Ce documentaire, la réalisatrice Andrea Rawlins-Gaston l’a voulu cru et direct. « L’inceste touche tout le monde et tous les milieux. » Les victimes évoquent avec courage les détails de leurs agressions. Elles racontent comment l’inceste s’est perpétré par un père, un oncle, un frère ou un grand-père. Des premiers attouchements aux bouleversements psychologiques qui les poursuivent jusqu’à l’âge adulte, elles nomment sans détour la réalité de ces agressions. « On l’a vécu, vous pouvez l’entendre », lance Carolane, lycéenne de 17 ans, en introduction du film.
Parmi les témoignages, l’actrice Corinne Masiero révèle pour la première fois l’inceste qu’elle a subi. Elle rappelle que le danger sexuel, généralement perçu comme étant extérieur à la sphère familiale, est en réalité aussi menaçant à l’intérieur. En effet, 80 % des violences sexuelles sur mineur.e.s sont commises au sein de la famille.
La réalité de l’inceste : un silence collectif destructeur
Entre les prises de parole de victimes, la réalisatrice confronte le public aux chiffres impressionnants de l’inceste : il toucherait 10 % de la population française. Comment expliquer le silence collectif face à un phénomène de cette ampleur ? Les témoignages décrivent tour à tour les mécanismes de manipulation mis en place par les agresseurs pour installer un sentiment de honte et de culpabilité dès l’enfance. Le silence de l’inceste n’est presque jamais brisé. Or, comment faire reposer la responsabilité de briser ce tabou sur les victimes quand elles en sont prises au piège ? Ici, l’objectif du documentaire est clair : il revient aussi à l’entourage, à la justice et la société d’apprendre à écouter. Ce film dit l’inceste, le public est enjoint à l’entendre.
Finalement, le documentaire décrit une société enfermée dans un déni de l’inceste. Après le mouvement #MeToo, la libération de la parole a gagné du terrain grâce au hashtag #MeTooInceste. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. Pourtant, le constat demeure le même : lors des agressions sexuelles, les mineurs tentent de parler et de demander de l’aide. Mais si les signes de détresse sont visibles, le mineur n’est presque jamais entendu. Cet aveuglement collectif fait perdurer les actes de violence, pousse ainsi la victime à se renfermer sur elle-même et empêche toute réparation psychologique ou juridique.
Se relever après l’inceste
Face à l’adulte incesteur, l’enfant est paralysé et terrifié, parfois jusqu’à l’amnésie traumatique. Ce mécanisme psychologique de défense provoque un enfouissement partiel ou total des souvenirs des agressions. L’amnésie peut durer des décennies et provoquer une souffrance diffuse que la conscience ne parvient pas à comprendre ni à supporter. Lorsque les souvenirs remontent à la conscience, les victimes vivent alors une deuxième onde de choc, des années après celui de l’agression sexuelle. Parmi les témoignages récoltés par Andrea Rawlins-Gaston, beaucoup racontent leur parcours thérapeutique pour vaincre l’amnésie traumatique et apprivoiser ces souvenirs insupportables.
Devant la caméra, les sept victimes retracent leur combat pour parvenir à une reconstruction personnelle. Mais après des années d’inceste, les conséquences psychologiques sont désastreuses. Tous, sans exception, sont tombés en dépression. Certains évoquent des tentatives de suicide, des addictions à l’alcool ou à la drogue, des modes de vie destructeurs, mais surtout une souffrance profonde et une honte persistante.
Inceste, le dire et l’entendre est un documentaire édifiant sur le pouvoir libérateur de la parole et le devoir d’écoute. Ce film d’utilité publique est à voir et à revoir sur france.tv.