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Christelle Morançais : « La chose essentielle c’est de se lancer, d’oser et surtout de vous épanouir dans la formation que vous faites »

Christelle Morançais, Présidente du Conseil des Pays de la Loire et actuelle porte-parole de la candidate Valérie Pécresse, est revenue sur son parcours professionnel, sa place dans la politique en tant que femme ainsi que son engagement pour la cause des jeunes. Avec des débuts en politique qui sortent de l’ordinaire, c’est en exclusivité qu’elle nous livre cette interview pour notre journal CSactu. 

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Entretien avec Christelle Morançais, Présidente du Conseil des Pays de la Loire, en compagnie d’Alexis Fournet, Président de CS Actu et Coline Blouin, journaliste politique au CS Actu.
Au vu de votre parcours professionnel, il semble que vous n’étiez pas destinée à la politique. Avez-vous des figures, des évènements ou des causes qui vous ont poussés à vous engager en politique ? 

Effectivement je suis nouvelle dans la politique puisque cela date de 2014, donc c’est relativement récent. J’ai toujours été passionnée du débat politique depuis mon plus jeune âge. Cependant, j’ai une carrière dans le privé où j’étais dans le secteur immobilier. J’ai pu y travailler en tant que salarié pour ensuite monter ma propre entreprise. L’évènement « déclencheur » a été les élections municipales de 2014. On est venu me chercher pour devenir tête de liste pour la ville du Mans à six semaines du premier tour. À cette époque-ci, je n’avais aucune expérience en politique, mais je l’ai fait sans vraiment me poser de questions. Cette ville est celle où je suis née, où j’ai grandis et où j’ai fait mes débuts professionnels. Après quelques années à Paris et sur la côte Basque, j’y suis revenue afin de créer mon entreprise. 

Pour moi, il y avait deux manières de voir les choses. Soit vous continuez d’être derrière votre écran en restant mécontent soit vous êtes dans l’action. Et c’est à ce moment-là que je me suis dit que j’avais cette opportunité de changer les choses. Ça a été une expérience difficile, certes, puisque j’étais face à une personne qui était là depuis quarante ans, mais cela a été extraordinaire. Elle reste ma plus belle expérience politique, après l’élection régionale de juin 2021 bien sûr. Je pense qu’avec quelques semaines supplémentaires, j’aurais pu gagner l’élection municipale à cette époque. 

Pensez-vous que des personnalités avec un parcours similaire au vôtre devraient être plus présentes en politique afin de représenter davantage la diversité sociologique de notre société ? 

Un grand oui ! Je suis convaincue aujourd’hui que mon engagement en politique c’est un moment de ma vie que je donne pour mon territoire. Mais de là à faire carrière en politique non. Je pense qu’il faut savoir donner un nouveau souffle, un regard nouveau à la politique, et quels que soient les personnalités et les partis. Comme je dis toujours, le bureau que j’occupe à Nantes ou ici au Mans me permet d’être juste de passage.

À l’inverse, mon engagement et mon engouement sont pleins et entiers. Mon engagement restera toujours pour et jamais contre des hommes et des femmes, ou contre un projet politique. J’aime souvent me dire qu’après mon passage il y aura eu des changements d’effectués et que j’aurais marqué ces améliorations. Je considère donc comme important le fait qu’il y ait des personnes issues d’autres milieux. C’est comme cela qu’on apporte un autre regard et une autre manière de faire de la politique. 

Que diriez-vous au candidat Éric Zemmour qui souhaite revenir à un système centralisé des pouvoirs en réduisant les missions confiées aux collectivités territoriales et notamment aux départements et aux Régions ? 

Je pense qu’il fait l’inverse de ce qu’il faudrait faire. À mon avis, ce n’est pas tant la décentralisation le problème. C’est surtout le fait d’avoir les moyens de pouvoir agir. Pour moi, il y plusieurs enjeux. Tout d’abord, il faut que les élus soient sur le terrain. S’ils sont trop à Paris, il va y avoir une déconnexion avec la réalité. Lorsque j’ai pris mes fonctions en tant que Présidente de Région, en octobre 2017, la marche était haute pour moi. En effet, j’étais Vice-Présidente de la Région et le lendemain je suis devenue Présidente. Je ne devais plus me concentrer sur une seule politique, mais sur l’ensemble des politiques. Tout de suite, j’ai fait du terrain. À l’heure actuelle c’est quelque chose qui me caractérise vraiment. Je souhaitais rencontrer l’ensemble des acteurs : les jeunes, les acteurs économiques, les maires, les personnes en lien avec la transition écologique…

À mon sens, la force des politiques c’est le fait d’agir ensemble. C’est une réelle conviction profonde pour ma part. Ce n’est pas Paris face au territoire ou les territoires face à Paris. C’est bien avec l’ensemble des acteurs que l’on peut agir. Et c’est ce que je fais avec toutes les politiques que je mets en place. J’ai commencé avec l’apprentissage où j’ai instauré un plan pour la relance de l’apprentissage. Mais avant cela, j’ai dû organiser plus de deux cents consultations, un grenelle avec des échanges pour ensuite ajuster la politique en question. 

Nous avons fait de même en ce qui concerne l’orientation dans le cadre du plan de relance avec notamment la crise sanitaire. À ce moment-là, j’étais quotidiennement en relation avec les chambres consulaires, les organisations patronales… Notre objectif était de bâtir ensemble. Je reste convaincue que nous sommes plus forts à plusieurs plutôt que tout seul. C’est comme cela que je vois le rôle de la Région. Tout à l’heure, je vous parlais de la jeunesse et j’ai de grandes ambitions pour 2022 vis-à-vis de cela. Mais pour que ça avance, je dois aller à leur rencontre pour échanger avec eux et envisager ce que l’on peut bâtir ensemble. 

Aujourd’hui, la parité homme-femme en politique a progressé dans notre société. Pensez-vous que l’on puisse l’atteindre pleinement dans les années à venir ? 

Oui je le souhaite ! Mais avant tout, je pense « qu’imposer » une parité n’est pas la bonne solution. J’ai plutôt un message inverse. Aujourd’hui, on a une manière de faire de la politique complètement différente entre les hommes et les femmes. Je considère qu’il y a une vraie complémentarité entre les deux. En revanche, la différence c’est qu’un homme ne va pas hésiter à se lancer et va le faire sans se poser de questions. Une femme, elle, va se demander si elle est capable ou légitime. Le message que j’ai envie de passer aux femmes c’est : OSER ! Oser vous engager. On a besoin de plus de femmes puisque notre regard est complètement différent.

Vous êtes la première femme à avoir été à la présidence des Pays de la Loire en 2017, tout comme Valérie Pécresse est la première femme désignée candidate des Républicains pour une présidentielle. Selon vous, une femme présidente, ça changerait quoi ? 

Mon engagement auprès de Valérie Pécresse est en partie dû au fait qu’elle soit une femme. Je pense qu’il y a un besoin d’apaisement, de rassemblement et d’unité. Valérie Pécresse a prouvé qu’elle en était capable. Face à la brutalité du monde politique d’aujourd’hui, une femme va pouvoir apaiser cela. Comme je le dis souvent, Valérie Pécresse c’est une main de fer dans un gant de velours ! 

Avez-vous une figure féminine en politique qui vous a inspiré ou qui vous inspire encore à l’heure actuelle ? 

Non, je n’ai pas de mentor, qu’il soit masculin ou féminin. En revanche, j’ai une chose qui m’anime au quotidien dans mon engagement en tant que femme politique : mes enfants. C’est ma motivation première. Tout ce que j’ai pu engager, et particulièrement en politique, ce sont eux qui m’en ont donné la force et la motivation. Je peux même dire que mon engagement politique c’est pour eux, notamment mon engagement vis-à-vis des jeunes. D’ailleurs, je pense que c’est ce que nous devons tous porter dans le contexte actuel. La crise est difficile pour l’ensemble des citoyens, et je reste convaincue qu’il faut porter des messages positifs, d’espoir et d’avenir. C’est un grand combat que je mène. Et l’avenir n’est pas pour nous, mais pour vous, les jeunes. Vous êtes les salariés et les chefs d’entreprise de demain donc nous devons tout construire pour vous. 

Est-ce que des dispositifs économiques pour les jeunes ont été mis en place dans la Région des Pays de la Loire ? 

Oui bien sûr. Plusieurs choses ont été mis en place notamment à destination des étudiants comme l’accompagnement pour lutter contre leur précarité. Nous avons également développé un accompagnement psychologique. Il y a une mesure dont je suis particulièrement fière. Bien qu’elle ne soit pas liée à la crise sanitaire, elle a eu beaucoup de résonance pendant cette période. C’est un dispositif sur lequel nous travaillons depuis trois ans. Ce projet consiste en la dotation d’un ordinateur portable pour tous les jeunes qui rentrent en seconde, qu’ils soient dans le public ou dans le privé, et quel que soit les revenus des parents. Je souhaitais une véritable équité entre tous les jeunes.

Pour moi c’est une mesure forte puisqu’il y a une vraie transition qui s’opère avec le numérique. Et je pense que nous devons accompagner les étudiants dès le début de leurs études. Bien évidemment les smartphones sont nombreux. Mais, je pense que cet accompagnement via un ordinateur portable est forte puisqu’ils le garderont jusque dans leurs études supérieures. Cela permet aussi d’accélérer la méthode pédagogique en incitant les professeurs à s’orienter vers de nouveaux moyens d’éducation. Cela a un côté un peu plus ludique. 

J’ai souhaité aller au bout de mon projet en développant le volet orientation. À mon sens, ce sont des compétences partagées entre l’Éducation Nationale et la Région. Effectivement, c’est souvent un moment anxiogène puisque ce n’est pas simple pour vous les jeunes de définir votre orientation, notamment par la pression que l’étudiant peut ressentir par sa famille. Je voudrais ouvrir le champ des possibles en insistant sur le fait qu’il n’y a pas qu’une seule voie possible, il y a en a plusieurs.

Il existe des outils pour aider à choisir cette voie, à connaître les métiers qui recrutent, les différentes formations qui existent sur la Région… J’ai donc voulu également déployer un outil pour les stages. Pour moi c’est vraiment un axe très fort que l’on doit développer. Le but est de faire passer un message : on a le droit de se tromper. La vie est très longue et on peut commencer dans une voie pour ensuite bifurquer. La chose essentielle c’est de se lancer, d’oser et surtout de vous épanouir dans la formation que vous faites. 

Que pensez-vous des manifestations répétées contre le Pass Sanitaire qui se déroulent dans nos régions chaque semaine ? Le droit de manifester et la liberté d’expression doivent-elles se faire au détriment des commerces qui subissent les conséquences de ces désordres publics ? 

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet en décembre 2019 après le mouvement des Gilets Jaunes. C’était au moment de la réforme de la SNCF où les agents faisaient des grèves à répétition et notamment aux veilles des fêtes de Noël. Nos concitoyens étaient donc totalement pénalisés. Je ne remets pas en cause le droit de grève mais je pense qu’il y a quand même des moments où il faut être extrêmement vigilants puisque derrière il y a des personnes qui subissent les conséquences. Ici, je pense bien évidemment aux nombreux commerçants. Oui je suis pour le droit de manifester mais je pense qu’il ne faut pas entraver le service public ou l’ensemble de la société. Et je considère que c’est quelque chose de très important. 

Sur le côté Pass Vaccinal, à mon sens, si on veut s’en sortir, nous devons être solidaires. Nous devons croire en la médecine. Nous avons la chance d’avoir un vaccin et on voit bien que les conséquences entre être vacciné et ne pas être vacciné ne sont pas les mêmes. Oui, on peut avoir la Covid-19 en étant vacciné, mais il y a quand même moins de personnes en centre de réanimation grâce à la vaccination. Je pense qu’il faut faire preuve aujourd’hui de responsabilité. Si nous souhaitons tous nous en sortir et retrouver une vie normale sans masque et pleines de liberté nous devons nous faire vacciner. Il faut croire en la médecine et en la science. Comme je l’expliquais avant, j’ai deux enfants. À leur naissance, ils doivent se faire vacciner contre une multitude de maladies. À l’inverse, beaucoup de pays n’ont pas la chance d’avoir ces vaccins. 

Votre engagement auprès de la jeunesse se démarque en particulier par l’importance que vous accordez à l’apprentissage et à l’alternance. Qu’auriez-vous à répondre aux nombreux jeunes qui se disent sans réponses vis-à-vis de leur demande d’alternance ? 

Je leur dirai de ne rien lâcher. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des jeunes sur la recherche d’un stage ou d’une entreprise, et il ne faut jamais baisser les bras. Un moment ou un autre, il y a aura forcément une porte qui va s’ouvrir. Il ne faudra peut-être pas faire dix demandes, ni cinquante mais peut-être cent. Mais à un moment ou un autre, le travail finit toujours par payer. Je comprends que cela peut parfois paraître démotivant d’avoir des portes qui se ferment les unes après les autres. Mais il ne faut rien lâcher. Je me bats au quotidien pour ce problème notamment en allant voir les chefs d’entreprise et leur expliquant qu’il faut recruter des alternants ou des stagiaires. 

À une période, j’avais même lancé une compagne de communication à destination des chefs d’entreprises en les mobilisant tous. Mon but était de leur expliquer qu’ils ne pouvaient pas abandonner la jeunesse. Il y a une vraie responsabilité aujourd’hui pour ces entreprises : ils doivent vous former. J’encourage et je pousse les chefs d’entreprise à embaucher des jeunes ! Maintenant, à chaque fois que je visite une entreprise, je leur demande systématiquement « mais combien d’alternants vous prenez? ». Nous devons être à votre écoute et à vos côtés puisque vous êtes l’avenir du pays. 

Considérez-vous la proposition de Fabien Roussel concernant le revenu étudiant à 850€ comme pertinente et susceptible d’inciter les jeunes à trouver un emploi ? 

Je m’oppose totalement à cette proposition. Pendant la campagne des régionales, ça a été un des débats. Je pense que ce n’est pas ce que les jeunes attendent. Ce que vous attendez avant tout c’est de l’autonomie, que l’on vous fasse confiance et qu’on vous aide à trouver votre formation et à trouver un emploi. J’ai des valeurs qui me sont chères et importantes à mes yeux. Ce sont le travail et le goût de l’effort. 

J’ai mis en place pour accompagner les jeunes une « prime’o job ». Elle a été votée en octobre dernier. Cette prime a fait polémique au sein de mon opposition. Pour tous les jeunes qui travaillent en même temps de leurs études, en juillet et août ou les week-end pour financer leurs études, j’ai mis en place une prime de 200€. Cette prime est une récompense pour ces jeunes qui font l’effort d’aller travailler et qui ont la notion du goût de l’effort. Mes oppositions étaient persuadées que c’était plutôt une prime pour encourager les jeunes à aller travailler au détriment de leurs études, alors que ce n’était pas le cas. C’est bien une récompense pour ces jeunes qui s’engagent et qui vont de l’avant dans leur vie. 

Que pensez-vous de l’initiative d’un journal pour les jeunes comme celui du CS Actu ? 

Je trouve ça très bien! Le fait que cela soit aussi à l’échelle d’une région permet de voir ce qui se fait ailleurs et d’avoir un regard plus large. Encore une fois, je suis très attachée au bénévolat. J’ai la chance d’être à la tête d’une région où le bénévolat y est très important. Donc, de voir des jeunes qui s’engagent à destination d’autres jeunes pour faire passer des messages, j’ai juste envie de vous dire : bravo à vous ! 

Pour plus d’informations sur la Prim’o Job : https://www.epassjeunes-paysdelaloire.fr/primojob/

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