je me lance !" paru aux éditions In Press et pour délivrer un message de prévention à la jeunesse.

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Jean-Marc Sène présente son livre "Sport, je me lance" à la Foire du livre de Brive (Source : Valentin Francy/CSactu)
Pourquoi avez-vous fait le choix de devenir médecin du sport ?

Jean-Marc Sène : J’ai choisi de me tourner assez tôt vers la médecine du sport car je voulais allier à la fois le sport qui est une de mes passions et la santé, la médecine qui est une autre de mes passions. Je vous avoue que quand j’ai commencé la médecine, je ne savais pas que cette « spécialité » existait. C’est après que j’ai découvert que cela existait et j’ai donc fait le choix de partir dans cette branche de la médecine pour pouvoir m’occuper de patients, de choses liées à ce domaine. Je trouve cela absolument passionnant et depuis que j’ai commencé tout cela, j’avoue qu’il n’y a pas un jour qui passe sans que je prenne de plaisir à exercer dans cette spécialité.

Comment définiriez-vous ce qu’est la médecine du sport ?

JMS : La médecine du sport relève de la pratique de la médecine dans un contexte. C’est à dire qu’elle dépend de la médecine générale. On parle aussi de médecine holistique, c’est à dire qui s’intéresse à l’individu dans sa globalité et dans un contexte particulier qui est celui de l’activité physique ou sportive. C’est extrêmement intéressant car c’est de la médecine qui s’intéresse au corps en fonctionnement ! En cela, elle fait appel a beaucoup de notions physiologiques et d’anatomies. Il s’agit donc d’une médecine de contexte et de fonctionnement.

Suite à l’obtention de votre diplôme d’Etat de docteur à l’Université de Tours en 2001 et au passage d’une capacité de médecine et de biologie du sport à l’Université Paris VI, vous avez l’opportunité de devenir médecin de l’équipe de France féminine des moins de 19 ans de football de 2005 à 2009. Qu’avez-vous appris en étant en contact avec des jeunes athlètes ?

JMS : Il est vrai que cette expérience avec l’Équipe de France féminine des moins de 19 ans de football a été mon premier contact avec des sportifs de haut niveau. Cette expérience a été extraordinaire dans ma formation. Tout d’abord parce que j’approchais un domaine dans lequel je voulais réellement exercer et puis parce que je concrétisais également mon rêve de devenir médecin du sport.

Cela a également été l’occasion pour moi de partir vivre et partager des émotions très fortes avec cette équipe féminine puisque les Championnats d’Europe, les Championnats du Monde produisent de telles émotions.

D’ailleurs, à l’époque, on ne parlait pas beaucoup du sport féminin et donc du foot féminin par conséquent. Personnellement, j’y croyais beaucoup et surtout je me rendais compte de l’énergie, de la volonté que ces sportives avaient !

J’avoue que cette première expérience a été absolument fondatrice et m’a vraiment aidé à confirmer que c’était ce que je voulais faire. J’y pense toujours avec émotion d’ailleurs car il s’agit vraiment d’un souvenir extraordinaire. À chaque fois que je croise des joueuses qui, pour certaines d’entre elles jouent encore, à l’image de l’actuelle capitaine de l’Equipe de France féminine de football, Wendy Renard, que j’ai connu toute jeune, toute débutante, j’avoue que j’ai toujours de l’émotion quand je les vois jouer, quand je vois qu’elles ont grandi et qu’elles sont devenues de très grandes championnes.

Vous avez également été médecin au sein du Centre National des Sports de la Défense ( CNSD ) à Fontainebleau. Quelle était votre mission au sein de cette école en qualité de médecin militaire ?

JMS : J’avais pour mission de suivre des athlètes. Il faut savoir que le ministère de la Défense soutient le sport de haut niveau en « employant des sportifs de haut niveau pour les aider à se développer dans le sport ». Cela a été le cas de Martin Fourcade et d’Alain Bernard par exemple qui, avant de devenir les grands champions qu’ils sont, ont eu besoin de développer leur carrière pour pouvoir vivre du sport. Ainsi, le Ministère de la Défense leur permet d’avoir une solde, autrement dit un salaire, qui leur permet de vivre et de développer leur activité sportive.

Il s’agissait donc pour moi de participer à leur suivi médical puisqu’ils étaient militaires. J’avais ainsi mis en place ce que l’on appelle un plateau technique d’exploration fonctionnelle, c’est à dire toute une structure qui permet de faire des visites médicales et d’avoir un suivi médical pour ces sportifs de haut-niveau.

Cette expérience a également été extraordinaire pour moi par le fait que j’ai pu côtoyer, dans 34 disciplines différentes, la crème des sportifs qui allaient se présenter aux Jeux Olympiques. J’avoue que là aussi, cela a été quelque chose d’extrêmement instructif et une expérience que je recommencerais cents fois s’il fallait là refaire.

Justement, quels sont les standards de l’institution militaire auxquels vous étiez soumis de par votre grade de médecin militaire ?

JMS : Ce qu’apportait l’institution militaire, c’était la rigueur, le fait d’obtenir des résultats et d’arriver à réussir la mission. Je trouvais que cela était une bonne façon de raisonner et elle m’a tout de suite plu. L’objectif étant de réussir la mission, on se posait la question des moyens nécessaires et de se donner les moyens pour pouvoir la réussir. J’avoue que j’y ai trouvé cette chose là dans l’institution militaire puisqu’elle demandait véritablement cette rigueur là.

De plus, c’était quelque chose qui m’allait et j’en ai tiré une formation complémentaire extrêmement riche bien évidemment. En effet, l’institution militaire souhaite que les militaires se forment toujours et soient à la pointe de la formation, ce que j’ai pu réaliser pendant les années où j’étais dans ce domaine.

Cela a été, sur le plan professionnel, à la fois un élément de perfectionnement extrêmement pointu mais aussi quelque chose extrêmement intéressant . Il s’agit d’un énorme souvenir pour moi et je remercie l’institution militaire qui m’a permis de réaliser tout cela.

De 2012 à 2020, vous intégrez le staff de l’équipe de France de judo. Vous y avez accompagné des champions de la discipline comme Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou par exemple. Quelles sont les exigences du sport de haut niveau pour un sportif et en quoi le sport peut-il être bénéfique lorsque l’on affronte une maladie chronique comme Clarisse Agbenegnou qui est atteinte de fibromyalgie ?

JMS : Il est vrai que cela a été une autre phase extrêmement intéressante de part l’accompagnement d’une des meilleures équipes parmi les équipes de France ou du moins celle qui ramène le plus de médailles notamment aux Jeux Olympiques. Il y a un réel engouement autour du judo en France de par ces exploits, ce qui fait que le judo est devenu une institution sportive en France. J’ai été très fier d’être le médecin de cette équipe parce qu’il y avait un ensemble d’athlètes extrêmement valeureux et valeureuses et aussi parce que j’aime beaucoup les sports de combats !

Là aussi, c’était une expérience très riche. Tout d’abord, vivre et accompagner ces athlètes pour des enjeux sportifs très élevés comme les Jeux Olympiques, les Championnats du Monde, les Championnats d’Europe est très important. Ensuite il faut évidemment souligner qu’il existe un impact médical très important lors de ces compétitions puisque, pour les sportifs de combat, la blessure est très fréquente et j’avais pour rôle d’optimiser la prise en charge de toutes ces blessures. Il y avait donc régulièrement de vrais challenges pour moi, en tant que médecin et cela nécessitait aussi de progresser dans cette prise en charge.

Jean-Marc Sène lorsqu’il était médecin de l’équipe de France de judo (Source : FFJUDO)

Ensuite, lorsque l’on souffre de pathologie chronique, évidemment que c’est la pratique sportive qui va être vraiment intéressante et pas spécialement l’aspect pratique de haut-niveau. C’est le fait de faire de la pratique sportive régulière qui va permettre d’entretenir le fonctionnement de l’organisme de manière générale et de lutter contre les dysfonctions qu’entraînent la pathologie. C’est quelque chose que l’on doit favoriser.

De plus, le fait de faire du sport pour la santé est une notion inscrite dans mon parcours de médecin qui est antérieure à la prise en charge de l’équipe de France de judo et même encore antérieure à la période du CNSD que vous avez évoqué. C’est vraiment dès le départ de ma carrière en 2001/2002 dès que je me suis spécialisé, que je me suis intéressé, dans un même temps, au sport de haut de niveau, au sport santé et à la prescription d’activité physique. On avait même développé au sein de l’Université Pierre et Marie Curie un Diplôme Universitaire de prescription d’activité physique. À l’époque, avec le Professeur Pérès, nous avions même réussi à initier les premiers balbutiements de cette notion ! Ainsi, c’est quelque chose qui me suit depuis très longtemps dans ma carrière.

Depuis janvier 2022, vous êtes chroniqueur dans l’émission Télématin tout en continuant d’exercer votre profession en parallèle. Quel bilan faîtes vous de votre médiatisation ?

JMS : J’ai commencé à participer à l’émission Télématin en octobre 2021 si nous voulons être réellement précis.

Le fait de s’intéresser aux médias de manière générale constitue le prolongement de mon activité médicale qui consiste à sensibiliser à l’intérêt du sport pour la santé. Cette médiatisation date d’avant même Télématin puisque j’ai eu la chance de présenter le Magasine de la Santé pendant une saison avec Marina Carrère d’Encausse et depuis 2015, je suis également chroniqueur sur une émission qui s’appelle Priorité Santé, diffusée par RFI.

Que ce soit sur RFI, que ce soit sur France 5, maintenant sur France 2, et même les petites chroniques que je fais pour Canal+ Afrique qui s’appellent Allo Doc Afrique, j’ai développé cette action là de sensibiliser le grand public au sport et à la santé parce que je trouve que c’est un enjeu de santé publique absolument majeur ! Au-delà de ma prescription de médecin que je peux faire au sein de mon cabinet, informer et sensibiliser sur le thème me paraît particulièrement important. De plus, le fait qu’aujourd’hui, les chaînes publiques s’intéressent à cela est intéressant.

Marina Carrère d’Encausse (à droite) et Jean-Marc Sène (à gauche à la présentation du Magasine de la Santé sur France 5 (Source : Pressa Média)

Pour compléter cet élément, il me paraissait important d’écrire un livre pour continuer à donner cette « bonne parole », c’est à dire donner un outil, ce qui me paraissait manquer. Donner un outil pratique que tout à chacun peut prendre et qui, en l’utilisant de A à Z, peut véritablement reprendre une activité physique.

Enfin, je pensais que les jeunes ne devaient pas être oubliés. Ainsi, j’ai créé une émission sur Twitch qui s’appelle Bienvenue chez le doc : Actualité sport et santé et qui s’adresse aux personnes plus jeunes car on sait que les jeunes regardent moins la télévision, écoutent moins la radio et préfèrent se diriger vers les plates-formes disponibles sur internet pour s’informer.

BIENVEUE CHEZ LE DOC ! N°1 (REPLAY TWITCH) (Source : Chaîne YouTube de Jean-Marc Sène)
Nous vous interviewons dans le cadre de la Foire du Livre de Brive où vous y présentez votre nouveau livre intitulé Le Sport : je me lance ! publié aux éditions In Press comme vous l’évoquiez précédemment. Pourriez-vous nous en dire plus sur celui-ci ?

JMS : Le livre, comme je le disais, est un outil, un guide qui contient un cahier pratique qui va vous aider à reprendre une activité physique. Ce livre est composé en deux grandes parties.

La première partie explique en quoi l’activité physique est bonne pour la santé. On le sait de manière générale mais, quelques fois, il y a des choses qu’on ne connaît pas suffisamment, en tout cas en précision et l’on ne se doute pas à quel point c’est véritablement utile. Par exemple, on vient de sortir d’Octobre Rose et on sait qu’une femme qui a eu un premier abcès de cancer du sein qui se met à faire une activité physique diminue de 48 % et divise par 2 son risque de refaire un abcès de cancer du sein. Il n’y a pas d’équivalent médicamenteux, aucun médicament au monde ne permet d’avoir cette efficacité alors que l’activité physique permet de l’avoir.

Ce genre d’information est importante à savoir et je pense qu’il est important de dire combien cette activité physique et sportive permet d’avoir une efficacité redoutable contre un certain nombre de pathologies.

En quoi votre livre est-il un livre qui concerne la jeunesse et comment analysez-vous le rapport de la jeunesse au sport ?

JMS : Il s’adresse aux jeunes car ils sont exposés à des risques liés à l’explosion de la sédentarité. Les adolescents d’aujourd’hui qui vivent par exemple en région parisienne passent 26 heures assis ou allongés dans une semaine devant des écrans. Cela veut dire qu’un jour sur sept, ils sont assis ou allongés en plus du temps de sommeil classique et des temps de repas.

C’est sans précédent dans l’histoire de l’humanité ! On est entrain de modifier de manière extrêmement profonde et grave le fonctionnement de l’organisme des jeunes générations ! Jeunes générations qui risquent d’en payer un prix extrêmement puissant quand ils seront à l’âge adulte.

À titre d’exemple, sachez que l’os se développe grâce à l’exposition au soleil par la Vitamine D et l’impact que le squelette à sur le sol. Dès lors que nous sommes allongés ou assis, nous n’avons plus cet impact sur le sol, nous n’avons plus l’exposition au soleil évidemment puisque nous sommes à l’intérieur et tout ça nuit à la densification de l’os ce qui peut conduire à de l’ostéoporose plus tard par exemple. Voici un exemple parmi tant d’autres qui pourraient être développés et qui sont des enjeux de santé à venir mais également actuels de la jeunesse.

Sur le plan métabolique, le risque d’avoir des diabètes précoces, d’avoir de l’obésité, de l’hypertension artérielle, des maladies qui ne doivent pas apparaître lors de l’adolescence risquent d’arriver. Il faut donc expliquer qu’avoir cette activité physique est vraiment un enjeux pour eux puisque l’évolution de la société fait que l’on passe de plus en plus de temps devant les écrans. Écrans qui envoient de la lumière bleue et qui perturbent le sommeil, sommeil qui est absolument essentiel pour la récupération et la croissance.

Ce sont donc des informations de ce type là qui doivent être transmises à travers un livre mais aussi grâce aux modes de fonctionnements que les jeunes utilisent. Comme Twitch par exemple, que les jeunes vont regarder plus volontiers, avec des informations qui peuvent être transmises sur YouTube, Instagram, TikTok qui sont des réseaux sociaux très prisés des jeunes aussi. Ainsi, c’est ce vers quoi je souhaite également m’orienter pour pouvoir informer et continuer à aider et sensibiliser toute la population, quel que soit son âge.

Pour conclure cet entretien, quel message souhaiteriez-vous faire passer à la jeunesse ?

JMS : Tout d’abord, qu’il y-a un intérêt à bouger, à faire un mouvement qui est un mouvement plaisir. Cela peut-être à travers le jeu pourquoi pas car la jeunesse aime jouer et c’est important de jouer. Le fait de bouger va être vraiment important. Ensuite, il faut également trouver son mouvement que cela passe par une activité sportive si on aime le sport ou bien une activité autre mais qui permet de se sentir bien et de mettre en mouvement le corps.

C’est un message qu’il est important de faire passer parce que cela aidera à se sentir mieux dans son corps, dans la tête aussi. Cela aidera dans les relations sociales, dans les interactions qui sont extrêmement importantes pour le développement et pour se sentir mieux en société aussi car il est important d’interagir entre nous et à apprendre à se connaître ! Cela aidera aussi a éviter un certain nombre de pathologies.

Ainsi, trouvez votre mouvement, quel qu’il soit, peut importe le sport, peut importe l’endroit où vous le fassiez, sur la durée que vous voulez mais par contre, bougez un minimum et évitez d’être trop sédentaire !

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