Le 27 janvier 2025 ont eu lieu les cérémonies commémoratives du 80ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau en Pologne. Symbole de la barbarie nazie, le plus grand camp de concentration d’Europe a accueilli une commémoration rassemblant des rescapés et des dirigeants.
Une histoire à ne pas oublier
Oswiecim est le nom polonais d’Auschwitz, qui a été germanisé par les nazis. Cette ville située au sud de la Pologne occupée a accueilli dans ses baraquements ses 728 premiers prisonniers le 14 juin 1940.
Entre 1940 et 1945, un million de Juifs européens sont morts au sein de ce camp concentrationnaire, ainsi que 100 000 non-juifs. Ce ne sera que le 27 janvier 1945 que les soviétiques y retrouveront 7 000 survivants, alors que les 6 jours précédents, les Allemands ont fait sauter les chambres à gaz et fours crématoires d’Auschwitz et se sont retirés, en voyant l’avancée rapide des troupes soviétiques vers l’ouest.
Ce même jour, les soviétiques ont assisté à la découverte des horreurs de la Shoah à travers les différents camps polonais, alors que l’Allemagne avait déjà exterminé plus de six millions de Juifs européens.
Depuis ce jour, le 27 janvier a été déclaré par les Nations Unies comme étant la Journée de commémoration de l’Holocauste.
“Quand elle ne sera plus là, est-ce qu’on voudra nous croire, nous, quand on en parlera ?”
Le 27 janvier 1945, ils étaient 7000, lors du 60ème anniversaire, ils étaient 1000, au 70ème, 300. Le 27 janvier 2025, ils n’étaient plus qu’une cinquantaine. Le temps avance, et nous y laissons beaucoup de rescapés. Dans quelques années, seule la mémoire pourra nous permettre de témoigner au monde de ces horreurs.
Pawel Sawicki, le porte-parole du musée d’Auschwitz a ainsi déclaré: “Nous savons tous que dans dix ans, pour le 90ème anniversaire, il ne sera plus possible d’avoir un groupe aussi important.”. Puisque cet anniversaire a probablement été le dernier durant lequel nous avons pu entendre des survivants témoigner, il devient plus que nécessaire de centrer le monde autour de cet anniversaire pour ne jamais oublier. C’est pourquoi le roi Charles III a insisté sur le fait que “la responsabilité de la mémoire repose beaucoup plus lourdement sur nos épaules et sur celles des générations à venir.”.
Avant cet anniversaire, certains survivants ont accepté de se livrer auprès de l’AFP. Ces derniers ont eu l’occasion de s’exprimer autour de leurs craintes de voir le mal se reproduire face à la montée de la haine et de l’antisémitisme dans le monde. Par ailleurs, tout en racontant leur histoire, ils ont pu être accompagnés de membres de leurs familles. Dans ce cadre, Julia Wallach, une rescapée française qui a survécu deux années à Birkenau où un nazi l’a fait descendre in extremis d’un camion à destination d’une chambre à gaz explique qu’elle continuera toujours à témoigner: “Tant que je pourrais le faire, je le ferai.”. De l’autre côté, sa petite fille, inquiète, se demande: “Quand elle ne sera plus là, est-ce qu’on voudra nous croire, nous, quand on en parlera ?”.
Une cérémonie dédiée aux survivants
Puisque le temps passe, nous nous devons d’écouter le plus possible les survivants tant qu’ils sont parmi nous.
Dans ce contexte, il a été jugé important de dédier cette cérémonie aux rescapés. Ainsi, 3000 personnes ont été réunies lors de cette cérémonie, venues d’une cinquantaine de pays, incluant des rescapés, des dirigeants et représentants politiques.
Ainsi, Pawel Sawicki a expliqué qu’“il y aura des rois, des présidents, des Premiers ministres, des ministres, des ambassadeurs. Chacun d’entre eux voudrait parler, mais nous avons décidé de faire quelque chose d’exigeant: aucun d’entre eux ne parlera. Ils seront là pour être présents et pour écouter les survivants.”. En effet, la communication politique repose également sur des cérémonies telles que celle-ci. Néanmoins, il a été jugé important de n’accorder la parole qu’aux survivants pour que l’attention ne se tourne que vers leurs discours.
Étant donné que seuls les rescapés ont pu prendre la parole, l’un d’eux a pu effectuer le discours de bienvenue. Ainsi, quatre d’entre eux ont pu s’exprimer, à savoir Marian Turski, Tova Friedman, Leon Weintraub et Janina Iwanska. Ainsi, la maire adjoint d’Oswiecim a affirmé: “Nous allons nous concentrer encore plus sur le fait d’écouter les mots que veulent nous transmettre les survivants, afin de les archiver, de s’en souvenir et de les utiliser de manière appropriée pour éduquer les nouvelles générations.”.
Dans la crainte de voir l’histoire s’effacer avec le temps, la parole des survivants a été vue comme cruciale et se doit désormais de perdurer pour que ces horreurs ne se reproduisent jamais.
Des délégations engagées
Sous une tente blanche recouvrant la tristement célèbre entrée d’Auschwitz ont pris place un grand nombre d’invités. Autour des rescapés habillés de foulards rayés se sont retrouvées 54 délégations, réunissant des présidents, Premiers ministres, ministres et ambassadeurs.
On y a ainsi retrouvé le président français Emmanuel Macron qui a promis que la France ne céderait “rien face à l’antisémitisme sous toutes ses formes.”. Le ministre délégué français chargé de l’Europe Benjamin Haddad et la maire de Paris Anne Hidalgo avec des élus parisiens étaient également présents.
Le chancelier allemand Olaf Scholz et son président Frank-Walter Steinmeier ont également pris place, oubliant les troubles politiques qui touchent actuellement l’Allemagne, tout comme le Premier ministre démissionnaire canadien Justin Trudeau.
À défaut de voir défiler le nouveau président américain Donald Trump, c’est son ministre du commerce Howard Lutnick qui a pris place au nom des États-Unis.
Les présidents italien, autrichien, bulgare, tchèque, estonien et finlandais étaient également assis auprès des rescapés.
Le Président Ukrainien de confession juive était également présent lors de la cérémonie, ayant, plus tôt dans la matinée, appelé le monde à “empêcher le mal de gagner”, tout en faisant allusion à la Russie.
Quant à lui, le roi Charles III, s’est rendu à Cracovie pour échanger avec ses habitants et a rencontré des survivants lors d’une visite d’un centre communautaire juif qu’il a inauguré il y a 17 ans. Après cette visite, ce dernier a rejoint ses homologues sous la tente dressée à l’entrée du camp de concentration.
La cérémonie s’est également déroulée à distance par François Bayrou qui a effectué le ravivage de la flamme du soldat inconnu le même jour à 18h30 en présence de l’Union des déportés d’Auschwitz. Ainsi, autour des rescapés d’Auschwitz se sont réunies de nombreuses délégations venant affirmer leur soutien à ces derniers, tout en s’engageant à rendre immortels leurs témoignages à travers les générations.
Une cérémonie ancrée dans les conflits contemporains
Deux délégations dont la présence aurait été la bienvenue temps normal n’ont pas été invitées ou représentées partiellement.
En effet, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, la délégation russe avait toujours honoré sa présence plus que légitime lors des anniversaires de la libération d’Auschwitz. Néanmoins, cela fait trois années consécutives que la présence de la délégation russe n’est pas sollicitée, malgré que cette décision soit fermement critiquée par Moscou. Ainsi, l’ensemble des représentants russes ont été exclus des cérémonies, le musée d’Auschwitz ayant jugé qu’une telle présence serait “cynique” dans le contexte de la guerre en Ukraine.
En effet, le président Vladimir Poutine est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Ainsi, même si la Russie a joué un rôle très important dans la libération des camps de concentration, sa présence reste très contestée au vu des actions qu’elle mène en Ukraine qui ne coïncident pas avec les valeurs prônées dans de telles cérémonies.
En effet, le directeur du musée d’Auschwitz a déclaré que “C’est un anniversaire ? Nous nous souvenons des victimes, mais nous y célébrons aussi la liberté. Il est difficile d’imaginer la présence de la Russie, qui ne comprend manifestement pas la valeur de la liberté.”.
Ainsi, le président russe a rendu hommage de son côté aux soldats soviétiques qui ont vaincu un “mal terrible et total” en libérant le camp d’Auschwitz, dans un message publié par le Kremlin.
De l’autre côté, de nombreuses rumeurs ont été lancées quant à une possible participation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Néanmoins, ce dernier est visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale en novembre dernier, le soupçonnant de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Ainsi sa présence aurait largement été controversée.
D’autant plus que la Pologne, État membre du traité de Rome à l’origine de la Cour pénale internationale se devait d’arrêter le Premier ministre israélien s’il se trouvait sur son territoire.
Néanmoins Varsovie a affirmé qu’elle garantirait un accès “libre et sûr” aux responsables israéliens souhaitant assister aux commémorations. Cette déclaration reste tout de même controversée et est vue par certains comme la protection de criminels de guerre. Ainsi, Israël a tout de même été représenté par son ministre de l’Éducation Yoav Kisch.
Ainsi, dans un contexte mondial tourmenté et conflictuel, le devoir de mémoire reste important et est décisif pour les générations futures. D’autant plus que nous ne savons pas combien de survivants seront présents lors du prochain anniversaire, ce qui multiplie l’importance de réunir le monde autour de cet événement afin d’affirmer l’importance du souvenir.