Mardi 4 octobre, le Conseil olympique d’Asie (OCA) a annoncé sur twitter avoir attribué l’organisation des jeux asiatiques d’hiver à une ville qui n’existe pas encore. Cette compétition hivernale devrait se tenir à Neom. C’est une mégapole futuriste en construction dans le désert montagneux de Trojena, dans le nord-ouest du riche état d’Arabie Saoudite.
Situé à 50 kilomètres du littoral de la Mer Rouge, ce secteur montagneux connaît des températures qui « descendent en dessous de zéro degré en hiver et où les températures tout au long de l’année sont généralement inférieures à 10 degrés », affirment les promoteurs du projet. Ces données sont invérifiables pour l’instant. Quand on regarde la météo des villes aux alentours elle est actuellement à 30°C. Mais il peut y avoir des différences de dénivelés. Dans tous les cas, c’est une zone désertique. Ce qui veut dire que, par essence, il y neige peu ou pas.
Des jeux d’hiver dans un état pétrolier du Golfe
Situé sur les bords de la mer Rouge, le projet Neom, estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars et porté par le puissant prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), a été lancé en 2017. Le futur site de Trojena, qui devrait être achevé en 2026, comprendra des pistes de ski ouvertes toute l’année, un lac artificiel d’eau douce, des chalets, des manoirs et des hôtels de luxe d’après les promoteurs.
Les Jeux asiatiques d’hiver comprennent des compétitions de ski, de snowboard, de hockey sur glace et de patinage artistique. Ainsi, cela représente 47 épreuves au total. Selon l’OCA, il y en aurait 28 sur neige et 19 sur glace.
Les problèmes environnementaux
Respecter l’éco-tourisme
Le directeur de Neom, Nadhmi al-Nasr, a affirmé que Trojena serait doté « des infrastructures adéquates pour créer une atmosphère hivernale au cœur du désert, et faire de ces Jeux d’hiver un événement mondial sans précédent ».
MBS occupe le poste de président du conseil d’administration de Neom. Dirigeant de facto du royaume, il a pour sa part promis avec ce projet de « redéfinir le tourisme de montagne dans le monde », tout en respectant les principes de l’éco-tourisme. Il est tout à fait légitime d’en douter quand on sait que l’Arabie Saoudite présente un climat désertique. Là-bas, les températures maximales dépassent les 40 degrés plusieurs mois consécutifs dans l’année. Ainsi la nature doit être modifiée, ce qui va à l’encontre des principes de l’éco-tourisme.
Les associations environnementales alertent sur les risques écosystèmiques.
« Vous êtes en train de changer tout un écosystème naturel (…) et cela peut même avoir des répercussions sur les écosystèmes avoisinants »
Ahmad al-Droubi, responsable de Greenpeace pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.
Les Montagnards français dénoncent le prince d’Arabie Saoudite
En pleine période d’efforts énergétiques, l’attribution des Jeux asiatiques d’hiver 2029 à l’Arabie Saoudite est loin d’être passée inaperçue, auprès des acteurs de la montagne tricolore. Dans un communiqué publié jeudi 6 octobre les stations de ski et professionnels de la montagne en France incriminent cette décision : “Sportifs, élus et opérateurs touristiques de la montagne, nous avons pris connaissance avec sidération du projet d’organisation des Jeux asiatiques d’hiver 2029 en Arabie Saoudite, dans un lieu naturellement pauvre en précipitations et en eau, où il n’existe à ce jour ni station ni piste de ski. Nous ne pouvons que dénoncer ce projet aberrant et totalement à l’opposé de ce qui est souhaitable pour la planète. En tout état de cause, ce n’est pas le chemin que nous traçons pour les stations françaises et pour le ski français.
De notre capacité collective à respecter les accords de Paris (stabilisation des émissions de GES en 2050) mais aussi à gérer durablement les ressources et la biodiversité, dépendra le monde que nous léguerons à nos descendants. C’est à cette condition seulement que les générations futures pourront encore vivre avec bonheur sur notre planète et apprendre le ski” signent l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagnes, Domaines Skiables de France, l’Ecole du Ski Français et la Fédération Française de Ski.
Des enjeux géopolitiques
Des droits humains bafoués
L’Arabie Saoudite est dotée depuis 1992 d’une Loi fondamentale assimilée à une Constitution reposant sur la charia, la loi islamique. L’homicide, le viol, les attaques à main armée, la sorcellerie, l’adultère, la sodomie, l’homosexualité et l’apostasie sont passibles de la peine de mort dans le royaume ultra conservateur. En une seule journée, le samedi 12 mars 2022, 81 personnes ont été condamnées à mort pour des crimes liés au « terrorisme » d’après le royaume.
Cette monarchie absolue a également été entachée par le scandale planétaire de l’Affaire Khashoggi, un journaliste dissident, Jamal Khashoggi aurait été assassiné sur ordre du prince héritier MBS.
Pour redorer son blason, les événements sportifs se sont donc multipliés ces dernières années en Arabie Saoudite. Le royaume de MBS se voit alors accusé par des ONG comme Amnesty de vouloir ainsi détourner les graves violations des droits humains, avec une répression implacable des dissidents politiques, dont des militantes des droits des femmes.
L’Arabie Saoudite après le Qatar
La coupe du monde de football 2022 se tiendra au Qatar dans des stades climatisés où près de 6 000 ouvriers ont trouvé la mort lors de la construction des équipements sportifs et hôteliers. Depuis plusieurs jours, des villes de France de Paris, Lyon, Besançon ont annoncé qu’elles ne diffuseront pas sur écran géant les matchs du Mondial.
Le désastre humain et écologique au Qatar n’a a priori pas servi de leçon aux riches décisionnaires. Quand sera-t-il face à cette nouvelle aberration en Arabie Saoudite, des mesures seront-elles prises en amont afin d’annuler le comble de ses jeux d’hiver dans un pays désertique ?
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