Les conclusions de la justice américaine
« Les dirigeants de Lafarge ont conspiré pour effectuer des paiements à des groupes armés, y compris de l’Etat islamique et du Front al-Nosra, afin d’acheter des matières premières auprès de fournisseurs contrôlés par l’Etat islamique. En échange, l’Etat islamique a autorisé l’accès aux matières premières afin que la cimenterie de Jalabiya [dans le nord de la Syrie, NDLR] puisse continuer à produire du ciment ». Il s’agit d’un extrait de l’exposé des faits, rattaché à l’accord de plaider-coupable entre le procureur des Etats-Unis Breon Peace et le groupe français, signé le 18 octobre 2022 à New York.
Les données de la justice française à l’heure actuelle
L’enquête française se déroule en collaboration avec Lafarge. Le groupe avoue avoir payé des organisations terroristes entre 2011 et 2014, sous diverses formes dont des pots de vin. La filiale syrienne Lafarge Cement Syria est soupçonnée d’avoir versée entre 4 et 10 millions d’euros à diverses organisations terroristes dont l’Etat islamique. Cette somme aurait permis de maintenir l’activité de l’entreprise. Il semblerait également que le cimentier français serait passé par des intermédiaires qui s’adressaient à des djihadistes détenteurs de matières premières dans le pays. La filiale du groupe Lafarge est accusée d’avoir eu connaissance de l’identité des propriétaires des ressources. C’est pour cette raison que l’entreprise est inculpée en France pour « complicité de crimes contre l’humanité ».
Le temps long de la justice face à la fluidité des médias
Il est vrai que des soupçons de corruption et de copinage avec des organisations terroristes sont assignés par des journalistes depuis plusieurs années. On retrouve des articles et notamment une émission sur une chaîne du service public français, France 2 « complément d’enquête » intitulée « Lafarge : les sombres affaires d’un géant du ciment » datant du 23 mars 2018. Des accusations assez lourdes sont avancées durant le reportage. On peut retrouver le témoignage d’un chauffeur à visage découvert exprimant son inquiétude. Une inquiétude liée à des points de contrôle qui sont sous les ordres de Daesh. Le chauffeur explique avoir reçu un coup de fil où l’un des dirigeants de la filiale lui indiquait de ne plus avoir peur car un accord avait été trouvé avec les terroristes. On retrouve également un laissez-passer d’un employé livrant les matières premières, avec la marque du tampon du trésorier de Daesh.
L’enquête continue en France. Une partie trouble de cette affaire concerne l’Etat français. Le diplomate français en Syrie, Éric Chevallier, a discuté à maintes reprises avec le cimentier. Le Quay d’Orsay dispose également d’informations mais lesquelles ? Cette enquête va-t-elle montrer un côté affairiste des plus sales où l’entreprise est la seule responsable, ou alors une partie des hauts placés au sein de l’Etat auraient-ils les mains plus sales qu’on ne le croit ?