L’Italie demeure le deuxième pays le plus endetté de la zone euro, après la Grèce, et elle sera sans doute soumise à de fortes turbulences sur le marché de la dette. Du moins, c’est ce que que certains craignent avec la succession Giorgia Meloni, la cheffe de Fratelli d’Italia, à Mario Draghi. L’ancien président de la BCE semblait avoir la légitimité pour rassurer les marchés. Fratelli d’Italia, ou Frères d’Italie, aujourd’hui en tête des sondages, au contraire en inquiète plus d’un. Ce parti, que certains qualifient de « post-fasciste », est connu pour son ADN anti-européen.
Aujourd’hui, la dette italienne représente 150 % de son PIB. C’est bien plus qu’en 2010, lors de la dernière crise de la dette qui a fait tanguer la zone euro. Le taux d’emprunt à dix ans de l’État italien s’envole, il a atteint hier 4,2 %. L’écart avec le taux allemand pourrait très vite se creuser et entrer dans la zone critique des 250 points. Un seuil considéré comme explosif. À priori, il semble donc y avoir un vrai danger naissant pour l’ensemble de la zone euro.
Des différences notoires avec la crise de 2010
Tout d’abord, la BCE dispose d’un nouvel outil pour soutenir un pays spécifique. Par ailleurs, l’économie italienne semble être aujourd’hui en bien meilleure forme. C’est le pays de la zone euro qui a connu la meilleure croissance au deuxième trimestre. Il est beaucoup plus solide qu’il y a douze ans pour résister à une crise de la dette. C’est la conviction de l’économiste Julien Marcilly de GSA (Global Sovereign Advisory). Il souligne que les entreprises italiennes, petites et grandes, ont pris l’habitude de s’autofinancer plutôt que d’emprunter auprès des banques, ces dernières sont donc moins exposées au risque de faillite.
Autre signe rassurant : les banques sont bien capitalisées. Avec une nuance tout de même, elles détiennent toujours une portion importante de dette italienne, elles seront donc fragilisées en cas de crise. Par ailleurs, le rebond de l’économie est fragile. La crise énergétique détériore sa balance extérieure, et la productivité des entreprises pourrait souffrir à moyen terme des tensions sur le marché du travail.
Le discours très patriotique de Giorgia Meloni, compatible avec l’agenda européen ?
Son discours électoraliste apparaît comme très patriotique. En s’alliant avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et la ligue du Nord de Matteo Salvini, le parti post-fasciste prône la baisse drastique des impôts avec un taux commun à tous les ménages, et fait beaucoup de promesses de nouvelles dépenses pour aider les retraités ou les habitants des régions déshéritées du Sud. Sans présenter les mesures précises pour les financer, il y a de quoi faire très vite déraper le déficit budgétaire. D’autant plus que les dépenses courantes font déjà exploser les besoins de financement. Voilà de quoi attiser les braises d’une crise de la dette. L’Italie est l’un des principaux bénéficiaires du plan de relance post-Covid : 200 milliards d’euros lui ont été alloués. Or, les versements pourraient être suspendus si le gouvernement sorti des urnes ne réalise pas les réformes demandées.
La favorite des élections prendra-t-elle ce risque?
Ce n’est pas dans l’intérêt de son pays, et ce n’est sans doute pas ce que souhaitent les Italiens; même s’ils s’apprêtent à donner une majorité à un parti anti-européen. Les Italiens sont majoritairement très attachés à l’euro et à ses institutions, d’après tous les sondages. Loin de vouloir croiser le fer avec Bruxelles, Giorgia Meloni cherche au contraire à rassurer en multipliant les fuites dans la presse sur ses échanges réguliers avec Mario Draghi. L’actuel titulaire du ministère des Finances pourrait même rester à son poste. Il a démenti mais la rumeur a tranquillisé les milieux d’affaires. Au lendemain du scrutin, l’attribution de ce portefeuille stratégique sera le véritable test sur ses intentions.